Cet article date de plus de six ans.

Avec l'U Arena, le Racing 92 bouscule les habitudes mais réussit son pari

Il y a presque quatre mois jour pour jour, le Racing 92 disputait son premier match à la U Arena contre le Stade toulousain. Alors qu'il résidait depuis 1907 au stade Yves-du-Manoir de Colombes, le champion de France 2016 a ouvert une nouvelle page de son histoire. La nouvelle enceinte, basée à Nanterre, entièrement fermée et ultra-moderne, casse les codes habituels du rugby. Si les supporters ne se sont pas totalement adaptés, le club tire déjà des bénéfices de ce déménagement.
Article rédigé par Maxime Gil
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
La U Arena (OLIVIER CORSAN / MAXPPP)

C’est peut-être le pari le plus fou qu’ait connu le monde ovale : faire jouer une équipe de rugby dans une salle de spectacle. 30 joueurs sous un toit, l’Ovalie a déjà vécu ça, notamment au Millennium Stadium de Cardiff (Pays de Galles). Mais dans une enceinte similaire au palais omnisport de Paris-Bercy, c'est une première ! Derrière ce grand défi : Jacky Lorenzetti, président du Racing 92. Quatre mois après le premier match de son club à l'U Arena, l’heure est au bilan.

"On n'a pas pris notre place"

Chez les supporters, déménager du mythique stade Yves-du-Manoir n’a pas été facile sentimentalement : « Nous ne sommes pas insensibles à Colombes », confesse Jean-Pierre Chivrac, président de Génération Yves-du-Manoir. Un nom d’association on ne peut plus évocateur, signe de l’attachement de ces amoureux du Racing envers l’enceinte colombienne. « On a pleuré au moment de partir. Aujourd’hui, il y a un manque. » Il faut dire que c’est là que le club Ciel et Blanc a connu ses grandes heures, ramenant notamment six Boucliers de Brennus. 

Les supporters du Racing 92 lors du dernier match du club au stade Yves-du-Manoir de Colombes (DENIS TRASFI / MAXPPP)

Alors, cette arrivée dans le quartier de La Défense est « une nouvelle page de l’histoire du club », mais a surtout bousculé les habitudes. 6 matches après les débuts du Racing 92, on a encore du mal à s’y faire du côté des fans altoséquanais : « On n’a pas pris notre place encore. On est plus à l’aise dans un stade, comme à Clermont par exemple. » Même si l’enceinte est « magnifique », Jean-Pierre Chivrac concède que « ce n’est pas un stade mais une salle de spectacle. »

Une affluence doublée

Comme à Colombes, un emplacement « 16e homme » a été créé pour regrouper les associations de supporters. Placées dans les 22m en bord de pelouse, elles ont « carte blanche » sur les animations (drapeaux, tifos géants,…). Cette poignée de fidèles pourrait être replacée à l’avenir : « La tribune 16e homme est un peu isolée et c’est compliqué pour les supporters au niveau de l’acoustique quand ils chantent. Ils méritent une meilleure exposition », explique Damien Rajot, directeur général adjoint de Lililo (société qui exploite l’U Arena). Mais ce n’est pas l’isolement que regrette Jean-Pierre Chivrac : « Ici (à Nanterre, ndlr), il y a moins de proximité avec les joueurs qu’à Yves-du-Manoir. » Ce qui ne l’empêche pas de reconnaître que « c’est un pari gagnant pour l’instant. »

Les supporters du Racing 92 à la U Arena (DENIS TRASFI / MAXPPP)

Il faut dire qu’au vue des statistiques, le passage du Racing 92 à l’U Arena est une franche réussite. Sportivement, les joueurs de Laurent Travers et Laurent Labit n’ont toujours pas perdu. Mais financièrement, c’est encore mieux. Le club francilien a fait plus que doubler son affluence. Lors des 5 premiers matches de la saison, les Ciel et Blanc ont attiré en moyenne 6180 personnes à Colombes (44% de taux de remplissage). Sur les 6 rencontres suivantes jouées à Nanterre, la moyenne s’élève à 20 990 (68% de taux de remplissage). Des chiffres (enfin) dignes du statut du Racing 92, alors que les affluences moyennes sur une saison franchissaient à peine la barre des 10 000 entrées… grâce aux délocalisations !

Nette augmentation des recettes

Que ce soit du côté de Génération Yves-du-Manoir ou du club, le constat est le même : « Il y a plus de spectateurs que de supporters, excepté quelques historiques. » Alors, dans les bureaux des Ciel et Blanc, on s’adapte. De nombreuses offres correspondantes à divers publics ont été établies : « Il y a la U Crazy pour les moins de 18 ans avec un DJ, des déguisements… pour attirer un nouveau public ; la tribune famille où des occupations pour les enfants sont prévues ou encore le Carré Ciel et Blanc, juste derrière le banc des remplaçants, pour des prestations partenaires », détaille Damien Rajot. Et à titre de comparaison, c’est environ 2000 accès VIP qui sont vendus dans le quartier de La Défense, contre 700 auparavant.

Alors, quand il s’agit d’entrer dans le concret et d’annoncer les chiffres de recettes, on ne se cache pas : « Les gens consomment environ trois fois plus qu’à Yves-du-Manoir », assure Damien Rajot. Il rajoute : « Lors de la réception de Toulouse (premier match à la U Arena le 22 décembre, 29 347 spectateurs), nous avons fait une recette équivalente à celle d’une finale de Top 14. »

Vue de la U Arena depuis la tribune officielle (OLIVIER CORSAN / MAXPPP)

Spectacles ou matches du Racing 92 ?

Amoureux du Racing 92, fans du ballon ovale ou simples curieux, cette nouvelle enceinte attire. Et suscite la curiosité. Alors, pour convaincre, le club sort le grand jeu. Contre Toulon, la mascotte est descendue du toit au milieu du terrain pour apporter le ballon du match. Une animation en grandes pompes qui devrait en appeler d’autres : « Nous allons investir dans des animations plus surprenantes. La salle n’a pas encore tout donné ! », annonce le directeur général. Il y a aussi un défi : rajeunir le public.

Mais le passage à l'U Arena pose quelques problèmes. Au-delà "des coûts plus lourds, avec notamment à une augmentation du dispositif de sécurité, dû à la capacité", c'est la cohabitation entre les matches du Racing 92 et les spectacles qui interroge. Un exemple ? Le dernier match de la phase régulière du Top 14. Les Ciel et Blanc doivent affronter Agen, le samedi 5 mai. Mais Jacky Lorenzetti a reçu une offre alléchante : louer la salle à Beyoncé et Jay-Z pour préparer leur tournée mondiale, selon L'Equipe. Ou quand la réalité économique prend le dessus sur le rugby... Mais qu’importe. Car les banlieusards parisiens ne s’en cachent pas : « Ici, ce ne sera pas comme ailleurs."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.