Semaine spéciale Paris 1924, épisode 2 : Johnny Weissmuller, un premier rôle à Paris
Avec son mètre 90, son corps d’Apollon et son sourire ravageur, impossible de ne pas le remarquer. Le bellâtre est au cœur de toutes les attentions, lignes d’eau du milieu, celles réservées au favori de la course. Johnny Weissmuller ne devrait pas être là, d’ailleurs, ce n’est pas lui qui nage.
Victoires usurpées
Dix ans plus tôt, le petit Johnny souffre de poliomyélite. A Chicago, le médecin de famille lui conseille de se mettre à la natation, l’expression « un mal pour un bien » prend ici tout sens. Grâce soit rendu à cet anonyme docteur. Lorsque ses parents allemands émigrent aux Etats-Unis en janvier 1905, Johnny n’a que 7 mois. Quelques temps plus tard, un petit frère Peter Jr vient au monde, né sur le sol américain, il en a la nationalité. Suite à la chute de l’empire austro-hongrois, en 1918, la famille Weissmuller devient apatride, à l’exception du dernier né. Pour pouvoir participer aux Jeux, Johnny se fait passer pour son frère cadet ! Il y remportera des victoires incontestables bien qu’usurpées.
Le programme de l’époque est moins dense qu’aujourd’hui. L’Américain ne dispute que 3 courses. Le vendredi 20 juillet, il remporte le 400 mètres et s’offre son premier titre olympique. Mais la légende ne se construit réellement que 2 jours plus tard.
100 mètres de légendes
Ce dimanche 20 juillet marque la fin des épreuves de natation, ça tombe bien c’est le jour des seigneurs. La finale du 100 mètres oppose deux mythes. A 34 ans, le sprinteur hawaïen Duke Kahanamoku est double tenant du titre ; Vainqueur à Stockholm en 1912 et Anvers en 1920, il n’a été privé d’un triplé historique que par la Grande Guerre qui a causé l’annulation des JO de 1916. Johnny Weissmuller lui, représente la nouvelle vague. En 1922, il a amélioré de près de 2 secondes le record du monde de son compatriote. Crime de lèse-majesté, en 58 secondes 6 dixièmes, il devient même à cette occasion le premier nageur de l’histoire à passer sous la minute sur 100 mètres. Un mur est tombé !
La course est une passation de pouvoir. La fluidité du Duke ne peut rien face à la puissance et la jeunesse de Weissmuller. En 59 secondes pile, celui-ci s’empare du record olympique et surtout de la médaille d’or. Désormais, le patron de la natation mondiale, c’est lui.
Pas le temps de savourer, cette dernière journée est un feu d’artifice. Avec ses copains du 4 x 200 mètres, le phénomène remporte son 3e titre, record du monde en prime. Il peut alors poser fièrement devant les photographes, son sourire carnassier laissant augurer d’autres exploits à venir. La médaille de bronze remportée en water-polo avec l’équipe des Etats-Unis relève de l’anecdote.
Quatre ans plus tard, Le champion conservera son titre sur 100 mètres aux JO d’Amsterdam, ainsi que celui du 4 x 200 m. Son parcours olympique (5 courses, 5 titres) symbolise une carrière exceptionnelle. En natation, Weissmuller n’a jamais connu la défaite, a tout gagné, battu 67 records du monde. A 24 ans seulement il décide d’arrêter.
Reconversion culottée
La natation l’a couvert d’or, sa reconversion va lui rapporter beaucoup d’argent. Il monnaye ses talents, effectue des exhibitions, donne même des cours privés à de richissimes parisiens dans la piscine Molitor du XVIe arrondissement, restée à travers les âges un lieu plus sélectif que select pour «happy few». Précurseur, il devient ambassadeur et mannequin d’une marque de maillots de bain qui met le paquet en lui versant 500 dollars par semaine. La notoriété a déjà un prix.
Il est bien avant l’heure un condensé de Michael Phelps, de la fratrie Manaudou et de Camille Lacourt : un champion hors norme à la plastique parfaite, communiquant hors pair dont raffole public et médias. Partout où il passe, Weissmuller crève l’écran, logique qu’on lui propose de passer derrière.
Moi Tarzan, Toi Johnny
En 1932, Johnny Weissmuller devient « Tarzan l’homme singe » héros du film éponyme. Comme l’ex-nageur, Hollywood prend un nouveau virage. Le muet s’apprête à se taire. Pour la première fois, Tarzan « parle » ou plutôt s’exprime dans les quelques répliques qui lui sont réservées. Le nageur a trouvé sa voie. Son cri deviendra aussi célèbre que le rugissement du lion de la Metro-Goldwyn-Mayer qui le produit. En 16 années, le champion sera la tête d’affiche de 12 Tarzan. Le fauve est lâché ! Il passe de lianes en lianes, de succès en succès, de femmes en femmes. Mais à 44 ans, difficile avec de l’embonpoint d’incarner encore l’enfant sauvage. La jungle hollywoodienne est plus impitoyable que les animaux féroces qu’il a combattus au cinéma. La star n’est plus bankable, il jouera dans d’autres films mais le scénario de sa vie basculera inexorablement de la success-story au mélodrame.
Sur l’écran noir de ses nuits blanches
Weissmuller ne fait pas les choses à moitié. Si ses 5 courses olympiques se sont soldées par 5 victoires, ses 5 mariages se concluent par 5 divorces. Les pensions alimentaires le ruinent et se lancer dans la construction de piscines ne l’empêche pas de boire la tasse. Tout y passe, de sa luxueuse villa de Beverly Hills au Yacht dernier cri.
Démuni, il sombre dans l’alcoolisme, tombe dans la folie. Les dernières années de sa vie, il les passe à Acapulco - un lieu idyllique - pas pour lui ni ceux qui le côtoient. Interné, il se prend pour Tarzan, pousse son célèbre cri tout en se martelant la poitrine à longueur de journée. L’invincible champion qui faisait rêver tant de monde est devenu le cauchemar des autres résidents de l’hôpital psychiatrique. Il y décèdera seul, un jour de janvier 1984 à l’âge de 79 ans. Sa dernière scène, son dernier rôle.
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