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Top 14 : Mathieu Bastareaud dit stop, la dernière charge d’un personnage du rugby français

Face à Bordeaux, dimanche, Mathieu Bastareaud jouera très certainement le dernier match de sa carrière de joueur professionnel. Avec lui, c'est une figure emblématique du rugby français qui tire sa révérence.
Article rédigé par franceinfo: sport, Julien Faure
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
Mathieu Bastareaud avec le maillot de l'équipe de France après un match face à l'Italie, le 16 mars 2019. (MATTEO CIAMBELLI / NURPHOTO)

Dimanche 28 mai, lorsque la sirène retentira au stade Mayol, Mathieu Bastareaud savourera ses derniers instants de rugbyman professionnel. Une carrière qui l’aura mené très haut très tôt, avant de le renvoyer très vite très bas, mais qu’il aura conclue en ayant côtoyé les sommets du rugby. Il pourra se targuer d’avoir glané 54 sélections avec le XV de France, un Grand Chelem, trois Champions Cup consécutives, un bouclier de Brennus et un Challenge européen. Surtout, il laissera derrière lui une trace indélébile dans l'histoire du rugby français.

Enfant du Val-de-Marne et de Créteil, où il a réalisé toute sa préformation, Mathieu Bastareaud a brûlé les étapes. Notamment quand, alors joueur de Massy en Fédérale 1, il est appelé en équipe de France par Bernard Laporte, à 18 ans et sans jamais avoir évolué en professionnel. Membre du pôle France au Centre national du rugby de Marcoussis, il détonne déjà et ne laisse pas indifférent.

Le sélectionneur du XV de France, après l’avoir vu à l'œuvre lors de mises en place se laisse prendre au jeu. Résultat, Bastareaud est appelé pour une tournée en Nouvelle-Zélande. Benoît Bonetti, qui a partagé les années jeunes à Massy à ses côtés raconte : "À l’époque, c’était assez fou, ce n’était pas vraiment encadré, c’était plus un ovni." Une blessure au genou lors des phases finales avec Massy l’empêchera de s’envoler chez les kiwis, mais son histoire avec le XV de France a déjà débuté.

Mathieu Bastareaud sous les couleurs de Massy, face à Gennevilliers, au stade Jules Ladoumègues de Massy, le 21 novembre 2006. (MAXPPP)

Une histoire qui reprend son cours en 2009, lorsqu'il participe au Tournoi des six nations sous la coupe de Marc Liévremont. S'en suit une tournée en Nouvelle-Zélande, enfin. Après une victoire à Dunedin face aux All Blacks, où il est titulaire, tout semble aller pour le mieux pour Bastareaud. Mais la chute est terrible. Suite à une soirée arrosée après un nouveau match contre les Blacks auquel il n'a pas participé, Bastareaud fait sa plus grande erreur de jeunesse. Amoché au visage à la suite d'une chute dans sa chambre, il invente une agression en rentrant à son hôtel. L'affaire prend une ampleur phénoménale. Surtout lorsque l'on apprend qu'il n'a pas été agressé. Les médias et les politiques ne lui pardonnent pas, il est noyé au milieu d'un tourbillon qui dépasse le monde du rugby. À 21 ans, il ne le supporte pas et tente de mettre fin à ses jours.

La vie a repris son cours. Bastareaud s'est soigné. "Il a eu beaucoup de courage et de résilience. Il a fait le dos rond sur tout ce qui s’est passé en Nouvelle-Zélande notamment.", confie Benoit Bonetti. Il est aussi devenu l'un des premiers sportifs français à évoquer publiquement la dépression, dans son livre (Tête haute : Confessions d'un enfant terrible du rugby, paru en 2015) mais aussi à la télévision.

Mathieu Bastareaud quitte l'équipe de France suite à ce qui est encore une agression présumée dans les rues de Wellington, le 21 juin 2009. (FRANCK FIFE / AFP)

Avec le XV de France aussi, la vie a repris. Après avoir été sanctionné, il est rappelé par le sélectionneur pour le Tournoi suivant. La France réalise le Grand Chelem, "Basta" est titulaire lors de quatre des cinq matchs. La suite est moins linéaire et voit son temps de jeu fluctuer. Il reste un cadre du groupe de façon régulière et participe au mondial 2015. Mais l'histoire se termine par une grande frustration. Leader du groupe de Jacques Brunel, il n'est pas du voyage au Japon en 2019. L'équipe de France se passe d'un "game changer", mais elle semble surtout laisser à quai l'un de ses hommes de base.

Un vrai joueur de ballon capable de débloquer un match

Tout au long de sa carrière, Mathieu Bastareaud a regardé dans les yeux la barre des 120 kilos. Rédhibitoire pour le poste de centre pour certains. Pour Vincent Clerc, meilleur marqueur d'essai de l'histoire du XV de France et ancien coéquipier, il est de "ces profils rares qui allient puissance, vitesse et volonté de faire jouer autour de lui". Bien plus qu'un simple point de fixation de défense donc. Aujourd'hui responsable du centre de formation de Massy, Benoît Bonetti souligne le style d'un joueur plus savant que "bourrin". "Il sent le jeu. C’est un passionné de sport de manière générale, qui a beaucoup de réflexions par rapport au rugby et qui a souvent su se réinventer [...] Il a toujours été très bon sur les jeux techniques."

