Mondiaux Saint-Moritz : un nouvel échec pour Alexis Pinturault en géant qui pose question
Alexis Pinturault a 25 ans, il a encore de très belles années devant lui. Quand on lui parlait de son absence de titres majeurs, le skieur de Courchevel dégainait son sourire. "Je suis jeune, j’ai le temps", lançait-il. Il a raison. Mais le temps perdu ne se rattrape pas. Et cette semaine à Saint-Moritz, il a laissé filer deux opportunités qui lui tendait les bras : le combiné alpin lundi et le slalom géant ce vendredi. Entre ces deux courses, il a bien glané un titre mondial par équipes. Mais le ski est "un sport individuel", comme tous les skieurs le répètent, et on ne trouve aucune trace du patronyme Pinturault sur la plus haute marche des palmarès internationaux. Seulement deux médailles de bronze en géant (JO 2014, Mondiaux 2015). C’est peu en quatre grandes compétitions pour celui qui est dans le top 3 mondial des meilleurs skieurs depuis trois saisons. Face aux micros, le skieur, mais aussi l’encadrement, cherchaient des explications.
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Crispation égale pression
La première, la plus évidente, est d’ordre psychologique. Si régulier durant la saison de coupe du monde - déjà quatre succès plus deux podiums depuis octobre - le Français peine à exprimer son talent sur les courses d’un jour. Le constat vaut pour "Pintu", mais aussi pour Mathieu Faivre (9e) et Victor Muffat-Jeandet (13e). "On a la meilleure équipe du monde en géant et on repart bredouille, réagit Fabien Saguez, psychologiquement, on passe à travers. Nous devons être plus solides lors de ce genre d’événement". L’enfant de Courchevel semblait pourtant armé pour résister à la pression, mais les larmes qui ont coulé sur son visage après la course ont prouvé le contraire.
"Je ne suis pas un robot, je me mets peut-être trop de pression et ça engendre de la crispation. Or, dans le ski, à l’instar du sprint, il faut du relâchement pour être fluide". Cette tension négative a été criante lors des deuxièmes manches du combiné lundi et du géant ce vendredi. D’habitude explosives, ses mises en action ont été trop molles, "pas assez grosses", assure David Chastan, le directeur de l’équipe de France masculine. Même constat chez le DTN : "quand il est bien en jambes, en confiance, Alexis fait des entames de course extraordinaires. Là, il y a eu un problème". "J’ai l’impression que mon ski était bon, assure "Pintu", mais je n’ai peut-être pas assez osé. Voilà pour moi, la phrase à retenir". Le ski, la glisse, sont un savant mélange entre engagement et relâchement et c’est cet équilibre que les Bleus "n’ont pas su trouver", témoigne Victor Muffat-Jeandet.
Différences de traitement
Vendredi en zone mixte, le clan Bleu était déçu. Accablé. Pinturault a pleuré, Mathieu Faivre, lui, avait "envie de tout casser". Ils étaient "anéantis", d’après Fabien Saguez. Tout au long de la semaine, des rumeurs ont fait état de tensions dans le clan technique. Le Directeur Technique National a tenu à mettre les choses au clair : "il n’y a pas de tensions dans l’équipe". La rivalité qui existe entre eux est un moteur, mais Fabien Saguez a conscience qu’ils "ne partiront pas en vacances ensemble". Ils n'ont déjà pas logé dans le même hôtel durant ces Mondiaux. Alexis Pinturault a vécu de son côté, avec sa compagne, dans un palace de Saint-Moritz, quand les autres logeaient dans un hôtel dans une bourgade à un quart d’heure en voiture de la station des Grisons.
Ce choix, "pleinement assumé" par le staff technique tricolore, n’aurait pas fait tiquer en cas de Mondiaux réussis pour Pinturault. Mais là, quelques dents peuvent grincer et des questions être soulevées. "Il n’est pas hors structure", temporise David Chastan et a suivi la même préparation que les autres. "Il ne faut pas faire de raccourcis à chaud, tempère Fabien Saguez, le temps des discussions n’est pas venu, on va finir la saison et on se posera les bonnes questions".
Pas comme Marcel
Quelque chose n’a pas fonctionné à Saint-Moritz et pour éviter une nouvelle débâcle dans un an à PeyongChang, il va falloir apporter des réponses et des améliorations. Au cas Pinturault en priorité. Le skieur est talentueux, c’est indéniable. Il court plus que les autres - il est engagé sur quatre disciplines tout au long de l’année - et nécessite forcément un traitement particulier. "Les échecs doivent servir à progresser. Certaines choses peuvent être améliorées, analyse Pinturault, dans la préparation physique, technique, dans ma récupération. Prendre une structure individuelle comme Hirscher? Marcel est complètement à part, c’est vrai, mais je n’ai pas du tout envie de me couper de la Fédération. J’ai envie de travailler avec elle, elle a envie de travailler avec moi. Je ne veux pas une structure comme Marcel".
Une séparation des trajectoires n’est donc pas envisagée pour le moment, mais la situation actuelle ne peut pas durer. Sans l’exiger fermement, le skieur de Courchevel a donné des pistes à sa Fédération. "Il me faut une structure individualisée car je ne fais pas que du slalom comme Julien Lizeroux ou uniquement du géant comme Thomas Fanara ou Mathieu Faivre. J’ai quatre disciplines où je fais des top 10 régulièrement". Une petite mise au point qui en appelle une autre plus conséquente à la fin de la saison. Avant l’explication de texte, il y a des Mondiaux à terminer avec un slalom dimanche. Une discipline où Pinturault n’est plus monté sur le podium en coupe du monde depuis plus de trois ans (victoire à Wengen en janvier 2014). "Je suis un outsider, je suis loin d’être parmi les grands favoris", avoue-t-il. Sans pression, puisque moins attendu, sera-t-il capable d’un exploit qui sauverait ses Mondiaux, jusqu’ici "très mauvais" de son propre aveu? Il en aurait bien besoin. Ou l’ardoise laissée à Saint-Moritz pourrait encore s’alourdir.
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