Saut à ski : "Je suis la plus heureuse au monde quand j'ai la sensation de voler"... Qui est Joséphine Pagnier, la nouvelle prodige française des tremplins ?
"Je suis retombée sur terre assez rapidement." Après plus de 140 mètres et quelques secondes de vol, tout de même, de quoi la faire définitivement changer de dimension. Dimanche 3 décembre, à Lillehammer (Norvège), Joséphine Pagnier est devenue la troisième athlète tricolore de l'histoire à triompher en Coupe du monde de saut à ski après Nicolas Dessum (à Sapporo en 1995) et Coline Mattel (à Sotchi en 2012 et Sapporo en 2013).
À l’issue de son concours, elle n'a pas semblé y croire tout de suite, se prenant la tête entre les mains, avant d'enlacer son entraîneur : "Je l'ai prise dans mes bras et on pleurait de joie tous les deux", se souvient Damien Maître. "Honnêtement, ce sont les deux plus belles journées de ma vie", a-t-elle confirmé à Franceinfo: sport, deux jours après son succès. La veille, la jeune Française de 21 ans s'était offert le deuxième podium de sa carrière en grimpant à la deuxième place. Un début de saison idéal qui lui a permis d'endosser le dossard jaune de leader au classement général de la Coupe du monde lors de la deuxième manche, vendredi 15 décembre, à Engelberg (Suisse), qu'elle a également remportée.
Vice-championne olympique de la Jeunesse en 2020, et vice-championne du monde juniors l'année suivante, Joséphine Pagnier ne crève pas l'écran par surprise. Qu'elle s'impose dès cette saison, moins d'un an après son premier podium décroché en février dernier à Hinzenbach (Autriche), est plus surprenant. "J'ai toujours eu la conviction au fond de moi, qu'un jour, je gagnerais, assure-t-elle. Mais je ne l'attendais vraiment pas de sitôt. Une semaine avant, je n'y aurais jamais cru." "Je ne savais pas quand ni où elle gagnerait mais je lui disais qu'un jour ça arriverait", poursuit Damien Maître.
"Cette passion ne s'éteindra jamais"
Avant même de travailler ensemble, depuis l'intégration de son élève en équipe de France A lors de l'hiver 2018-2019, l'entraîneur des Bleues l'avait repérée. "Cela fait longtemps que je la voyais et que c'était une fille qui avait tout pour le faire, se remémore-t-il. Quand j'allais là-bas, elle était toujours là, elle a baigné dedans."
"Là-bas", c'est au tremplin de Chaux-Neuve (Doubs), en face duquel la native de Pontarlier a grandi et dont son père, surtout, était responsable. Le saut à ski est une histoire de famille chez les Pagnier puisque même sa grand-mère le pratiquait malgré l'interdiction faite aux femmes. Dès quatre ans, chaussée de ses skis de fond, la cadette d'une fratrie de trois enfants fait ses premiers sauts d'un petit tremplin. "Cette passion a grandi et ne s'éteindra jamais, assure-t-elle. Je suis la plus heureuse au monde quand je suis dans les airs et que j'ai la sensation de voler."
Elle ne connaît pas la peur. En tout cas, pas celle de s'élancer à pleine vitesse dans le vide sur un tremplin haut de plus d'une centaine de mètres. Plutôt celle "d'échouer, de ne pas réussir les résultats escomptés". "Elle a souvent eu l'impression que les autres avaient quelque chose en plus", souligne Damien Maître.
"Je ne suis pas là pour sauver la nation"
L'anonymat du saut à ski tricolore sur la scène internationale n'y est certainement pas étranger. Avec seulement cinq tremplins homologués (Autrans, Chaux-Neuve, Courchevel, Gerarmer et Premanon) par la Fédération internationale de ski (FIS), la France ne fait pas le poids face aux 19 tremplins allemands, aux 12 Autrichiens ou encore aux sept Norvégiens. "On n'est pas des touristes mais une très petite équipe par rapport aux grosses nations, admet Pagnier. Ça reste un sport dans lequel on peut réaliser de belles choses si on a deux bras, deux jambes et du bon matériel."
Les performances prometteuses de la Doubiste - comme la biathlète Lou Jeanmonnot - pourraient-elles alors permettre à la discipline de se développer davantage en France ? "Je suis juste ici pour savourer le moment, pas pour sauver la nation ou le saut à ski français", relativisait-elle au micro d'Eurosport. "On peut sortir un peu de l'ombre mais je suis bien consciente que malgré les résultats de Jason Lamy-Chapuis [champion olympique et quintuple champion du monde de combiné nordique], le saut à ski n'était pas autant médiatisé que d'autres sports", nous a-t-elle précisé.
Comme pour de nombreux sportifs dans son cas, la popularité pourrait venir d'une performance lors de Jeux olympiques d'hiver. Joséphine Pagnier ne peut plus se cacher et fera forcément partie des médaillables potentielles à Cortina 2026, et dans les Alpes françaises en 2030 - si la candidature est officialisée comme hôte - alors qu'elle sera respectivement âgée de 23 et 27 ans. "On a tous des rêves olympiques, glisse-t-elle. Je serais honorée de participer à des JO en France mais il n'y a pas de garanties que j'y sois. Tout peut arriver." Depuis son coup d'éclat à Lillehammer, elle le sait mieux que personne.
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