Stade-Français-Racing, un vrai derby?
C'est un quoi un derby?
Le mot derby est né des matches de "folk football", équivalent de la soule en France, auxquels se livraient au XVIIIe siècle deux paroisses de la ville de Derby en Angleterre, Saint-Peter et AH Saints, le jour du Mardi gras. Très vite, dans le sport, le mot derby a évoqué une rivalité, le "fameux" match à ne pas perdre contre l'ennemi, souvent voisin et différent. En effet, plus que le rapprochement géographique, c'est l'affrontement de deux identités, de deux cultures, qui fait le sel d'un derby. C'est le cas entre Bayonne le populaire et Biarritz la bourgeoise.
Le "nous" contre "eux" prend son sens dans un processus d'identification à une ville, un quartier, des valeurs et des normes. Du coup, ce n'est plus deux clubs qui se rencontrent dans une compétition sportive mais deux projets, deux visions du monde, autrement dit deux communautés. La rivalité va au-delà du sportif et s'inscrit dans une opposition identitaire comme à Bueno Aires lors d'un Boca Junior, le club du peuple, et River Plate, club de la bourgeoisie, à Istanbul entre Galatasaray lottomane, laristocratique et Fenerbahce la kémaliste, la bourgeoise, ou à Glasgow entre le Celtic, catholique, et les Rangers, protestant.
Paris-Racing, pas encore un derby
"Je ne ressens la pression populaire du derby. La notion de derby ne me parle pas", sourit le demi de mêlée du Racing Sébastien Descons à l'évocation d'un Racing-Stade-Français. "Pour moi qui suis étranger, le derby, cest quelque chose qui ne mappartient pas", poursuit le pilier racingman italien Andrea Lo Cicero. Pour qu'il y ait un derby, il faut une histoire, un antagonisme, une rivalité. "J'ai été élevé dans la tradition du derby", raconte l'ancien Perpignanais Laurent Sempéré en pensant à ses nombreux affrontements contre Narbonne ou Béziers, voire Montpellier. "C'est le match dont tout le monde parle car il y a des antécédents, des tensions et des rivalités. Là, j'ai du mal à le voir comme un derby. Il n'y a pas d'histoire entre les équipes."
Et pourtant, ce derby du Grand Paris a une histoire qui remonte aux origines du rugby français. Le 20 mars 1892 le Racing club de France, ancêtre du Racing-Métro, avait battu le Stade Français 4-3 à Bagatelle et était devenu le premier champion de France. La saison suivante, le Stade Français avait pris sa revanche 7-3 à Bécon-les-Bruyère. D'autres matches ont opposé les deux équipes mais ils ont été de pure anecdote en raison de leurs hauts et de leurs bas. Samedi, les deux équipes peuvent écrire un nouveau chapitre de cette histoire tranquille entre les deux clubs.
Tradition contre paillettes
Après une éclipse de plusieurs décennies, la rencontre entre les deux clubs parisiens a resurgi dans le paysage rugbystique français. A défaut du terrain, la rivalité les deux clubs est bien réelle. Au sommet depuis 1998, tant sur le plan sportif que financier et marketing, le Stade Français voit sa suprématie régionale et nationale contestée par son illustre voisin, trois ans seulement après son accession au Top 14. Deux identités, deux ancrages, un en banlieue et l'autre à Paris, deux projets, deux présidents richissimes, Lorenzetti au Racing et Savare au Stade-Français, s'affrontent pour coexister en Ile de France.
Quand le Stade Français se pare de rose, le Racing revendique haut et fort ses couleurs Ciel et Blanc. D'un côté les paillettes, l'innovation et le buzz permanent, de l'autre la tradition et des références permanentes à l'histoire glorieuse. Pourtant, dans les années 80, le Racing "show-bizz" des Mesnel et Laffont a introduit le rose dans le rugby, bien avant le fantasque ex-président du Stade Français Max Guazzini, en arborant un nud papillon rose lors de la finale perdue face à Toulon (15-12 en 1987). Bref, deux clubs pas si éloignés mais un peu quand même. Tout pour créer une belle rivalité.
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