France-Italie : Posolo Tuilagi, un "camion" tout neuf pour remettre le XV de France dans l'avancée
Le jargon fleuri du rugby étant déclinable à l'infini, il existe mille façons de qualifier Posolo Tuilagi. Il est ce genre de joueur que l'on appelle, pêle-mêle, "armoire à glace", "poutre" ou encore "beau bébé". Ces appellations, le deuxième ligne de 19 ans aux 145 kilos pour 1,92 m ne les a pas volées. "C'est un camion", ajoutait affectueusement son coéquipier en bleu Yoram Moefana après son baptême du feu international face à l'Irlande (17-38), le 2 février. Le poids lourd a rapidement passé la deuxième, au point de démarrer pour la première fois avec les Bleus face à l'Italie, dimanche 25 février à Lille (à 16 heures sur France 2 et france.tv).
Le Perpignanais aux longs cheveux lisses s'était distingué il y a deux semaines en étalant ses grandes pattes sous le ballon lors de la dernière action d'Ecosse-France (16-20), sécurisant la victoire précieuse des Bleus. "Je profite de tous les instants", avait-il savouré peu après dans les coursives de Murrayfield, emmitouflé dans un costume noir, de rigueur en zone mixte.
On en oublierait presque que, dix-huit mois auparavant, Posolo Tuilagi traînait encore sa carcasse avec Perpignan en Crabos, le championnat d'élite des moins de 18 ans. Malgré les mises en garde de l'entraîneur de l'équipe première, Patrick Arlettaz, le deuxième ligne a franchi les étapes "de manière très naturelle". "Quand il est passé des Crabos aux Espoirs, j'ai dit 'attention, il y a un gros passage', narre Arlettaz, aujourd'hui en charge de l'attaque chez les Bleus. Et puis je l’ai pris avec moi en Top 14 et je lui ai dit : 'Attention à la marche entre les Espoirs et le Top 14...' Et il a donné satisfaction."
Sur les traces du père et des cinq oncles
Une quinzaine de titularisations en Top 14 et un titre de champion du monde des moins de 20 ans plus tard et le géant frappe à la porte des Bleus. Qu'importe s'il n'a jamais goûté à l'intensité des phases finale ou de la Champions Cup, considérés comme des paliers pour se faire aux joutes internationales. "C'est différent de ce que j'ai vécu jusqu'à présent : tu sprintes 80% du temps, voire plus, les collisions sont plus dures, plus rudes... Mais j'aime ça", explique-t-il avec le sourire, dans un entretien à l'AFP.
Comme si voir Posolo Tuilagi si haut, si vite, coulait de source. Pouvait-il en être autrement ? Né aux Samoa en 2004, il a suivi son père Henry à Perpignan. Et quand le paternel, troisième ligne aux 138 matchs en huit ans avec l'Usap, soulevait le Brennus cinq ans plus tard, le rejeton applaudissait au stade Aimé-Giral. Et conservait un œil sur les performances de ses... cinq oncles, tous professionnels. Le 17 mars, il pourrait ferrailler contre le plus connu d'entre eux, Manu, international anglais de treize ans son aîné. "Ma famille est tout pour moi, confie-t-il. J'essaie juste d'y faire honneur."
Henry, devenu traiteur après la fin de sa carrière en 2015, est resté en pays catalan et débriefe scrupuleusement chaque match avec l'enfant prodige. " Il a une double culture et cette dualité en lui : il est très secret, très respectueux, pudique sur ses sentiments, mais c’est un petit Français de 19 ans, espiègle", explique Arlettaz. Contrairement à son père, ex-international samoan, Posolo a choisi la France. Le gaillard a en effet vécu l'essentiel de sa vie à Perpignan, y a obtenu son baccalauréat général et vient d'y prolonger jusqu'en 2026.
Un colosse aux mains en or
Là-bas, son éclosion ne surprend guère. "Dans les catégories de jeunes, il a toujours été dominant physiquement, révélait l'entraîneur de Perpignan David Marty à l'AFP cet été. "Il n'a que 18 ans et il tabasse tout le monde !", en rigolait l'entraîneur des avants Perry Freshwater avant son premier match professionnel à La Rochelle, en septembre 2022.
N'allez pourtant pas croire que Tuilagi base tout son jeu sur sa puissance. "Techniquement, il est aussi au-dessus du lot", abonde Marty. "Posolo se déplace également, il a vraiment de l'énergie liée à sa jeunesse", déroule Nicolas Jeanjean, directeur de la performance des Bleus. Sa faculté à jouer debout et à distiller des passes après contact en fait un rouage essentiel de l'Usap, l'une des équipes les plus séduisantes du Top 14.
"Il est évidemment perfectible, mais il a un profil atypique, assez hors normes, que l'on n'a pas forcément à l'heure actuelle."
Nicolas Jeanjean, directeur de la performance du XV de Franceen conférence de presse
Quelque peu lassé d'être systématiquement renvoyé à ses mensurations, Tuilagi n'y prête plus attention et se nourrit des conseils de William Servat, entraîneur de la défense des Bleus. "Il m'a expliqué que, peu importe le poids, il faut juste que je sois heureux dans la vie de tous les jours, pose-t-il. Je bataille tous les jours avec mon poids donc, de l'entendre me dire ça, ça m'a mis en confiance."
"Très bien intégré" au sein du groupe, dixit Jeanjean, Tuilagi profite des blessures de Thibaud Flament et d'Emmanuel Meafou pour se frayer un chemin dans la rotation des deuxièmes lignes. Le petit nouveau espère y prendre ses aises à terme. Avant d'y accueillir son petit frère dans quelques années ? "Il a 15 ans, il fait déjà ma taille et il tourne à 125-130 kg, décrit-il. J'espère qu'on va voir un attelage formé de Tuilagi bientôt !"
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