"Je me souviens que sur un match avec le pôle France, on fait une croisée, il joue son duel et il traverse le terrain sur 50m. Là les gens qui doutaient de son physique se sont dit, "ah ouais, le pilier-talonneur est capable de faire ça" Il était gaillard mais il avait quand même du gaz."

Benoît Bonetti, ancien coéquipier de Mathieu Bastareaud

à franceinfo: sport

S’il s’impose comme l’un des meilleurs joueurs du championnat avec le Stade Français de 2007 à 2011, Bastareaud a besoin de changer d’air. Quitter Paris et ses potentielles distractions nocturnes aussi. "Il s’est rendu compte au bout d’un moment que pour son développement, ça serait peut-être intéressant pour lui de bouger" avoue Benoît Bonetti. Et puis l’enfant de Créteil débarque sur la Rade, à Toulon. Là-bas, Bastareaud va se construire un palmarès hors du commun jusqu'en 2019. Cela va aussi lui permettre de porter le rugby en France, en devenant, sa figure principale, sa star absolue, au même titre que d'un Chabal ou qu'un Michalak quelques années plus tôt.

En 2020, il part jouer aux Etats-Unis. Une expérience Outre-Atlantique raccourcie puisqu'elle est interrompue par le Covid-19, mais qui témoigne de son envie de vivre le rugby sous toutes ses formes et ses développements. Conséquences ? Mathieu Bastareaud revient à Lyon, aux côtés d’un Pierre Mignoni qui a le don de l'avoir convaincu plus d’une fois de rechausser les crampons, encore et encore.

Malheureusement pour lui, ça ne se passe pas comme prévu et il enchaîne les blessures. Une rupture du tendon quadricipital du genou gauche, suivie d’une fracture de la main et surtout d'une double rupture du tendon quadricipital, sur la même action. Les deux genoux sont touchés et la scène a quelque chose de dramatique. Le lendemain, il annonce sur ses réseaux avoir besoin d’un “temps de réflexion” quant à la suite de sa carrière. Les mois suivants sont difficiles, mais il repart au combat et pas n’importe où. En septembre dernier, celui qui joue désormais numéro 8 revient sur la Rade, à la maison.

Pierre Mignoni a intégré le staff du RCT et il est difficile de ne pas lier l’arrivée de Bastareaud à sa présence. De l'avis de tous, l'actuel co-entraîneur de Toulon est peut-être le principal artisan des années de rab que s'est donné Bastareaud. Que ce soit pour Vincent Clerc, "ça part de Pierre", ou pour Benoît Bonetti, "Mignoni a été brillant sur ça, il connaît parfaitement Basta", tous sont unanimes.

Mathieu Bastareaud derrière la mêlée, lors de Lyon-Castres, au stade Gerland, le 6 novembre 2021. (OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP)

Un joueur apprécié et respecté au-delà de l'hexagone

Mais Mathieu Bastareaud, ce n'est pas que le terrain. Il fait l'unanimité partout où il passe. "C’est quelqu’un avec un tempérament très attachant, c'est devenu un ami. Il est très altruiste et c’est pour ça je crois qu’il fédère autour de lui" relate ainsi Vincent Clerc. Même son de cloche chez son ami Benoît Bonetti, "il a toujours eu un super d’état d’esprit, très fair-play, respectueux de manière générale." Il rappelle par ailleurs qu'il n'a pas sa langue dans sa poche pour autant et "il ne fait pas partie de ceux qui disent et qui font des choses pour plaire". "Mathieu, soit tu l’aimes, soit tu le détestes, confiait son ancien coéquipier au Stade Français, Mathieu Blin, dans le documentaire "Basta" de Canal+. Généralement, si tu l’aimes c’est que tu le connais, si tu le détestes c’est que tu ne le connais pas."

Bernard Laporte témoignait également auprès de Canal+ que certains de ses joueurs cadres cherchaient même à savoir s'il serait sur la feuille de match. "Je me rappelle, Jonny Wilkinson, Matt Giteau, quand on parlait un peu de compo, quand arrivaient les gros matchs, ils voulaient savoir s’il allait y être". Jonny Wilkinson qui signera même la préface de son livre, s'y qualifiant de "privilégié" d'avoir été son coéquipier et désignant Mathieu Bastareaud comme l'une de ses sources d'inspiration.

Pour celui qui aura été titulaire lors de neuf des dix finales qu'il a disputées, la fin de carrière sportive signifie l'arrivée de nouveaux défis. En effet, il devrait devenir Team Manager du RCT et devrait donc encore arpenter les travées de Mayol.

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