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Tournoi des six nations : Baptiste Serin, le demi de mêlée qui peut vous réconcilier avec le XV de France

Il est jeune, beau gosse, culotté, adepte de la chistera et nouvelle tête de gondole des Bleus. Reste maintenant à leur faire gagner des matchs.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Le demi de mêlée de l'équipe de France Baptiste Serin, lors du test-match contre l'Australie, le 19 novembre 2016, au Stade de France (Seine-Saint-Denis). (JEAN CATUFFE / GETTY IMAGES EUROPE)

En une minute, Baptiste Serin s'est fait un nom auprès du grand public. On a dépassé l'heure de jeu lors du troisième test-match automnal, contre la Nouvelle-Zélande, le 26 novembre 2016. La France est menée, normal. Les Bleus s'usent en vain, comme d'habitude. Le demi de mêlée de l'Union Bordeaux-Bègles, une poignée de sélections au compteur, délivre alors un amour de chistera (une passe aveugle dans son dos) pour son équipier Louis Picamoles, qui file aplatir en terre promise. La France perd la rencontre (19-24) mais a gagné un nouvel espoir : celui de revoir du génie dans sa charnière, qui en a bien besoin depuis cinq ans. Et ce dès samedi 4 février contre l'Angleterre, en ouverture du Tournoi des six nations.

"A six ans, il puait le rugby"

Baptiste Serin, c'est l'antithèse des demis de mêlée bodybuildés que le XV de France a enquillé ses dernières années : Rory Kockott, dont le fait de gloire est d'avoir largué tous ses équipiers... à vélo lors d'une sortie en montagne ; Sébastien Tillous-Borde, qui vend des compléments alimentaires pour être encore plus costaud ; ou même Maxime Machenaud, 7 cm de moins que Serin, mais 7 kg de plus sur la balance. Une crevette, Serin ? Au regard des standards du rugby moderne, presque : 1,80 m, 80 kg, une dégaine à traîner dans les couloirs de la fac, des cheveux ébouriffés, un duvet en guise de moustache. Une tronche de jeunot qui lui vaut quelques piques de ses équipiers, comme Jean-Marcellin Buttin qui lui demande sur Twitter s'il arrive à concilier le rugby et les révisions... du brevet des collèges !

"Son cas avait fait débat, car il est très, très, très fluet", reconnaît dans Sud-Ouest Vincent Manta, qui l'a fait venir au pôle espoirs de Talence.  Pourtant, il touche son premier ballon ovale dès ses quatre ans dans le jardin parental. Et son grand-père lui enseigne l'art de botter l'année suivante en fabriquant des poteaux de fortunes dans sa cour : "J'ai cassé quelques fenêtres chez les voisins et quelques pots de fleurs, mais ils doivent être contents de voir où j'en suis", raconte-t-il. Mais rien à faire : il conserve son physique longiligne. Le banc de muscu et le wattbike, le vélo d'entraînement devenu compagnon du XV de France, moins il les voit, mieux il se porte. "J'en fais le strict minimum", avoue-t-il. Suffisant pour se distinguer de ses camarades, dans le club de Parentis, dans les Landes, où il a usé ses premiers crampons.

A six ans, il puait le rugby tellement il était en avance par rapport aux autres.

Patrick Daudignon, dirigeant du club de Parentis

à "Midi Olympique"

"Le Grinch" commande les "gros"

Dès son plus jeune âge, le petit Baptiste a un plan de carrière et la ferme intention de s'y tenir. C'est dans son caractère, un rien maniaque. "Quand ses professeurs lui demandaient ce qu'il voulait faire, il disait rugbyman professionnel. Et en tant que parent, on n'y croyait pas", se souvient Philippe Serin, son père, sur Canal+. Va pour la vieille technique de la carotte (le rugby) et du bâton (l'école). Elevé dans un milieu de rugbymen – son père et son grand-père ont taquiné le ballon ovale dans l'élite –, Baptiste a la chance d'avoir des parents qui le soutiennent à fond et se déplacent à chaque match. En témoigne l'imposant album photo gardé précieusement dans la maison familiale, qui regroupe clichés et coupures de presse.

Le jeune numéro 9 observe une progression métronomique. Sélection départementale, équipes de France jeunes, puis la mêlée à l'UBB, l'Union Bordeaux-Bègles. La convocation avec les Bleus, pour la tournée de juin 2016 en Argentine, relève presque de la logique. Quand il a appris sa convocation, Serin n'a pas sauté au plafond. "J'ai pris une douche, embrassé ma copine et je suis parti", raconte le néo-international à France Bleu Gironde. Vous avez dit zen ? C'est crucial à ce poste particulier où "il faut être casse-couilles" et diriger des avants qui ont souvent plus de bouteille : "Il faut avoir un peu d'aura face aux gros, car il faut les commander, et quand on est jeune, c'est un peu compliqué." A 22 ans, il se montre lucide sur ses défauts. "On m'appelle 'le Grinch', explique-t-il. Quand ça va pas comme je veux, j'ai tendance à m'énerver, c'est mon point faible. Ça peut nuire à ma concentration."

Chisteras et tête de gondole

Baptiste Serin est aussi le premier à relativiser ses qualités, comme sa propension à tenter des chisteras, un geste à hauts risques rarissime au plus haut niveau. "On en fait tout un plat. C'est mon jeu de tenter des choses comme ça, je le fais en club. Pourquoi est-ce que je m'en priverais ? C'est l'insouciance qui a parlé", se défend dans L'Equipe celui qui s'est fait tatouer la fougère des All Blacks sur le mollet. Un de ses glorieux prédécesseurs, Guy Accoceberry, lui aussi numéro 9 crevette, vole à son secours : "A 19 ans, dès ses premiers matchs en Top 14, il tentait déjà des chisteras, mais pas pour faire joli, hein ! Juste parce que c’était le geste le plus efficace." Pierre Berbizier, plutôt dans le courant austère du poste, glisse un bémol dans le magazine Tampon ! : "Attention à ne pas attendre de lui des gestes comme sa chistera à tous les matchs. (...) On ne confirme pas au plus niveau seulement avec ces gestes."

Depuis la retraite de Sébastien Chabal et la disparition progressive des radars de Frédéric Michalak, le rugby français se cherche aussi une nouvelle star médiatique qui pourrait bien être le blondinet landais. La Fédération l'a érigé tête de gondole du Tournoi 2017, aux côtés du capitaine Guilhem Guirado. Sa chistera face aux All Blacks a entraîné un bond de 25% de ses followers sur Twitter. Nouvelle star, Serin ? En cas de contre-performance contre l'Angleterre, le risque est grand qu'il prenne la marée des commentaires désagréables. Surtout dans un XV de France où on a tendance à trouver les remplaçants systématiquement meilleurs que les titulaires. "Dès qu’on fait un match moyen, nos postes sont souvent trop remis en question", déplore le jeunot dans le magazine Flair Play. De fait, aucun demi de mêlée n'a enchaîné plus de trois titularisations consécutives au sein du XV de France depuis Dimitri Yachvili... lors du Mondial 2011. Signe de la précarité du poste.

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