Top 14 : antre des demi-finales, comment le stade de foot d'Anoeta à Saint-Sébastien est devenu le graal du rugby
Et soudain, sa carcasse d'un bleu azur clinquant se dresse devant le visiteur égaré dans les rues de Saint-Sébastien (Espagne). Il ne lui faut guère plus d'une vingtaine de minutes à pied depuis la vieille ville ou la célèbre plage de la Concha pour tomber nez-à-nez avec l'écrin d'Anoeta (ou Reale Arena, de son nom commercial), antre des demi-finales de Top 14, Toulouse-Racing, vendredi 9 juin, et La Rochelle-Bordeaux-Bègles, samedi 10 juin. Son parvis rudimentaire – immeubles à proximité directe oblige – le rend intrigant, voire anachronique, à l'heure des stades en périphérie aux places de parking étalées sur plusieurs hectomètres.
Le stade, de 40 000 places, se fond dans le décor alentour, au point qu'il faut tendre l'œil pour le distinguer d'une salle de concert ou d'une piscine. Frappé des couleurs txuri-urdin (bleu et blanc en langue basque) de la Real Sociedad, le club de football résident, Anoeta s'est paré, ce week-end, des couleurs noir et orange du Top 14. L'alliage désormais naturel entre la balle ovale et l'enceinte n'avait pourtant, il y a 20 ans, rien d'évident, dans un pays où le rugby demeure encore confidentiel.
"On a été la première équipe à y jouer, en 2005 contre le Munster", se remémore Dimitri Yachvili, consultant pour France Télévisions et ancien demi de mêlée biarrot. "C'était ma première saison à Biarritz, on s'est retrouvés dans un Anoeta plein à craquer, dans un match tendu contre une référence au niveau européen !", complète Imanol Harinordoquy, titulaire en troisième ligne ce soir-là.
Délocalisations à foison dans les années 2000
Obligé de délocaliser ses matchs de phase finale en Coupe d'Europe à cause de la capacité restreinte de son stade d'Aguiléra, le BO a pris goût au stade de la province de Gipuzkoa, jusqu'à y disputer sporadiquement ses affiches phares de championnat. "C'était le graal, il fallait se le gagner !", illustre Harinordoquy, également consultant pour France Télévisions. Championnat et coupe d'Europe confondus, Biarritz y a reçu dix fois entre 2005 et 2011, faisant battre le cœur d'un stade que la Real Sociedad, engluée en deuxième division, peinait à remplir.
"C'est un stade très particulier", renchérit Yachvili. "Ce n'est pas très loin de Biarritz, mais c'est une autre ambiance. Ça résonne, tu sors des vestiaires sous terre puis tu montes des marches pour monter sur la pelouse, au milieu de supporters heureux de passer la frontière."
"Il y a une vraie convivialité dans le vieux Saint-Sébastien, avec plein de bars. Cela amène une atmosphère que l'on ressent dans le stade."
Imanol Harinordoquy, ancien joueur de Biarritz et consultant pour France Télévisionsà franceinfo: sport
Face à ce succès populaire et commercial, l'Aviron bayonnais, rival du BO, a également investi Anoeta pour quelques matchs de gala. Avec une histoire européenne moindre, le club bleu et blanc y a reçu à quatre reprises entre 2009 et 2014, avant que les déboires sportifs des deux équipes basques, qui font le yo-yo entre Top 14 et Pro D2, ne donnent un coup d'arrêt aux délocalisations.
Une "génération Anoeta"
"Tous les matchs qu'on a joués là-bas, il s'est passé des choses extraordinaires", se remémore Yachvili. Et ce dernier de citer des souvenirs précis de duels contre les Ospreys ou Toulouse. "Ces matchs d'anthologie ont marqué les esprits", affirme Harinordoquy. Ceux-ci ont trouvé un écho chez une génération "d'enfants d'Anoeta", qui en fouleront le pré ce week-end.
"Anoeta représente énormément pour moi, j'allais voir les épopées du Biarritz Olympique quand j'y étais abonné avec mes parents, a ainsi soufflé Maxime Lucu, demi de mêlée de Bordeaux-Bègles, sur Canal +. J'ai beaucoup d'émotions à y retourner." Entre-temps, l'enceinte a été refaite à neuf en 2019. Sa capacité est passée de 32 000 à 40 000 strapontins, son nom commercial a changé et la piste d'athlétisme a été supprimée, rapprochant le public de la pelouse.
"Ils ont demandé l'accord aux Fédérations basque et espagnole de faire les travaux, c'est le signe que le rugby compte à Anoeta !"
José Miguel Galdos Ordonoz, directeur technique de la Fédération basque de rugbyà franceinfo: sport
Ce nuevo Anoeta du rugby, Bayonne l'a inauguré en mars, en y replantant des perches de rugby neuf ans après le dernier match. Le souvenir amer sur le terrain – seule défaite (20-30) "à domicile" de l'Aviron cette saison – a été atténué par la fête populaire, dans un stade à guichets fermés plusieurs semaines avant la rencontre. Un engouement similaire est attendu pour ces demi-finales et augure, si les performances de l'Aviron suivent, de nouvelles folles journées rugbystiques.
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