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Tournoi des six nations : des jeunes, des joueurs naturalisés... Comment l'Italie, habituée au bonnet d'âne, tente de redorer son blason

Face à des résultats catastrophiques, la Fédération italienne a mis en place de nombreuses mesures pour tenter d'inverser la tendance. Mais les résultats tardent à venir.

Article rédigé par franceinfo: sport - Léo-Pol Platet
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Les rugbymen italiens, le 27 février 2021, avant leur match face à l'Irlande, au Tournoi des six nations.  (FILIPPO MONTEFORTE / AFP)

Evacuons d'emblée les chiffres qui fâchent. Avant de débuter son Tournoi des six nations face au XV de France, dimanche 6 février, l'Italie n'a plus signé la moindre victoire dans la compétition depuis le 28 février 2015 (victoire 22-19 en Écosse). Au total, 32 défaites consécutives, et des records négatifs à la pelle.

Au fond, l'Italie est un peu cet élève que l'on a tous connu en classe (que l'on a même été, peut-être) : le dernier de la classe, abonné aux dernières places et aux pires notes, mais pas un cancre pour autant. Plutôt du genre travailleur, laborieux, il bûche comme un dératé, accumule les profs particuliers... mais continue d'échouer. 

Depuis six ans, jouer contre la Squadra azzura permet à coup sûr de glaner cinq points et de ne pas terminer en dernière position du tournoi. Un sort plutôt favorable pour les cinq autres nations, mais que les Italiens se refusent à subir. Depuis plusieurs saisons, un plan national du rugby a été lancé pour inverser la courbe et renvoyer au diable le débat sur la légitimité de sa présence dans le Tournoi (depuis 2000). Pour vaincre le mal, l'Italie mise sur un triptyque : pouvoir à la jeunesse, confiance en ses provinces, naturalisation de nombreux talents venus d'ailleurs. 

Benetton Trévise et Zebre, vitrine européenne du rugby italien

Les rares bonnes nouvelles du rugby italien passent généralement à la trappe, comme par exemple celle du 19 juin 2021. Ce jour là, le Benetton Trévise, l'un des deux représentants italiens, avec les Zebre (Parme) engagés dans le United Rugby Championship (championnat de clubs où figurent des clubs gallois, écossais, irlandais et sud-africains), remportait le premier titre d'une nation transalpine. "Ce n'est un secret pour personne que le Benetton a assez bien performé dans l'URC, remportant la dernière Rainbow Cup et étant encore en lice pour les play-offs cette année", rappelle Marzio Innocenti, le président de la Fédération italienne de rugby depuis 2021.

Les Italiens du Benetton Trévise célèbrent leur victoire dans le Pro 14 Rainbow Cup, le 19 juin 2021, à Trévise. (ALFIO GUARISE / SIPA)

L'exploit, inédit, a été finalement peu commenté en dehors de la botte. Il fait pourtant office de consécration d'une démarche impulsée depuis 2010 par le rugby italien. La participation à ce championnat international a permis aux deux clubs de prendre leurs distances avec la compétition domestique, réputée plutôt faible, pour pouvoir défier chaque semaine les meilleures équipes européennes et des joueurs qui garnissent les rang des sélections britanniques. Un modèle inspirant pour les têtes pensantes du rugby italiennes qui l'ont appliqué façon "copier-coller". Dix-sept joueurs du Benetton Trévise et trois des Zebre seront dimanche sur la pelouse du Stade de France.

Six joueurs naturalisés sur la feuille de match

Depuis la seconde partie des années 2010, la Fédération a également débuté son entreprise de naturalisation de joueurs étrangers évoluant au Benetton Trévise. L'idée est simple : attirer dans la ville du nord des joueurs pas ou plus sélectionnables avec leur nation afin de leur permettre de devenir international italien en trois ans. 

Ainsi, six joueurs naturalisés représenteront l'Italie dimanche : Toa Halafihi (né en Nouvelle-Zélande), le scoreur Montanna Ioane (Australie), Juan Ignacio Brex (Argentine) ou encore les remplaçants Epalahame Faiva (Nouvelle-Zélande), Ivan Nemer (Argentine) et Callum Braley (Royaume-Uni). Tous sont arrivés entre 2015 et 2020 dans une équipe italienne, d'abord en Pro 10 puis au Benetton Trévise ou aux Zebre. Certains, comme Brex, ont même porté le maillot d'une autre sélection avant d'enfiler le bleu de chauffe italien. Pas retenus pour affronter la France, David Sisi et Braam Steyn complètent cette liste. 

Si d'autres sélections en font de même, comme Virimi Vakatawa et Paul Willemse en France ou Duhan van der Merwe en Ecosse, cette stratégie compose le noyau dur de la sélection transalpine. Marzio Innocenti tempère : "Si quelqu'un a le talent et la volonté de représenter notre pays sur le terrain, quel que soit l'endroit où il est né, il y aura une place pour lui dans l'équipe dans la mesure où il le mérite. Nous jouons selon les mêmes règles que n'importe quelle autre équipe nationale et les joueurs 'exilés' peuvent faire partie de notre projet."

La jeunesse au pouvoir

Idéale pour renforcer son groupe sur du court terme, cette stratégie de naturalisation s'accompagne d'un important travail de fond effectué auprès des jeunes pousses italiennes. Après avoir connu de longues années de vache maigre, les moins de 20 ans italiens commencent à monter en régime.

La confiance à leur égard ne cesse de grandir. "Il y a beaucoup de talent, affirme fièrement Marzio InnocentiNous avons introduit l'équipe d'Italie 'Emergenti'  [sorte d'équipe nationale B] comme première étape pour parvenir à la sélection nationale, tout en travaillant sur l'engagement des clubs du Top 10 [le championnat italien] à faire partie de notre parcours de développement des joueurs d'élite."

Arrivé l'été dernier, le sélectionneur néo-zélandais Kieran Crowley doit permettre à ces efforts de porter leurs fruits. Premier symbole : il a choisi comme capitaine Michele Lamaro, âgé de 23 ans et qui compte seulement dix sélections.

"Nous avons une équipe très jeune, qui manque un peu d'expérience, mais notre jeunesse est une chance, c'est quelque chose de positif car nous serons en sélection encore dans dix ou douze ans, estime le meneur de jeu Paolo Garbisi, lui-même âgé de 23 ans. Notre plus grand défi sera d'ailleurs de maintenir notre niveau pendant tout ce temps." 

Le joueur de ruby italien Paolo Garbisi donne ses consignes lors du match de son équipe face à l'Irlande, le 27 février 2021, au Tournoi des six nations. (LORENZO DI COLA / NURPHOTO / AFP)

Un premier défi qui semble déjà plus réalisable que celui de s'imposer au Stade de France, dimanche face aux Bleus de Fabien Galthié. Mais sait-on jamais, les efforts du petit dernier de la classe vont peut-être payer. 

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