France-Irlande : le XV du Trèfle peut-il faire sans Jonathan Sexton, au crépuscule de sa carrière ?

C'est forcément un événement. Samedi 12 février, l'Irlande sera privée de son demi d'ouverture Jonathan Sexton pour son déplacement en France à 17h45 (match à suivre en direct sur France 2 et france.tv). A 36 ans, le numéro 10 du Leinster a déclaré forfait pour le choc de la 2e journée du Tournoi des six nations, touché aux ischios-jambiers. Il sera remplacé par Joey Carbery, joueur du Munster, capé 18 fois mais jamais titularisé dans le Tournoi. 

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— Irish Rugby (@IrishRugby) February 10, 2022

Il faut se replonger dans l'histoire récente du rugby irlandais pour comprendre la portée d'une absence de Johnny Sexton. Depuis la retraite de la légende Ronan O'Gara, en 2013, l'ouvreur aux 102 sélections est incontesté à son poste. Avec 955 points inscrits sous le maillot vert, il talonne désormais son illustre prédecesseur (1083 points, troisième recordman mondial derrière Dan Carter et Johnny Wilkinson).

Sur les huit dernières éditions des Six nations, Sexton a manqué quatre petits matchs. Samedi, le XV du Trèfle se présentera au Stade de France sans son demi d'ouverture fétiche pour la première fois depuis... 2010. Meilleur réalisateur du dernier Tournoi, il continue, à 36 ans, de planer avec sa sélection. Prépondérant lors du succès des siens contre la Nouvelle-Zélande (29-20) en novembre, Johnny Sexton a marché sur l'eau samedi dernier, en ouverture du Tournoi, contre le pays de Galles (29-7).

L'homme commotionné

Souvent décrit comme un ouvreur gestionnaire peu friand des initiatives dans les espaces, le joueur du Leinster a montré l'étendue de sa panoplie, la semaine dernière, sur le deuxième essai des siens. Après une prise d'intervalle suivie d'une passe après contact dans les 22 mètres gallois, Sexton s'est vite relevé pour allonger sa passe pour Andrew Conway. "C'est l'un des meilleurs ouvreurs de l'histoire du rugby international. Malgré son âge, il est encore incroyable." admirait, d'ailleurs, Romain Ntamack mercredi en conférence de presse.

Le numéro 10 toulousain s'attendait à croiser le fer avec Sexton. Mais en dépit d'un talent toujours intact, l'Irlandais est miné par des pépins physiques à répétition. Il a, au sens propre, donné de sa personne pour rayonner contre les All Blacks en novembre dernier : touché au genou et à la cheville, l'ouvreur a été éloigné des terrains deux mois et n'a repris la compétition que mi-janvier avec le Leinster. On ne peut s'empêcher, non plus, d'évoquer les commotions cérébrales qui viennent inlassablement perturber sa fin de carrière.

Au printemps 2021, l'ex-Racingman a subi deux chocs à la tête à deux mois d'intervalle. Sexton et les commotions, l'histoire dure depuis bientôt dix ans. Un rapide coup d'œil aux archives de la presse irlandaise montre, d'ailleurs, que la question d'une éventuelle retraite anticipée se posait dès 2016. Six ans et quelques coups - une bonne dizaine au total - reçus à la tête plus tard, le vétéran est toujours là, mais pour combien de temps ?

"On a pris une décision à la fin du dernier Tournoi des six nations et je ne pense pas que ce sera différent cette année. Attendons la fin du Tournoi 2022 et voyons où nous en sommes."

Jonathan Sexton, ouvreur de l'Irlande

en conférence de presse le 3 novembre 2021

On imagine aisément le natif de Dublin rêver d'une participation au prochain Mondial, dans dix-huit mois. Mais il aura alors 38 ans. Il arrive, de plus, en fin de contrat avec sa province du Leinster. Des discussions pour une éventuelle prolongation auront lieu après le Tournoi, mais son remplaçant Ross Byrne donne satisfaction et pourrait garder une place de titulaire en club.

Son remplaçant Carbery prêt à assurer la relève 

"Pour être honnête, ils [les Irlandais] sont peut-être meilleurs sans lui", concédait d'ailleurs Philippe Saint-André, manager de Montpellier, cette semaine dans le Midi Olympique. Car la relève est bien là. Si Ian Madigan (Ulster, ex-UBB) et Paddy Jackson (London Irish, ex-Perpignan) n'ont pu détroner Sexton, la nouvelle génération devrait s'en charger.

Samedi, elle sera incarnée par Joey Carbery. L'ouvreur du Munster, 26 ans, se dit en tout cas "prêt, à la fois physiquement et mentalement". "Ça risque donc d'être un moment difficile pour lui, a indiqué Ronan O'Gara, désormais manager de La Rochelle. Mais c'est un gars qui a un talent exceptionnel. Rien ne vaut d'enchaîner les matches de ce niveau à son âge." Vraisemblablement responsable du but au Stade de France, Carbery ne s'échappera pas. A Dublin, personne n'a oublié ses deux coups de pied, dont l'un de 50 mètres, pour sécuriser la victoire contre les Blacks en fin de match. 

Lors des dernières tournées d'été et d'automne, le Munsterman a gagné sa place de n°2 dans la hiérarchie, devant Billie Burns ou Ross Byrne. De là à rêver mieux ? A mesure que le Mondial s'approche et que le physique de Sexton cale, Carbery a tout intérêt à briller samedi. Sa titularisation ne devrait, au fond, pas changer grand chose pour Fabien Galthié. "L'équipe irlandaise est très structurée, ils ont un plan de jeu très posé et ils vont conserver cette animation offensive [...]. Ils vont rester sur le même fond de jeu, offensif et défensif, malgré l'absence de Johnny Sexton."