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Face au Covid-19, le ski alpin doit lui aussi repenser son été

Jeux Olympiques, Euro de foot ou encore Tour de France : la pandémie du Covid-19 a complètement chamboulé le programme sportif de l’été. Mais au delà de ces grands événements et des sports estivaux, d’autres disciplines sont également touchées. C’est notamment le cas du ski alpin, pour qui l’été rime avec préparation d’avant-saison en Europe et autour du monde. Cet été, les skieurs français vont donc devoir s’adapter. Alexis Pinturault, Tessa Worley et David Chastan témoignent.
Article rédigé par Adrien Hémard Dohain
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
  (JOHANN GRODER / APA)

Le contexte actuel est un peu anxiogène. D’une part, parce que la crise sanitaire est inquiétante. Et d’autre part parce que pour nous, skieurs, il va falloir repenser toute la préparation d’avant-saison”, confie Tessa Worley. Directeur des équipes de France masculines de ski alpin, David Chastan rassure : “Tout est bousculé, on n’est pas habitué, mais comme tout le monde, on va s’adapter”. La star des Bleus, Alexis Pinturault, partage cet optimisme: “On a de quoi faire en France et en Europe, tout est une question d’organisation”.

L'hémisphère sud s'éloigne

En temps normal, la saison de ski s’ouvre en Suède fin octobre, et s’étale jusque fin avril, début mai. “La Coupe du monde dure jusque fin mars, mais la saison s’étire en avril, notamment avec les championnats de France et quelques obligations pour nos partenaires”, explique Tessa Worley, qui devait aussi prendre part au championnats du monde militaires. “Parfois on profite de cette période pour faire des tests de matériels pour la saison suivante. On skie tant que les conditions le permettent”, précise la Française.

Depuis les années 1970, la préparation s’est structurée et les staffs techniques l’ont perfectionnée. En été, les stages dans les montagnes enneigées de l’hémisphère sud (Argentine, Chili, Nouvelle-Zélande) se sont multipliés

Arrive ensuite le mois de mai, où chaque skieur fait ce qui lui plaît : “C’est le moment où l’on va chercher le soleil, le vrai, parce que le reste de l’année on vit l’hiver”, sourit Tessa Worley. Mais pas cette année. Comme tout le monde, les skieurs français ont été confinés. Pour Alexis Pinturault, cela s’est passé chez lui, à Courchevel : “Ca m’a permis de profiter à fond de ma famille, ce que je n’ai pas le temps de faire pendant la saison. Mais maintenant, il faut se remettre à la préparation physique”. Et l’annulation de ces vacances de mai n’est pas le seul changement.

Depuis les années 1970, la préparation s’est structurée et les staffs techniques l’ont perfectionnée. En été, les stages dans les montagnes enneigées de l’hémisphère sud (Argentine, Chili, Nouvelle-Zélande) se sont multipliés”, raconte Luc Alphand. “On va chercher la neige là où elle est. Ces stages longs nous permettent alors de retrouver des conditions hivernales, d’aménager des séances différentes, et de skier sur des conditions plus proches de l’hiver” éclaire David Chastan. Mais face à la pandémie, ces stages organisés en août et/ou septembre paraissent impossibles : “J’ai déjà fait une croix dessus, avoue Alexis Pinturault. Peut-être faut-il dès maintenant passer à autre chose, ne pas perdre d’énergie, et se concentrer sur ce qu’on peut faire ici”.

Revoir ses priorités

Justement, c’est ce à quoi s’attèle la fédération française de ski. “On essaye de trouver des solutions pour reprendre le ski le plus vite possible, en France ou chez nos voisins, vu qu’on ne pourra pas aller dans l’hémisphère sud, apparemment”, glisse David Chastan. Dans l’Hexagone, les glaciers des Deux Alpes, Tignes, Val d’Isère et la Grave peuvent en effet accueillir les Bleus. “En tournant sur ces quatre lieux, on peut tenir deux mois, grand maximum, et avec une météo favorable”, précise le directeur des Bleus.

"Le staff nous a laissés tranquille pendant le confinement, pour qu’on se vide la tête. Mais il nous consulte en tant qu’athlètes, pour nous inclure dans le projet de préparation et de saison. De toute façon, on va s’adapter, on trouvera les solutions"

Si d’habitude la préparation se concentre dans un premier temps sur la préparation physique, cet été la priorité sera donné au ski : “On sait qu’on ne pourra pas skier autant que lors d’une préparation classique, donc dès qu’on pourra skier, on ira”, avance David Chastan. Dès que possible, les membre des équipes de France seront appelés au centre national à Albertville. “Le staff nous a laissés tranquille pendant le confinement, pour qu’on se vide la tête. Mais il nous consulte en tant qu’athlètes, pour nous inclure dans le projet de préparation et de saison. De toute façon, on va s’adapter, on trouvera les solutions”, positive Tessa Worley.

