Sarah Abitbol : "La honte s'est transformée en fierté, c'est ma plus belle victoire"
Imaginiez-vous que la sortie de votre livre aurait un tel impact ?
Sarah Abitbol : "L’attachée de presse de mon livre, Caroline Babulle, m’a dit que rarement un ouvrage avait eu autant de retombées média. En l’espace de quelques jours, je suis intervenue 2 fois dans le journal de 20h de TF1 et dans celui de France 2. Sans compter Stade 2 sur France 3. Et puis des apparitions dans des émissions plus variées comme “Quotidien’’ sur TMC, “C’est que de la télé’’ et “Touche pas à mon poste’’ sur C8, “C l’hebdo’’ sur France 5 ou “L’invité’’ de TV5 Monde… La radio également avec un entretien pour la matinale de France Inter avec Léa Salamé et un autre avec Flavie Flament sur RTL… Et en presse écrite, en plus de “L’Obs’’ qui a consacré 2 fois la une en 3 semaines (NDLR : le livre a été écrit avec la collaboration d’Emmanuelle Alizon, grand reporteur à l’hebdomadaire), j’ai été beaucoup sollicitée en France et à l’étranger (y compris par “The Times’’ de Londres et le “New York Times’’). A cause du confinement, il n’y a pas encore de chiffres précis concernant le nombre d’exemplaires vendus avec le retour des libraires mais ce qui est certain, c’est que “Un si long silence’’ est longtemps resté parmi les listes des meilleures ventes. A travers mon témoignage, je voulais juste guérir… être capable de prononcer le mot “viol’’ a été une grande victoire pour moi. C’est une thérapie. Cela fait partie du processus de guérison. Et je me suis rendue compte que je n’étais hélas pas seule dans ce combat…"
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Il y a deux événements qui vous ont marquée par la suite…
SA : "J’ai rencontré Brigitte Macron à l’Elysée quelques jours après la sortie du livre. Nous avons échangé plus de 45 minutes, afin de trouver des actions pour aller de l’avant. Son combat est d’aider les enfants à l’école et dans les clubs sportifs. Elle m’a trouvée courageuse et m’a exprimé son soutien pour faire bouger les choses et me soutenir dans ma démarche. Faire bouger la loi pour qu’il n’y ait plus de prescription des faits dans les affaires de viols sur enfants… Et puis le 21 février, j’ai été invitée à témoigner lors d’un colloque au Comité olympique français (“Convention nationale de prévention des violences sexuelles dans le sport’’). Patiner devant du public, ça je sais faire ! M’exprimer devant 400 personnes, ce n’est pas mon habitude ! J’ai eu la trouille car il y avait notamment dans la salle plusieurs ministres (sports, justice,…) et ça m’a fait tout drôle quand on m’a demandé de monter sur scène et qu’on m’a présenté comme une héroïne… J’étais dans la culpabilité, dans la honte. Mais la honte s’est transformée en fierté. C’est ma plus belle victoire. C’est comme une médaille d’or olympique ! J’étais tremblante et presque en larmes lorsqu’à la fin de mon intervention, tous les participants se sont levés…"
Votre intervention a libéré la parole…
SA : "Honnêtement, j‘étais loin de penser que la FFSG serait à ce point dans la tourmente et à pousser son président à la démission. Mais la ministre des Sports a tapé du poing sur la table… Je voulais juste être entendue mais il y a des portes qui étaient fermées, comme je le raconte dans le livre. Je sais que dans mon club d’origine (les Français Volants à la patinoire de Bercy, ndlr), il y a eu aussi des remous… Ce qui m’importe, c’est que les jeunes patineurs soient protégés, qu’ils ne connaissent plus les agissements que j’ai pu subir et que la personne que je vise dans mon livre (monsieur “O’’) ne soit plus en état de nuire. Des patineurs, avec qui j’ai été sélectionnée en équipe de France, m’ont témoigné leur soutien (notamment Gwendal Peizerat, Sophie Moniotte, Isabelle Delobel, Stanick Jeannette, Vanessa Gusmeroli…). Et puis j’ai découvert que certaines, qui m’ont précédée, ont aussi osé s’exprimer par la suite... J’ai été choquée, surprise. Je suis en contact régulier avec Philippe Candeloro et il m’a confié n’avoir pas eu le courage de lire mon livre… Même mon mari Jean-Louis ne savait pas tout, il a appris des choses en le lisant…"
Le confinement lié au Coronavirus a interrompu la promotion du livre…
SA : "Je n’ai fait qu’une séance de signatures à Paris le 27 février (à la FNAC-Forum des Halles). Des fans de patinage se sont déplacés mais il y avait aussi des victimes de violences ou harcèlement ou leurs familles qui sont venues et ça a donné lieu à des échanges très intéressants et émouvants. J’en referai sans doute à la rentrée quand la situation sanitaire sera meilleure. J’ai reçu aussi beaucoup de mots sur la messagerie Messenger (plus d’un millier) et je n’ai pas encore fini de répondre à tous ceux qui m’ont interpellée… Les librairies ayant fermé leurs portes pendant le confinement, on a moins parlé du livre mais il est sorti depuis sous forme numérique. Donc il poursuit sa vie."
Votre livre a eu une résonance certaine en France mais aussi à l’étranger
SA : "Avec Plon, des contacts ont été pris pour des traductions. Notamment aux Etats-Unis, où je réside. J’ai aussi été interviewée par ABC News car c’est un sujet très sensible là-bas (NDLR : Richard Callaghan, entraîneur de la championne olympique 1998 Tara Lipinski, a été mis en cause par deux de ses anciens élèves pour des attouchements et a été suspendu plusieurs années). Avec la fédération américaine (US Figure Skating), on s’interroge aussi sur la mise en place d’un programme de conférences pour sensibiliser les jeunes patineurs aux questions de harcèlement. Et puis avant le confinement, j’ai eu des contacts avec plusieurs sociétés de production françaises pour l’adaptation de mon livre en téléfilm…"
A quoi a ressemblé le confinement pour vous ?
SA : "Je suis rentrée en Floride à North Miami Beach le 18 mars. Ma fille Stella (9 ans) n’a plus d’école depuis le 13 mars. Mais nous sommes toutes les 2 des adeptes de Zoom ! Elle pour suivre les cours et faire les devoirs alors que moi, je garde contact avec la France notamment pour mes futurs projets. Les patinoires sont en train de rouvrir ici mais uniquement pour les leçons privées en petit nombre (les séances publiques sont pour le moment interdites). Habituellement, j’enseigne près de Fort Lauderdale à la patinoire de Pompano Beach (NDLR : au nom évocateur de ‘’Rink on the Beach’’, la patinoire à la plage !) mais pour le moment je n’ai trop la tête à la glace. Tout ce qui s’est passé, c’était un peu le tourbillon de ma vie d’autant que mon papa est décédé juste avant… J’ai dû aussi annuler un stage d’été de 3 semaines, que j’aurai dû animer à Saint-Gervais, les conditions sanitaires ne nous en laissaient pas le choix. Mon combat aujourd’hui, c’est la prévention. Un rôle d’ambassadrice pour une association que nous sommes en train de créer. Il faut mettre un terme à l’omerta… Je ne veux pas que les 7 heures que j’ai passées à la Brigade de la protection des mineurs de Paris pour une audition n’aient servies à rien…"
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