6 Nations : Shaun Edwards, clé de la défense intraitable des Bleus
"C'est la défense qui nous a fait gagner." François Cros, le 3e ligne de l'équipe de France, a, comme nombre de ses coéquipiers, mis la victoire des Bleus face à l'Angleterre sur le compte d'une défense incroyable. 90% de plaquages réussis, la statistique est de haut niveau. Mais elle se reflète partout, dans la stratégie, les actions, l'état d'esprit...
Défendre pour mieux attaquer
"On avait des bases défensives solides, et l'apport de Shaun dans le combat, l'agressivité, a élevé notre niveau", souligne Grégory Alldritt, le N.8 tricolore auteur de 16 plaquages sans en rater un et élu homme du match dimanche soir. "On a été très disciplinés, on a mis pas mal de plaquages offensifs, c'était le but. Il y a Shaun Edwards qui nous aide beaucoup là-dessus. Le travail avec lui a payé", insiste Vincent Rattez, l'ailier de La Rochelle. "On a fait beaucoup d'efforts pendant ces deux semaines", ajoute le 2e ligne de Montpellier Paul Willemse. "On veut utiliser notre défense pas que pour défendre, mais pour attaquer aussi. Ce soir (dimanche, Ndlr), tout le travail a payé."
Shaun Edwards. Le nom n'est pas connu du grand public. Mais dans le milieu du rugby, cet Anglais est devenu une référence. Ancien joueur de premier plan de rugby à XIII, il a ensuite pris la direction du rugby à XV en entraînant les London Wasps. C'est là qu'il a connu Serge Betsen, l'un des meilleurs défenseurs de l'histoire du XV de France, et aussi un certain Raphaël Ibanez, aujourd'hui manageur des Tricolores. C'est dans le club londonien qu'il collabore avec Warren Gatland. Lorsque ce dernier prend en main la sélection galloise, il fait appel à son ancien adjoint chez les Wasps. Les deux hommes vont façonner une équipe qui va devenir, au fil des 11 années de collaboration, une référence en termes de défense. La "rush defense" est née. Elle fait exploser les meilleures attaques de la planète. Le concept est simple: harceler, monter rapidement, défendre en avançant.
C'est ce schéma de jeu que la France produit désormais, et que l'arrière Anthony Bouthier résume ainsi face au XV de la Rose: "Les mettre constamment sous pression quand on était en défense, toujours monter fort pour bloquer les extérieurs. On n'avait pas d'autres choix que de leur mettre la pression, de les presser tout le temps, de les remettre dans leur camp."
Cela fait quinze jours que les Bleus découvrent cette méthode, qu'ils écoutent et appliquent les consignes de Shaun Edwards. L'homme est exigeant. C'est aussi une pile électrique. Dans la tribune du Stade de France, placé aux côtés des analystes vidéos de l'équipe de France, un rang plus bas que Fabien Galthié et Raphaël Ibanez, il ne cesse de s'agiter, de vivre le match pleinement. Sitôt le premier essai de Vincent Rattez inscrit, il se retourne vers Ibanez pour lui signifier des réajustements à apporter. Edwards-Ibanez, la connexion est permanente.
A 10-0, sur un renvoi mal contrôlé par les Français, il hurle "pressure, pressure" (pression, pression), pour accélérer la montée défensive comme si ses hommes pouvaient l'entendre 150m plus loin. Il tape violemment sur la table quand une action ne le satisfait pas... Bref, Shaun Edwards est un perfectionniste, et nul doute que la prestation défensive des Bleus, saluée par tous, n'est pas suffisante pour lui.
Des morts de faim devant leur ligne
Gaël Fickou, qu'il a désigné capitaine de la défense, a déjà adopté ces principes: "On aurait pu éviter ces deux essais encaissés. On a montré un gros état d'esprit en défense, on les a fait reculer. Prendre ces essais, sur de petites erreurs, cela arrivera toujours mais c'est frustrant." Au-delà de la tactique, Edwards et le staff tricolore ont inculqué une nouvelle mentalité. "On est plus précis", souligne Fickou lorsqu'on l'interroge sur la différence avec le passé. "Dans l'enthousiasme, dans l'envie, dans l'agressivité, on a répondu présent", avant de parler de "soldats" qui ont "plaqué comme des chiens pour les contrer."
Le visage marqué par le combat, Alldritt se rappelle: "Quand on était à 5m de notre ligne, que je regardais à ma droite et à ma gauche, et que je voyais tout le monde prêt à en découdre... Ils n'ont pas avancé d'un mètre, ils ont même reculé. On a défendu notre ligne comme des fous. Ça leur a fait mal à la tête." Antoine Dupont renforce cette impression collective: "Sur notre ligne, on n'a jamais flanché." François Cros résume la mentalité des Bleus pour ce match: "On nous avait promis une grosse violence, on y était prêt. On avait envie d'en découdre."
Cet état d'esprit, chacun sait qu'il ne devra plus les abandonner, à commencer par dimanche au Stade de France contre l'Italie. Shaun Edwards est là pour s'en assurer. Et Gaël Fickou annonce déjà l'étape suivante: "On sait qu'on a une gosse défense. C'est notre marque de fabrique. Il faut commencer à rentrer dans la tête de nos adversaires et qu'ils se disent: c'est dur de leur marquer des points."
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