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XV de France : "Si c'était à refaire, je reconduirais la même stratégie", assume Fabien Galthié dans sa première prise de parole après le Mondial

Quasiment un mois après l'élimination de son équipe en quarts de finale de la Coupe du monde, le sélectionneur des Bleus s'est exprimé pour la première fois, mercredi, en conférence de presse.
Article rédigé par Andréa La Perna, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
Fabien Galthié lors d'une conférence de presse au siège du CNOSF, le 8 novembre 2023. (FRANCK FIFE / AFP)

Sa réaction se faisait attendre. Fabien Galthié a fait son retour face caméra lors d'une conférence de presse, mercredi 8 novembre, près d'un mois après l'échec des Bleus dans leur quart de finale de la Coupe du monde, perdu d'un petit point face à l'Afrique du Sud à domicile. Le sélectionneur du XV de France est arrivé préparé, serein, pour revenir sur cette immense "déception" qui a nécessité selon lui une période de "deuil". Celui qui a changé le visage des Bleus depuis son arrivée en avril 2019 s'est aussi projeté sur la préparation du prochain Mondial.

Vous ne vous êtes plus exprimé depuis l'élimination, soit depuis vingt-quatre jours. Est-ce que le temps de l'analyse est passé ?

Fabien Galthié : Quand tu te fais éliminer en quarts, tu laisses les équipes toujours en lice jouer leur demi-finale et la finale. Les sélectionneurs qui se sont le plus exprimés, ce sont les vainqueurs puis celui de la Nouvelle-Zélande et Eddie Jones, qui se sont retirés. Puis, il fallait laisser le Top 14 reprendre. Je crois qu’il faut laisser du temps d’abord à la compétition, puis, pour nous, il y a le temps du deuil. Pour nous, ça a été une énorme déception après quatre ans de travail acharné, un travail réussi qu’on le veuille ou non, avec 80 % de victoires et avec tous les records que vous connaissez.

Pendant les quatre mois de préparation, le seul objectif, c’était d’être champions du monde. Il n’y en avait pas d’autre et la déception aurait été la même si on avait perdu d’un point en demi-finale ou en finale. De manière informelle, nous avons échangé avec les membres du staff et les joueurs pour prendre des nouvelles et savoir comment chacun vivait ce moment.

"Le mot qui revient c’est “accepter”. Accepter la défaite et de ne pas avoir atteint l’objectif suprême. Ensuite, il faudra dépasser cet état."

Fabien Galthié, sélectionneur du XV de France

en conférence de presse

Vous avez compté vingt-quatre jours [de silence], c’est peu. J’avais prévu de vous parler plus tard, plutôt fin novembre, mais devant l’insistance, j’ai décidé d’accélérer pour partager cette peine et cette douleur. Quand je suis sorti de la bulle [Coupe du monde], je me suis rendu compte à quel point les Français nous aimaient. Je parle à l’imparfait mais je pourrais le dire au présent. Je ne reçois que des messages de partage, de soutien et de passion. L’aventure a commencé il y a quatre ans, mais on a senti rapidement ce souffle. On voulait rassembler, fédérer et partager. On y est arrivé. C’était presque inespéré toute cette passion autour de notre équipe.

Concernant le quart de finale, est-ce que vous vous êtes dit que vous vous êtes trompé en termes de stratégie ?

Absolument pas (...). Si c'était à refaire je reconduirais exactement la même stratégie (...). J'ai pris le temps pour revenir sur le match. J'ai travaillé avec beaucoup d'analystes, d'images et de données. Un point ce n'est rien, et tout en même temps. A partir de là, on peut tout remettre en question mais nous sommes entrés 11 fois dans la zone de conclusion [face à l'Afrique du Sud], c'était 50 % de plus que notre objectif. Sur des faits de match, ça n'a pas souri. Il aurait peut-être fallu rentrer 12, 13 ou 14 fois dans cette zone... J'ai isolé les sept matchs de phase finale et les deux plus gros matchs de poules [France-Nouvelle-Zélande et Irlande-Afrique du Sud] et nous sommes la seule équipe à s'être procurée autant de temps forts dans ces matchs clés.

