Top 14 : "Tu passes toute ta carrière à essayer de retrouver ces émotions"... Ce que signifie de remporter un premier Brennus
Samedi soir, il sera présent sur la pelouse du Stade de France à l'entrée des joueurs, avant de voir, entre deux et trois heures plus tard, une nouvelle ligne s'inscrire à son palmarès. Trophée décerné au vainqueur du Top 14, le bouclier de Brennus a fait rêver des générations de rugbymen. Que ressent-on à l'heure de soulever son premier Brennus ? Quel est son impact dans une carrière ? Trois anciens vainqueurs, Serge Betsen, Vincent Clerc et Dimitri Yachvili, reviennent, avec le sourire, sur leurs souvenirs de première.
Un premier titre de champion de France possède toujours un goût particulier. Surtout pour Serge Betsen et Dimitri Yachvili, qui ont tous les deux connu des prolongations avant de décrocher leur premier Brennus. "Je me souviens de l’âpreté du combat", se remémore Serge Betsen, sacré en 2002 avec le Biarritz Olympique contre Agen (25-22). "Ce n’était pas une finale comme une autre, comme ce que j’avais pu vivre à distance, comme ce à quoi on pense quand on se représente une finale. On pense qu’à la 80e minute, le match est fini, et puis il faut continuer."
De quoi rendre la victoire encore plus savoureuse. "Au coup de sifflet final, quand tu te rends compte que tu as gagné, il y a tellement d’adrénaline que tu ne ressens plus la fatigue, plus la douleur", rembobine Dimitri Yachvili. Lui aussi a décroché son premier titre avec Biarritz, face au Stade Français, après prolongations (37-34) en 2005. Le premier titre a également été spécial pour Vincent Clerc, qui n'a pas pu participer à la finale avec Toulouse contre Clermont (26-20) en 2008, tout juste blessé aux ligaments croisés. "Je me souviens que mes coéquipiers m’ont donné le bouclier, m’ont porté sur les épaules, Clément Poitrenaud notamment", explique-t-il. "C’était quelque chose de fabuleux, d’enfin réussir à toucher le Brennus."
"On pense beaucoup à l'avant"
Une fois acquis, le trophée change un joueur pour la suite de sa carrière. Sur le plan personnel, d'abord. "C'est une validation, une récompense pour tout le travail accompli", analyse Dimitri Yachvili. "On pense beaucoup à l'avant", abonde Serge Betsen. "L’avant, c’est tous les sacrifices et le travail pour y arriver. Dans l’histoire de ce trophée, beaucoup de joueurs ont essayé et ne l’ont même pas touché du bout du doigt. C’est une question de parcours, de chance, de génération de joueurs, d’environnement."
Pour certains joueurs, le titre vient aussi s'inscrire dans un parcours de vie qui lui donne une résonance particulière. "Pour moi, il y avait aussi l’aspect familial, puisque mon père jouait au rugby à Brive dans les années 70", raconte Dimitri Yachvili. "Il avait joué deux finales contre le grand Béziers et avait perdu les deux, donc je connaissais la frustration de ne pas avoir réussi à soulever un Brennus. Quand j’ai réussi à le faire, c'est tellement de jubilation, de fierté."
"La première fois que j’ai vraiment eu le sentiment de pouvoir toucher le Brennus, c’est lors de ma première saison à Biarritz, en 1992. J’ai eu la chance de voir le club arriver en finale, mais ensuite de perdre contre Toulon. Ce jour-là, je m’étais dit au fond de moi qu’un jour, je prendrais la revanche de Biarritz. C’était un soulagement de me dire que j’ai rêvé de quelque chose, et que je me suis donné les moyens pour y arriver."
Serge Betsenà franceinfo: sport
L'émotion tient aussi à la place particulière qu'occupe le bouclier de Brennus dans le rugby tricolore. "Il y a une symbolique tellement forte autour de ce trophée, on sent que c’est ancré dans la culture française, ça parle à toutes les générations, à nos parents, à nos grands-parents... C’est très fort d’arriver à y inscrire son nom", savoure Vincent Clerc. Décerné depuis 1892, le trophée à la forme "mythique" et "impressionnante" pour Dimitri Yachvili, a marqué l'histoire de son sport. "J’ai commencé le rugby dans les années 1980, il n’y avait pas de coupe d’Europe, pas encore de Coupe du monde, qui est arrivée en 1987. Donc c’était le trophée à gagner", résume ce dernier.
"Rien ne vaut la première fois"
Le premier sacre peut aussi transformer un joueur humainement, et collectivement. "Gagner, cela lie un groupe, une génération de joueurs, à une histoire", révèle Serge Betsen. Avec ses coéquipiers biarrots, ils ont créé une association et se retrouvent tous les ans pendant les fêtes de Bayonne. "C’est aussi ça, pour moi, cette victoire, et le rugby. On se rassemble autour d’une histoire commune qui rappelle les bons moments passés ensemble."
Mais surtout, selon les interrogés, il conditionne le reste d'une carrière avec une envie : regoûter à ces sensations. "Cela te donne l’envie d'y revenir, de recommencer. C'est de l'adrénaline pure, mais c’est très court, très bref", explique Vincent Clerc. "Tu passes toute ta carrière à essayer de retrouver ces émotions et ce sentiment, les dernières minutes, le coup de sifflet final…"
"Quand tu as connu la joie de le soulever une fois, quand tout redescend, tu as envie de retrouver ce moment", approuve Dimitri Yachvili. Et ce, même si les titres suivants n'ont pas tout à fait la même saveur : "Avec Biarritz on a réussi à faire le doublé, à le gagner deux fois de suite en 2005 puis 2006. Mais rien ne vaut la première fois."
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