Rugby : l'équipe de France fait-elle trop tourner son effectif ?
Philippe Saint-André a procédé à de nouveaux changements avant d'affronter l'Irlande. Est-ce la bonne stratégie pour enrayer la spirale des défaites ?
"Si on gagne 3-0 en Irlande, je signe." Philippe Saint-André, sélectionneur d'un XV de France en perdition dans le Tournoi des six nations, ne fera pas le difficile, samedi 9 mars, à l'Aviva Stadium de Dublin, où son équipe doit défier l'Irlande. Pour tenter de l'emporter, il a effectué des changements par rapport à l'équipe qui a perdu, mais avec les honneurs, contre l'Angleterre le 23 février. Encore des changements ?
Quatorze matchs, 46 joueurs utilisés
Florian Fritz remplace Mathieu Bastareaud, auteur pourtant de bonnes prestations tant avec les Bleus qu'avec Toulon. Frédéric Michalak remplace François Trinh-Duc, pourtant à son avantage lors des 50 minutes qu'il a disputées en Angleterre (on ne peut pas en dire autant de Michalak, qui l'a remplacé). Enfin, Maxime Médard est aligné à l'aile à la place de Benjamin Fall, qui, il est vrai, est passé à côté de son Tournoi.
Ces changements, c'est une habitude très française : en deux ans, Philippe Saint-André aura essayé 46 joueurs, dont plusieurs à différents postes. Une culture révélatrice des atermoiements d'un sélectionneur qui n'a pas encore trouvé la bonne formule. Son prédécesseur, Marc Lièvremont, avait testé le nombre record de 50 joueurs lors de sa première année de mandat, avant de resserrer le groupe. PSA, lui, paraît tâtonner. Il ne dispose que de quelques postes où s'est imposé un titulaire indiscutable. Et pratiquement pas dans les postes clés : 2 (talonneur), 8 (troisième ligne centre), 9 (demi de mêlée), 10 (demi d'ouverture) et 15 (arrière). Seul Louis Picamoles, en 8, fait l'unanimité.
Comparez avec la relative continuité du sélectionneur anglais, qui se permet de larges revues d'effectif à l'occasion des tournées de matchs amicaux, mais pas pendant le Tournoi.
Le cerveau de l'équipe de France change tous les deux matchs
Principal objet des critiques des observateurs : la nouvelle charnière française. Le duo composé du n°9 et du n°10 a la lourde tâche d'organiser le jeu. Après Machenaud-Michalak lors des deux premiers matchs du Tournoi, après Parra-Trinh-Duc pendant une grosse mi-temps en Angleterre, au tour de Parra-Michalak.
Comme le remarque un journaliste irlandais dans L'Equipe, en dix ans, la France aura aligné huit ouvreurs différents contre l'Irlande. "C'est dire si votre réservoir à ce poste nous rend jaloux", ironise-t-il, faisant allusion à l'instabilité chronique des Bleus à ces postes.
Cela modifie à chaque fois la façon de jouer de l'équipe. Maxime Machenaud expliquait dans Sud Ouest la difficulté de jouer avec des partenaires différents : "Le timing de passe n'est jamais le même. Certains demis d'ouverture jouent plus profond que d'autres, qui se tiennent près de la ligne, et attaquent." Difficile de trouver ses repères quand on n'a qu'une poignée d'entraînements en commun.
Philippe Saint-André s'en défend : "Depuis la tournée d'été, ce sont exactement les mêmes quatre joueurs qui sont dans le groupe des 23 et qui composent la charnière, alors on ne peut pas dire que je ne stabilise pas, on travaille et on construit, c'est tout." Avec une gestion des hommes discutable : Frédéric Michalak a été (un peu) désavoué contre l'Angleterre en débutant sur le banc, François Trinh-Duc désavoué pendant la rencontre par sa sortie prématurée, Maxime Machenaud renvoyé à ses chères études - "il est encore jeune" - et Morgan Parra est passé entre les gouttes, comme d'habitude, mais n'est toujours pas un titulaire indiscutable, six ans après ses débuts en bleu.
Auréolé de trois victoires consécutives cet automne, le staff du XV de France voyait les prémisses d'"une culture de la performance et de la régularité au très haut niveau". Quatre mois plus tard, le XV de France n'a plus de performances, ni de régularité...
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