Ski alpin : la nouvelle obligation du port du gilet airbag divise les skieurs qui ne le porteront pas tous
Un trou d'air. Alors que les premières épreuves de vitesse de la Coupe du monde de ski débutent, vendredi 6 décembre, à Beaver Creek (États-Unis) avec la descente messieurs (vendredi) et le super-G (samedi), une nouvelle réglementation entre en piste. Le port du gilet airbag est désormais obligatoire pour les compétitions masculines et féminines. Une décision qui divise, à tel point que la FIS a dû accorder plusieurs dizaines d’exemptions aux skieurs qui ne veulent pas le porter.
"Il faut savoir évoluer dans le sport niveau sécurité, assure pourtant Adrien Théaux, doyen de l'équipe de France de descente du haut de ses 39 ans. Tous les sports évoluent. Le halo en Formule 1, ils étaient tous contre et ça a sauvé beaucoup de pilotes."
Utilisé depuis près de 10 ans, d'abord dans le skicross, puis dans le ski alpin, le gilet airbag est apparu comme une nouvelle protection pour les skieurs. Avant même l'obligation pour la saison 2024-2025, nombre d'entre eux l’utilisaient sur le circuit mondial, en compétition comme à l’entraînement. "En ski alpin, on est autour des 70%, mais beaucoup plus à l’entraînement", précise Michel Vion, ancien président de la Fédération française de ski (FFS) et désormais secrétaire général de la Fédération internationale de ski (FIS). Pourtant, certains restent toujours sceptiques quant à son efficacité.
La FIS a accordé 38 demandes d'exemptions
Malgré l’obligation instaurée cette saison, la FIS a accordé 38 exemptions de concourir avec l’airbag pour cette année. "Dans un souci d’équité pour tous les athlètes, la FIS acceptera des demandes officielles supplémentaires d’exception de la part des fédérations nationales à tout moment au cours de la saison 2024/2025, à condition que l’athlète remplisse les critères spécifiés [contrainte médicale, technique ou physiologique]", nous précise la FIS.
L'instance mondiale du ski a homologué deux marques pour le gilet airbag cette saison. Le produit fonctionne à l'aide d'algorithmes prédictifs embarqués, qui détectent la chute et déclenchent le gonflage de l’airbag en moins d’un dixième de seconde avant l’impact au sol. Associé au casque, il permet de protéger les zones sensibles en cas de chutes comme le dos, le thorax, la colonne vertébrale et les hanches, et peut éviter de graves blessures au tronc supérieur.
Leur utilisation peut cependant être inconfortable et gêner les skieurs. Roland Assinger, entraîneur en chef des skieurs autrichiens, évoque le fait que les gilets peuvent être dérangeants pour certains skieurs de petites tailles, ou au contraire pour ceux de grandes tailles. "L’airbag a été conçu pour les pilotes de moto, qui mesurent en moyenne 1,70 m pour 60 kilos. Ce n’est pas comparable à la morphologie d’un Vincent Kriechmayr ou d’une Lara Gut-Behrami", souligne-t-il dans le quotidien suisse Blick.
Michel Vion a eu vent de ce problème et parle d'un grand nombre d'évolutions pour un confort optimisé. Pour lui, après des années de perfectionnement, le "produit est abouti" et "a fait ses preuves".
Un coût élevé et un manque d'aérodynamisme ?
Gianluca Rulfi, chef de l'équipe féminine italienne, déclarait, toujours dans Blick, être très dubitatif sur cet équipement : "Je pense que l'airbag est une exagération entre les coûts et les avantages. Tant qu'il n'est pas amélioré, la protection dorsale normale me suffit." Actuellement le coût d'un gilet d'airbag peut aller de 650 à 1 000 euros.
Les réfractaires avancent aussi un manque d’aérodynamisme et du temps perdu à l’arrivée de la descente. Un argument que dément Michel Vion : "Les airbags ne nuisent pas à la performance. C'est aussi une question de savoir s'adapter, de travailler avec Marc Odermatt ou Cyprien Sarrazin le mettent depuis plusieurs années, se sont adaptés avec ça et savent comment trouver leur position. Ce n’est pas une carapace, c’est une armure, juste une surépaisseur."
A 39 ans, Adrien Théaux estime que "ça ne change rien. Des tests ont été faits en équipe de France, il n’y a pas de changement", réagit-il sur ce point. Lui, il le porte depuis de nombreuses années et en est satisfait. Sur le circuit mondial depuis 20 ans, le skieur de Val Thorens regrette que certains de ses homologues refusent de porter l’airbag. "On n’a pas le même rapport à la chute. Il y en a qui n’ont pas connu la mort. Nous, on l’a connue [avec le décès de David Poisson en 2017]. Du coup, on n’a pas tous le même visuel sur la sécurité. En France, on est peut-être plus concernés par ça." Les skieurs français n'ont pas demandé d'exemptions et porteront le gilet d'airbag, précise la fédération.
Un enjeu de sécurité personnelle
Dans ce sport dangereux, où les vitesses peuvent parfois atteindre plus de 160 km/h, les mesures de sécurité ne sont pas négligeables. "Peu de choses ont changé après le décès de David Poisson pour la sécurité des skieurs, relève le skieur de Val-Thorens, qui a fait ses débuts en Coupe du monde en 2006. Que ce soit à l’entraînement ou en compétition. Les filets sont les mêmes par exemple. On a besoin d’avoir plus de protection. Ce qu’a essayé de faire la FIS avec l’airbag va dans le bon sens et ils reviennent en arrière avec les exemptions..."
Des skieurs avec le gilet, d'autres sans, c'est le début des problèmes, selon Xavier Fournier-Bidoz, responsable de l'équipe de France masculine de vitesse. "C’est toujours pareil. À partir du moment où c’est obligatoire, et qu’il y a des exemptions… Il faut qu’ils appliquent leurs règles comme ils doivent le faire. À chaque fois, ils laissent des portes ouvertes à certains et ce n’est pas correct. Ça va poser des problèmes."
Avec une obligation qui n'en est réellement plus une, la question de l'équité se pose. La FIS travaille en parallèle sur l’utilisation des sous-vêtements techniques "anti-coupures", fortement recommandés, qui devraient être obligatoires à partir de la saison 2025-2026.
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