Paris 2024 : sous l'effet des JO, les clubs sportifs débordent et refusent des licenciés
Ce sont des centaines de milliers de personnes qui se voient refuser l'accès aux clubs sportifs. Depuis le début de la saison, plusieurs fédérations déplorent le fait qu'elles ne peuvent pas satisfaire toutes les demandes d'inscriptions. La Fédération française de basketball (FFBB) a dû refuser "entre 100 000 et 110 000" joueurs et joueuses à la rentrée. Même constat à la Fédération de handball, qui s'attend à refuser 100 000 personnes environ cette saison, selon son président Philippe Bana.
Avec les Jeux olympiques de Paris 2024, de nombreux Français souhaitent se mettre ou se remettre au sport. Les fédérations sportives observent ainsi une nette hausse des inscriptions depuis septembre, et l’exposition de certains sports a fait bondir le nombre de licenciés un peu partout en France : 8 à 10 % de plus à la fédération de natation, 20 % à celle de tennis de table, 25 % pour l'escrime et même 32 % pour le triathlon... Cependant, de nombreux clubs sont déjà saturés.
De nombreux refus et des adaptations dans la pratique
Dans le Nord, l’Académie d’escrime Vauban Lille (AEVL), véritable institution, va devoir réorganiser son fonctionnement. “Pour la première fois en 350 ans d’histoire [depuis que D’Artagnan était gouverneur de la ville en 1672], nous allons devoir instaurer un numerus clausus. Si nous inscrivons tout le monde, les gens seront frustrés et le club risque d’imploser”, reconnaît le maître d’armes Marc Bony, directeur de l’AEVL. Avec seulement quatre maîtres d’armes pour 400 licenciés, le club ne peut pas accueillir davantage de personnes.
Dans la salle d'escrime, située dans la crypte de l'église Saint Pierre-Saint Paul de Lille, le club bénéficie pourtant d’une grande surface. Cependant, les 16 pistes du complexe ne suffisent plus, avec des créneaux qui dépassent parfois la soixantaine de personnes. Avec deux escrimeurs par piste, une trentaine d’entre eux se trouve en attente pendant que les autres s'affrontent.
“Nous demandons à nos escrimeurs de faire des matchs plus courts, d’une durée maximale de cinq minutes, pour que tout le monde puisse participer. Il arrive également que nous fassions tirer dans les espaces entre les pistes, afin de réduire le temps d’attente pour nos licenciés". Dans ces conditions, le maître d'armes regrette de ne pas pouvoir aborder toutes les thématiques dans ses cours.
Patienter plusieurs années avant d’obtenir une licence
Les sports d’intérieur sont clairement les plus touchés par cette saturation. Le handball, le volley, le basket, le tir à l’arc (en salle l'hiver), le tennis de table, le badminton et bien d’autres disciplines se disputent les créneaux disponibles dans les gymnases. "Certains clubs se voient offrir des créneaux entre 16h30 et 18h00, des horaires peu attractifs pour les actifs", constate Yohan Penel, président de la Fédération française de badminton, qui a vu ses clubs refuser entre 22 000 et 45 000 personnes dans sa discipline l’an passé, selon un sondage interne, et qui devrait en voir encore davantage cette saison.
A Paris, la saturation est déjà ancienne. Secrétaire général du Sporting club universitaire de France (SCUF), José Delgi Espoti assure qu’il y a “un effet JO qui est indéniable”, mais que la situation est “tendue” dans toute la région depuis plusieurs années. “Chez nous, on ne peut plus ajouter une seule personne”, se désole-t-il.
Au SCUF, le nombre de prétendants en liste d’attente (plus de 4 000) est presque équivalent au nombre de licenciés cette année (environ 4 500 licenciés répartis sur dix disciplines fédérales). "L'attente pour obtenir une licence peut parfois durer deux ans", regrette José Delgi Espoti. Ceux qui sont sur liste d'attente doivent parfois s'inscrire dans différents clubs et disciplines pour multiplier leurs chances d'obtenir une licence.
Créneaux autonomes ou location de gymnases scolaires, quelles solutions ?
Pour José Delgi Espoti, plusieurs possibilités peuvent pallier en partie ce manque : “Parfois, il y a une mauvaise occupation des équipements. Nous pourrions améliorer cette gestion avec plus de coordination, en utilisant un outil de gestion des équipements afin de remplir ces créneaux au maximum.”
Autre option : utiliser des équipements dans les collèges et les lycées. “Le week-end, des gymnases ne sont pas utilisés, et c’est dommage, car nous, les clubs, aimerions les investir. Nous serions prêts à payer des locations", dit-il. Une idée partagée par Philippe Bana, président de la fédération de handball.
Pierre Rabadan, adjoint aux sports de la ville de Paris, assure que des négociations sont en cours avec l’Académie de Paris pour disposer d’un plus grand nombre d’infrastructures scolaires, qui atteint, aujourd'hui, le chiffre de 30 (réparties sur 9 lycées, 3 collèges, 2 universités et l’Institut national du judo).
"Si un jour, il y a une politique commune d'ouverture des collèges et des lycées, les clubs pourraient accueillir plus de licenciés."
Pierre Rabadan, adjoint aux sports à la Mairie de Parisà franceinfo: sport
Une idée qui présente certaines limites. “Il faut une mobilisation supplémentaire du personnel, notamment des gardiens, qui doivent ouvrir et fermer les portes des gymnases scolaires, explique Pierre Rabadan. A cela s’ajoute un sujet de sécurité. Il faut être capable d’avoir soit des entrées/sorties hermétiques sur le site scolaire, soit avoir quelqu’un qui régule de manière assez stricte. Il y a des établissements où c’est possible avec quelques travaux, d’autres où c'est impossible. L’enseignement privé est fermé à ces initiatives", regrette l’adjoint d’Anne Hidalgo. Le ministère des Sports précise être à l'œuvre pour ouvrir les équipements sportifs des établissements en coordination avec l'Education nationale.
A la recherche du moindre m² d’espace pour le sport
Depuis quelque temps, des créneaux autonomes sont mis à disposition de certains clubs en France. Les licenciés peuvent bénéficier des infrastructures sans qu'il soit nécessaire d’avoir un intendant ou un gardien. Le gymnase est, par exemple, à la charge du club, qui doit le restituer en l’état et en assurer la sécurité. Avec ces créneaux, les clubs peuvent offrir à leurs licenciés des plages horaires plus étendues, allant jusqu’à minuit. Dans la capitale, cette solution permet d’obtenir en moyenne plus de 450 heures réservées par semaine (une augmentation de 30 % par rapport à l’année dernière), précise la Ville de Paris.
Pour accueillir davantage de licenciés, le plus simple serait de construire de nouveaux équipements. Tout juste nommé ministre en septembre, Gil Avérous avait affirmé qu'il y aurait un "héritage à accompagner pour que le soufflé ne retombe pas [après les JO] et pour permettre aux clubs d'accueillir et de répondre à toutes les demandes". Le ministère des Sports affirme désormais porter "une action forte pour la construction d'équipements sportifs sur tout le territoire". Le plan Génération 2024 prévoit 300 millions d'euros sur la période 2024-2026 pour créer des terrains de sport.
La problématique du manque d'infrastructures pour accueillir de nouveaux licenciés sera abordée par le ministre avec les présidents de fédérations sportives avant la fin de l'année. Deux mois après la fin des Jeux paralympiques, énormément de personnes, désireuses de faire du sport dans les clubs, restent à quai.
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