Fabien Galthié consolé par le Sud-Africain Duane Vermeulen après l'élimination du XV de France en quarts de finale de la Coupe du monde, le 15 octobre 2023. (FRANCK FIFE / AFP)

Face à l'Afrique du Sud, notre potentiel de marque était de 37 points, et nous en avons marqué seulement 28. Tactiquement, face à un tel adversaire, c'est que vous ne vous êtes pas trompés sur le plan offensif. Sur le plan défensif, l'Afrique du Sud a réussi à poser un ruck pour la première fois dans notre camp à la 55e minute. Les Sud-Africains ont été hyper efficaces. Sur un potentiel de marque de 25, ils ont inscrit 29 points et ils ont reproduit ça en finale.

Quand avez-vous pu revoir le match et combien de fois l'avez-vous regardé ?

J'ai revu le match pour la première fois dans un train entre gare d'Austerlitz et Cahors. J'avais déjà reçu beaucoup de données et d'analyses. Avec Jérôme Garcès, nous avons travaillé pour écrire, comme on le fait toujours, à World Rugby en sélectionnant des clips vidéos intéressants du match pour demander ce qui était toléré ou ce qui devait être sifflé selon trois principes : safety, speed and space [sécurité, vitesse et espace en français]. Nous en avons envoyé neuf à Joël Jutge [chef des arbitres durant le Mondial], Ben O'Keeffe [arbitre de France-Afrique du Sud] et ses équipes. C'était à peu près cinq jours après le match. C'était purement professionnel et pas forcément très agréable. Depuis, j'ai revu le match une petite dizaine de fois. J'ai huit caméras et j'ai croisé beaucoup de données pour tout étudier et vous répondre correctement à vous et aux joueurs.

Comment reprendre en main et relancer cette équipe après une telle déception ?

La blessure, la douleur, c'est normal. Il n'y a qu'une équipe qui n'a pas mal et c'est le champion du monde. Quand on joue pour l'équipe de France et en Coupe du monde, il faut être prêt à gagner mais aussi à vivre ce qu'on a vécu.

"Pour en avoir parlé avec les leaders, que j'ai tous eus depuis au téléphone, je pense que la blessure fera une cicatrice qu'on aura à vie mais ça fait partie du chemin. Le haut niveau c'est beaucoup de joie, d'émotions positives mais aussi très douloureuses."

Fabien Galthié, sélectionneur du XV de France

en conférence de presse

Pour avoir vécu de nombreuses déceptions, ce n'est jamais un handicap. Avec le temps, ça devient doucement mais sûrement de l'expérience, du savoir et si on est capable de se poser les bonnes questions, la possibilité d'être encore meilleur.

L'équipe peut-elle progresser en vue de la prochaine Coupe du monde dans quatre ans ou a-t-elle atteint son plein potentiel ?

Lorsqu'on a monté l'équipe après le Mondial 2019 au Japon, elle avait 24 ans de moyenne d'âge. Moyenne qui est passée à 27 sur cette Coupe du monde. Certains vont quitter le groupe mais on peut faire grimper l'expérience collective et la maturité d'environ trois ans et 20 sélections par joueur. A partir de là, cette équipe sera sûrement plus forte et plus expérimentée que celle qui a perdu d'un point contre l'Afrique du Sud.

Certains clubs ont déjà tiré la sonnette d'alarme, à cause du chevauchement des calendriers et de la mise à disposition de leurs meilleurs joueurs pour la sélection nationale. Pensez-vous pouvoir travailler dans les mêmes conditions en vue du prochain Mondial ?

Pendant quatre ans, l'équipe de France a été un succès. Lors du premier tournoi des Six nations en 2020, seulement 50 000 places avaient été vendues face à l'Irlande et 15 000 contre l'Italie. Dès les matchs de préparation de l'été, au mois d'août, nous avons fait guichets fermés que ce soit à Saint-Etienne, Nantes et au Stade de France.

"Quand l'équipe de France tourne bien, les stades sont pleins à tous les étages. C'est une ressource supplémentaire pour tous les clubs du rugby français."

Fabien Galthié, sélectionneur du XV de France

en conférence de presse

Le XV de France est un centre de revenus et pas de coûts pour les clubs français. Un euro investi dans la sélection, c’est fois 20 pour la FFR. On marche tous ensemble et je veux croire qu'on va continuer à marcher ensemble. J'espère que tout le monde a compris l'intérêt d'être associés ensemble dans les bons mais aussi les mauvais moments. Ça s'appelle la solidarité.

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