Difficile donc à l’heure actuelle de définir l’habituel calendrier de la préparation estivale. Et à cela s’ajoute la problématique des deux mois de confinement : “Les athlètes ont été coupés en plus  tôt cet hiver, et ont traversé une trêve plus importante que d’habitude. Il faut les réathlétiser rapidement”, s'inquiète David Chastan. C’est d’ailleurs la priorité de Tessa Worley et Alexis Pinturault. A Courchevel, le Français raconte : “L'objectif depuis lundi c’est de multiplier les longues sorties en vélo pour travailler l’endurance, après un mois d’entretien musculaire en intérieur”.

Un œil sur les voisins européens

Face à un été avec tant d’incertitudes, les skieurs français craignent-ils d’arriver mal préparés ? ”Avec les années je me connais un peu à travers ce planning là : je sais que j’arrive en septembre en Argentine et que je travaille des choses plus orientées vers la course. J’ai des points de passage, un état de forme que je sais mesurer selon la date et le programme”, avoue Tessa Worley. “D’un point de vue physique, ça ira. C’est plus ce qui concerne les entraînements et le développement de matériel qui m’inquiète”, confie Pinturault, tout en relativisant :”Aujourd’hui, il y a des signes encourageants pour qu’on puisse skier jusque mi-juillet sur les glaciers. Ensuite on fera une reprise physique, puis on peut aussi aller skier dans des dômes comme à Amnéville, à n’importe quel moment de l’année. On y trouve de bonnes conditions, même si on ne peut y faire que du slalom”. 

"De là à être jaloux ? Pas vraiment, peut-être parce que chez les hommes mes rivaux ne sont pas Suédois. Si j’avais vu les Autrichiens, Suisses et Norvégiens s’entraîner à longueur de journées, j’aurai pu mal le vivre, oui"

Obligé de réinventer sa préparation estivale, le ski français doit en plus de cela le faire pendant que certains de ses voisins glissent déjà à flanc de montagne. “En Suède, ils n’ont pas eu de confinement, les Autrichiens ont repris le 1er mai”, explique Alexis Pinturault, qui poursuit : “De là à être jaloux ? Pas vraiment, peut-être parce que chez les hommes mes rivaux ne sont pas Suédois. Si j’avais vu les Autrichiens, Suisses et Norvégiens s’entraîner à longueur de journées, j’aurai pu mal le vivre, oui”, reconnait le Français. “Ce n’est pas plaisant de voir les autres s’entraîner alors qu’on ne peut pas. Si on commence avec un mois d’écart, ce n’est pas dramatique, mais si on n’arrive pas à accéder à nos glaciers, ce sera problématique”, prévient David Chastan.

La saison prochaine touchée ?

De là à supposer un report du début de saison pour rétablir l’équité ? Peut-être. Mais c’est surtout l’évolution de la pandémie qui menace le coup d’envoi de la coupe du monde à Sölden : “Il faut aussi envisager le fait qu’en octobre tout ne sera pas encore réglé”, reconnaît Tessa Worley. “On a aucune information de la FIS, ils doivent se pencher sur la question, qui aurait un énorme impact économique”, analyse David Chastan. Pour Alexis Pinturault, au delà d’un coup d’envoi décalé, c’est une saison totalement modifiée qui pourrait s’annoncer : “On peut s’attendre aussi à certaines annulations, notamment des étapes nord-américaines et asiatiques, qui nécessitent de prendre l’avion. C’est probable de voir un calendrier resserré, concentré sur les épreuves en Europe centrale”.

"On peut s’attendre aussi à certaines annulations, notamment des étapes nord-américaines et asiatiques, qui nécessitent de prendre l’avion. C’est probable de voir un calendrier resserré, concentré sur les épreuves en Europe centrale”

Une préparation bousculée, un calendrier peut-être raccourci… Cela n’empêche pas Tessa Worley de positiver : “Il faut être dans un bon état d’esprit pour tirer le bénéfice de cette situation. Peut-être qu’on va faire une préparation estivale bien différente, mais cela peut se révéler bénéfique de travailler autrement, de skier un peu plus sur nos stations cet été. On pourrait arriver avec un peu plus de fraîcheur sur octobre, et sans décalages horaires. Les stages dans l’hémisphère sud ont aussi des inconvénients. Partir un mois à l’étranger, c’est assez fatigant”. Or, la saison de ski qui s’annonce nécessitera beaucoup d’énergies : “Entre les mondiaux 2021, les JO 2022 et les mondiaux 2023, on s’engage sur trois années chargées”, précise Worley. Alors autant souffler un peu avant.

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