Parasport : "À mes pieds, une cagette de pommes... Voici la récompense des paraskieurs qui réalisent des podiums", dénonce Benjamin Daviet
Terminer sur le podium d'une étape de Coupe du monde et repartir avec une cagette de pommes en guise de récompense. Voici la dotation reçue par le parabiathlète et parafondeur Benjamin Daviet, lors de la première étape de la Coupe du monde de paraski nordique et de parabiathlon, qui s'est déroulée entre fin janvier et début février. Excédé par ce manque de considération récurrent, le quintuple champion paralympique a lâché un coup de gueule sur X (anciennement Twitter), dimanche 10 février.
"À 200 jours des Jeux paralympiques de Paris 2024 et, selon toute vraisemblance, à six ans des Jeux d’hiver en France, je vous partage une photo de mon podium à Martell il y a une semaine. À mes pieds, une cagette de pommes. Ça, c’est ni plus ni moins que la récompense des skieurs para qui réalisent des podiums", a-t-il écrit sur son compte, publiant la photo de son podium datée du 4 février dernier.
"Hormis le fait que nos compétitions se déroulent dans l’anonymat le plus complet, sans le moindre dispositif de broadcasting, sans le moindre média, la valeur de nos résultats sportifs, de notre investissement acharné, tient dans cette caisse… Comme c’est juste effarant d’en être encore là, je préfère en rire… Et par chance, il se trouve que je fais de très bonnes tartes aux pommes !", a-t-il encore tenté de dédramatiser.
"Nous ne sommes jamais valorisés"
Lors de cette étape de Coupe du monde de paraski de fond de Martell-Val Martello, Benjamin Daviet a terminé deuxième du KO sprint classique et du sprint poursuite (ski de fond) puis en parabiathlon middle (10 km). Trois podiums en huit courses, et donc autant de cagettes de pommes gagnées. "Nous ne sommes jamais valorisés par rapport à nos résultats. Voici 13 ans que je suis en équipe de France. J'ai 71 podiums en Coupe du monde, dont 36 victoires, et 23 médailles aux Mondiaux, dont neuf de champion du monde, et les seules primes à la médaille qu'on a eues remontent à 2022, lors des championnats du monde en Norvège sur l'initiative de la Fédération norvégienne [environ 750 euros pour le vainqueur]. C'est tout. On pensait que cela enclencherait le pas, mais ce ne fut pas le cas", regrette-t-il, amer.
Hormis "les cagettes de pommes, les pots de confiture, les chocolats et les fleurs" que les athlètes peuvent recevoir, "des récompenses dignes des championnats de France" ironise-t-il, les athlètes ne perçoivent aucune prime sur le circuit Coupe du monde, ainsi que lors des championnats du monde. Seuls les médaillés paralympiques reçoivent une prime de l'État français, égale aux médaillés olympiques. Pour le reste, les athlètes dépendent ainsi des aides de l'État via l'Agence nationale du sport (ANS), des conventions d'insertion professionnelle (qui permettent aux sportifs d'être salariés d'une administration, d'une collectivité ou d'une entreprise et de bénéficier d'un aménagement de leur temps de travail) et des contrats avec des partenaires.
Mais chaque cas est particulier, en fonction des disciplines, de la médiatisation de celle-ci et aussi du palmarès de l'athlète. "On ne demande pas l'équité entre les athlètes valides et para, car on sait qu'en termes d'audience, de public, on ne génère pas autant que les valides."
"On ne demande pas de toucher des mille et des cents mais simplement d'avoir un minimum de reconnaissance par rapport à nos performances."
Benjamin Daviet, quintuple champion paralympique de ski de fond et de biathlonà Franceinfo: sport
"On fait le même sport qu'un athlète valide, avec les mêmes résultats. On court pour notre pays", poursuit Benjamin Daviet, qui salue toutefois le soutien financier de la France à ses athlètes handisports.
Profiter des Jeux de 2024 et 2030 pour initier le changement
Au-delà des primes, le parabiathlète regrette un deux poids deux mesures. Si auparavant le Comité international paralympique (IPC) gérait les étapes de Coupe du monde, il a décidé de laisser la main aux fédérations, comme la Fédération internationale de ski (FIS) et l'Union internationale de biathlon (IBU). Le changement du calendrier international (condensé en cinq semaines), l'annulation d'étapes de Coupe du monde sans report et les moyens inférieurs à ceux des valides sont autant de sujets d'inégalité.
"Être rattachés aux fédérations internationales aurait dû être une opportunité pour nous en termes de médiatisation, mais la FIS et l'IBU ne s'en servent pas comme telle. On sort d'une étape de Coupe du monde et nous n'avons pas de vidéos à donner aux médias, les résultats sont compliqués à trouver. Ce n'est pas lisible", déplore l'athlète.
"Si personne ne fait rien, il ne se passera rien, pointe-t-il du doigt. Il faut initier le changement. Avec les Jeux d'été à Paris, puis ceux d'hiver en 2030, on a un moyen de faire remonter les choses. On nous dit qu'il n'y a pas de relève, pas assez de jeunes, mais à quel moment a-t-on envie de faire du haut niveau quand les athlètes ont une reconnaissance et des récompenses aussi faibles ?", interroge l'actuel dauphin du classement général en biathlon. Si pour l'heure, sa prise de parole n'a pas trouvé l'écho escompté, elle a toutefois touché la ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, Amélie Oudéa-Castéra, qui s'est engagée à discuter avec lui pour faire "avancer les choses".
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