Sala : la FIFA saisie, quelle suite au litige Nantes-Cardiff ?
Après le recueillement, l’heure de régler ses différents. Endeuillés après la disparition d’Emiliano Sala dans un crash aérien survenu le 21 janvier dernier, le FC Nantes et le Cardiff City FC se retrouvent au cœur d’un litige dont les deux clubs se seraient bien passés. En cause ? Le non-paiement de l’indemnité de transfert du joueur, transféré en Premier League quelques jours seulement avant sa disparition.
Avec ses 17 millions d’euros déboursés – transfert le plus cher de son histoire - Cardiff espérait faire d’Emiliano Sala son nouveau buteur. L’Argentin n’aura finalement jamais porté le maillot des Bluebirds, mais le FC Nantes entend bien récupérer le montant de la transaction, dont le premier versement (6 millions d’euros) aurait dû être effectué par Cardiff au plus tard le 26 janvier.
Un paiement que le club gallois, plus petit budget du championnat anglais cette saison, n’a pas voulu effectuer, et ce malgré le délai de dix jours accordé par le FC Nantes début février. Les Bluebirds ont affirmé vouloir attendre les premières conclusions du rapport d’enquête sur l’accident, espérant que ce dernier permette d’imputer une part de responsabilité au club français, et ainsi faire diminuer la somme due.
Quatre semaines et un premier rapport plus tard, les Canaris ont mis leur menace à exécution en saisissant la FIFA, en vertu de l’article 12 du règlement sur le statut et les transferts de joueurs de la Fédération internationale : « Les clubs sont tenus de respecter leurs obligations financières vis-à-vis des joueurs et des autres clubs conformément aux conditions stipulées dans les contrats signés avec leurs joueurs professionnels et dans les contrats de transferts », précise l’instance.
Un transfert valide ?
Un litige complexe, qui pose plusieurs questions d’ordre juridique. La FIFA peut-elle contraindre Cardiff à régler dans sa totalité le montant du transfert d’Emiliano Sala ? Pour Basile Besnard, avocat et mandataire sportif à Paris, la réponse est oui. « En termes de droit du sport, c’est le certificat international de transfert (CIT) qui prévaut. Il a été acté. Donc le transfert entre Cardiff et Nantes est définitif. Toutes les responsabilités incombent au club gallois, qui doit non seulement payer les 6 millions d’euros pour le premier acompte, mais aussi l’intégralité de la transaction, puisque le transfert est effectif », explique-t-il.
Si Nantes parvient effectivement a prouver qu’un CIT, document délivré par les différentes fédérations nationales, a été signé entre les deux parties, sa requête auprès de la FIFA s’avérera légitime. Or le club de Ligue 1 a d’ores et déjà fait savoir qu’un tel contrat avait bien été émis avant l’accident, précisant que l’attaquant argentin n’était donc plus sous la responsabilité du club avant son décès.
Dans son règlement officiel (annexe 3), la FIFA stipule toutefois que « si la nouvelle association (en l’occurrence la fédération galloise de football) ne reçoit pas de réponse concernant sa demande de CIT dans un délai de trente jours, elle peut immédiatement enregistrer le joueur professionnel auprès du nouveau club à titre provisoire ». Dans le cas d’Emiliano Sala, tout a été fait dans les temps. Nantes aurait donc bien envoyé le CIT dans les délais, officialisant le transfert du joueur.
« La demande de CIT a été obtenue par Nantes via les deux fédérations, galloise et française. Dès lors, le transfert est acté » explique l’avocat spécialisé en droit du sport Antoine Semeria, « Il n’existe pas de conditions permettant de remettre en cause la validité du transfert. Les choses sont claires puisque le CIT a été délivré. L’instance devrait normalement sommer le club de Cardiff de verser à Nantes ce qu’il doit », poursuit-il.
Que peut faire la FIFA ?
Pour maître Besnard, une autre possibilité s’offre à la FIFA. L’instance dirigeante du football mondiale pourrait choisir de temporiser, en mettant en avant un principe d’équité : « La FIFA peut considérer que la somme est due en obligeant Cardiff à payer, ou alors mettre en attente le dossier. C’est-à-dire que l’instance ne prendrait pas de décision effective pour l’instant, en attendant le rapport d’enquête complet. C’est une façon équitable de ne pas imposer un règlement financier à Cardiff », reconnaît-il, précisant toutefois qu’une telle décision serait « fallacieuse, puisque le transfert est du ».
Une éventualité à laquelle ne croit pas maître Semeria, plus catégorique sur ce point : « S’agissant d’un transfert international, l’indemnité de transfert est due de club à club. Seule la commission du statut des joueurs de la FIFA est compétente pour trancher un litige en lien avec un transfert », précise-t-il. En France, le principe d’équité est effectivement appliqué par certaines juridictions disciplinaires, comme le comité national olympique (CNOSF) par exemple, mais cette notion n’est pas appliquée par des juridictions de droit commun.
Dans les faits, la commission de la FIFA pourrait donc contraindre la fédération galloise d’imposer à Cardiff le paiement de la transaction complète (17 millions d’euros) sous peine de sanctions sportives et/ou financières. « La commission juridique du Statut du joueur peut imposer les sanctions suivantes : une mise en garde, un blâme, une amende, une interdiction d’enregistrer de nouveaux joueurs pendant une ou deux périodes d’enregistrement complètes et consécutives » écrit la FIFA dans son règlement.
Un recours en justice possible ?
Si Cardiff n’a toujours pas réglé la somme demandée par le FC Nantes, le club de Premier League pourrait continuer de jouer la montre, en attendant un éventuel recours devant les tribunaux ? « Nantes n’a eu aucun comportement fautif. Donc le club français est en position de force. De son côté, Cardiff veut gagner du temps et essayer de saisir les tribunaux anglais » consent maître Besnard, « C’est dans son intérêt, car le régime anglo-saxon tient compte de l’équité, ce qui n’est pas le cas des tribunaux français. En France, si Nantes est dans son droit juridiquement, le club aura gain de cause entièrement. Il n’y aura donc pas d’équité ou de partage de la somme », poursuit-il.
Si une justice autre que celle de la FIFA devait être saisie, le Cardiff City FC aurait donc tout intérêt à solliciter les tribunaux anglo-saxons. Mais les Bluebirds pourraient aussi attendre, en espérant être dédommagés par une assurance. Laquelle ? Le rapport d’enquête le dira, mais cela pourrait prendre plusieurs années. Le club de Premier League a déjà agi sur ce terrain, en essayant d’imputer une part de la responsabilité de l’accident à Mark McKay - fils de l’agent de joueurs Willy McKay, mandaté par le FC Nantes pour trouver un club à Sala – qui a organisé le voyage du joueur de Nantes à Cardiff.
« Si on estime qu’il y a eu des négligences dans la préparation du vol, l’assurance de la personne morale dont la responsabilité sera mise en cause devra rembourser la somme, ou une partie de la somme du transfert à Cardiff » explique Basile Besnard. À terme, le rapport d’enquête pourrait donc permettre aux Bluebirds d’être remboursés. Un moindre mal pour les gallois, qui ne l'oublions pas, ont perdu dans ce drame un de leurs joueurs, et une somme conséquente.
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