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Pourquoi le gros globe de cristal ne pouvait plus échapper à Alexis Pinturault ?

C'est un jour historique pour le ski alpin français. Alexis Pinturault a remporté, ce samedi 20 mars - le jour de ses 30 ans -, le gros globe de cristal récompensant le vainqueur du classement général de la Coupe du monde de ski alpin. Un exploit retentissant qui n'était plus arrivé à l'équipe de France depuis Luc Alphand, en 1997. Comment et pourquoi ce sacre ne pouvait-il plus échapper au skieur de Courchevel ?
Article rédigé par Quentin Ramelet
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
Alexis Pinturault peut savourer : 24 ans après le dernier Français Luc Alphand, le skieur de Courchevel remporte le titre suprême en s'adjugeant le classement général de la Coupe du monde de ski alpin, samedi 20 mars 2021. (FABRICE COFFRINI / AFP)

► Parce qu'il est l'héritier annoncé de Marcel Hirscher

Alors non, il ne sera pas question ici de mettre Alexis Pinturault sur les mêmes skis que ceux de Marcel Hischer. Juste, il est essentiel d’expliquer pourquoi le Français est aujourd’hui, à 30 ans, ce qui se rapproche le plus de la légende autrichienne.

D'ailleurs, quand ce dernier avait annoncé, à la surprise générale, sa retraite à l'issue de la saison 2018-2019, le natif de Moûtiers (Savoie) n'avait pas manqué de réagir à sa façon : "Je ne fais pas partie de ceux qui se réjouissent de cette situation, j'aurais aimé qu'il continue parce que j'aimais la rivalité, la confrontation et le challenge de courir avec Marcel." Car depuis ses débuts en Coupe du monde, en 2008, Alexis Pinturault n'a jamais cessé de s'inspirer du roi.

Le skieur de Courchevel s'est alors nourri, pendant près de dix ans, de son duel acharné avec Marcel Hirscher. Surtout, en se mettant à table avec le plus grand skieur de l'histoire, le jeune savoyard savait qu'il allait passer une grande partie de sa carrière en retrait du banquet final, tout en gardant une place parmi les invités d'honneur. Car derrière le champion autrichien, Alexis Pinturault est devenu "La Bête", comme le milieu a fini par le surnommer.

La faute à ses capacités physiques hors du commun, à un mental d'acier et surtout à un talent inné lui permettant de lever les bras régulièrement (34 victoires en Coupe du monde, 9e meilleur bilan de l'histoire). Durant ses huit ans d'hégémonie (de 2012 à 2019), Marcel Hirscher a connu deux grands rivaux, le Norvégien Henrik Kristoffersen (2e ou 3e du général depuis 2016) et Alexis Pinturault (2e du général en 2019, puis 3e entre 2014 et 2016).

Si les deux hommes, aux styles bien différents, ont tout essayé pour contrarier les plans du monstre autrichien, seule la retraite de ce dernier a ouvert une brèche. Une faille dans laquelle seul Pinturault a su se glisser.

► Parce qu'il est plus polyvalent que personne

Si Marcel Hirsher a été si irrésistible pendant si longtemps, c'est aussi parce qu'il a su rapidement imposer une régularité insolente dans trois des cinq disciplines majeures. Meilleur géantiste et meilleur slalomeur pendant une bonne décennie, sa polyvalence avait fait de lui une proie insaisissable.

Là encore, sur ce point, Alexis Pinturault a été le seul à jouer sur tous les tableaux ou presque. Plus technicien que spécialiste de la vitesse, les descentes et les super-G, surtout, ne lui ont pour autant jamais posé problème, lui qui avait participé à chacune de ces courses lors des championnats du monde juniors entre 2008 et 2010. 

C'est par ailleurs sa capacité à performer en super combiné, la discipline "hybride" du ski alpin (un super-G et un slalom le même jour)qui lui a permis de passer un cap. Il a notamment remporté à quatre reprises le petit globe de la spécialité (2016, 2017, 2019 et 2020). En dix ans donc (entre fin 2011 et mars 2021), Alexis Pinturault a su bonifier sa polyvalence sur la piste, totalisant, sur cinq disciplines, pas moins de 70 podiums en Coupe du monde, dont 34 victoires !

Phénoménal, puisque seul Marcel Hirscher a fait mieux entre 2011 et 2019. Sa récente médaille d'argent aux Mondiaux 2021 de Cortina d'Ampezzo (Italie), en super-G, prouve à quel point le Français a su aussi se réinventer pour pousser encore plus loin sa polyvalence, et se donner toutes les chances possibles pour aller viser le globe.

► Parce qu'il est "géant" depuis près de dix ans

Marcel Hirsher, Ingemar Stenmark, Hermann Maier, Alberto Tomba... Ces légendes du ski alpin ont un point commun essentiel : le slalom géant. Tous ont régné en immense maître sur la planète blanche pendant leurs différentes périodes, des années 70 jusqu'à aujourd'hui. Et si le géant a toujours été le dénominateur commun parmi eux, c'est aussi la course de prédilection d'Alexis Pinturault.

Le Savoyard est même entré, cette saison, dans la cour des grands : avec 18 victoires en Coupe du monde, le double médaillé de bronze de la spécialité aux JO est tout simplement le cinquième plus grand géantiste de l'histoire derrière les extra-terrestres Hirscher (31) et Stenmark (46), puis les rois de la spécialité des années 1990-2000, Michael von Grünigen (23) et Ted Ligety (24), à portée de spatules désormais. Au classement de la spécialité, sa régularité est également terrifiante, ayant toujours terminé dans le top 4 depuis 2012 !

Il skie bien, avec une super technique, il est très fort physiquement

Son grand rival Marcel Hirscher, à l'issue du géant de Val d'Isère de 2016 que Pinturault avait remporté avec une aisance insolente, n'avait pas hésité à désigner le Français comme son digne successeur : "Il y a quelques années, la domination en géant était exercée par Ted Ligety, puis cela a été mon tour, avait-il confié dans L'Equipe. Maintenant, le patron de la discipline, c'est Alexis. C'est vraiment le meilleur géantiste du monde. Il skie bien, avec une super technique, il est très fort physiquement. À Garmisch-Partenkirchen (Allemagne), il y a quelques années, j'avais demandé : "Qui c'est ce garçon ? Il ira loin".

Visionnaire, Marcel Hirscher ne s'est pas trompé. Privée d'un sacre qui lui tendait les bras la saison dernière en partie avec l'arrêt prématuré de la saison à cause de la Covid-19, "La Bête" de Moûtiers a remis le couvert. Plus affamé que jamais sur ce service 2021, le skieur de Courchevel a enfin soulevé le gros globe de cristal. Et comme l'appétit vient en mangeant, pas sûr qu'Alexis Pinturault, à 30 ans, ne soit rassasié.

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