Patinage : le 22 mars 2007, Brian Joubert devenait champion du monde
22 mars 2007. Brian Joubert revit cette date intensément à chaque évocation. Sur la glace de la patinoire de Tokyo, la musique de son programme libre (une reprise d’Apocalyptica de Metallica, ndlr) vient à peine de se terminer, que son corps et ses bras expriment une joie victorieuse. 13 ans après, il raconte ce moment précisément. "Comme si c’était hier, j’ai encore les sensations dans la tête et dans le corps. La musique s’arrête. Je sais que je suis champion du monde." Et pourtant il reste encore quatre patineurs à passer après le natif de Poitiers, dont le Japonais Daisuke Takahashi, sérieux prétendant au titre. Mais si le Français se souvient d’une telle assurance, c’est que ce sacre tant convoité s’est construit les heures précédentes.
Pour arriver sur la plus haute marche du podium, le Français l’a joué en fin tacticien. "Ca n’a jamais été mon point fort" reconnaît-il. Il se rappelle d’avoir "toujours été quelqu’un qui attaquait sans voir le côté stratégique". "Et finalement, je suis sorti un peu de mon naturel en étant l’opposé de moi-même." La veille, lors du programme court, le patineur alors âgé de 23 ans excelle en terminant premier, et avec une avance confortable sur son dauphin, le Canadien Jeffrey Buttle ."J’étais très serein, très confiant, je me sentais bien. J’étais très à l’aise" se souvient-il. "J’avais beaucoup de points d’avance sur le deuxième. Et du coup, c’est ce qui a été le plus difficile à gérer. Il a fallu être stratégique."
Une nuit de réflexion
Brian Joubert arrive à Tokyo avec le plein de confiance à la suite d’une saison sans faute : champion de France, vainqueur du Grand-Prix ISU, champion d’Europe et record personnel. Il présente un programme libre spectaculaire, comprenant trois quadruples sauts. "J’avais un programme libre type avec des difficultés pour un titre de champion du monde" précise-t-il. Seulement, le très bon programme court le met dans une position qu’il n’aime pas, celui du stratège. "J’ai tellement d’avance que ça ne vaut vraiment pas le coup de prendre des risques". Un épisode inattendu va faire la différence dans le calcul ses choix.
"La nuit qui a précédé le programme libre, j’ai dormi qu’une heure. Parce que déjà j’étais excité par rapport à l’événement. Et de deux, parce qu’il y avait des Chinois qui étaient à côté et qui avaient terminé leur compétition. Ils fêtaient leur titre de champion du monde dans la chambre juste à côté de la mienne. Je n’ai pas pu fermer l’œil de la nuit. Du coup, j’ai réfléchi à une stratégie, à un programme qui pouvait, avec moins de difficultés, me faire gagner quand même pas mal de points."
Changement de programme
Le matin du jour J, la quasi nuit blanche se fait ressentir. Lors de l’entraînement final, Brian Joubert monte sur la glace et bloque. "C’était une catastrophe. Toute la saison s’est très bien déroulée et à cet entraînement-là je n’arrivais plus à faire un saut. J’étais tellement fatigué. Je me suis dis : 'Ce n'est pas possible, tu ne vas pas à cause d’une nuit tout foutre en l’air pour ce titre que tu attends depuis si longtemps'."
Après s’être promené pour se ressaisir, le Français est finalement prêt malgré la fatigue et le stress. Son choix est fait. Il retire deux de ses trois quadruples sauts de son programme. "Il y en a un que j’ai remplacé par une combinaison de deux triples sauts, ce qui faisait le même nombre de points. C’était un calcul que j’avais fait pendant toute la nuit."
Cette décision s'avère être la bonne. Malgré sa troisième place à l’issue du programme libre, le Français (240,85 pts) domine le Japonais Daisuke Takahashi (237,95 pts) et le Suisse Stéphane Lambiel (233,35 pts). Il met fin ainsi à 42 ans de disette pour le clan français de patinage artistique qui attendait un successeur à Alain Calmat.
"L’ambiance qu’il y avait dans cette patinoire était folle. Même si j’étais au Japon, en concurrence avec un Japonais, je sentais que le public était derrière moi aussi pour le titre." Dans sa voix, on entend qu'il est revenu 13 ans en arrière. Juste le temps pour nous narrer en détails ce moment ancré dans sa mémoire.
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