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"Ce n'est plus trop logique de faire 15 000 kilomètres en avion pour aller courir et revenir" : l'ultra-trailer Xavier Thévenard veut faire "bouger les choses"

Triple vainqueur de l'ultra-trail du Mont-Blanc, Xavier Thévenard a décidé qu'il ne disputerait plus de courses à l'étranger qui nécessitent de prendre l'avion.

Article rédigé par Jérôme Val
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
L'ultra-trailer Xavier Thévenard à l'entraînement à Chamonix, le 13 juin 2020. (AMÉLIE VERGUET)

Comme dans beaucoup de disciplines, le trail vit au rythme des annulations de courses. L’exemple emblématique, c’est celui de l’UTMB, l’ultra-trail du Mont-Blanc qui n’aura pas lieu à la fin du mois d’août à Chamonix. Mais cette période compliquée a aussi permis à certains de réfléchir à l’avenir de ce genre de compétitions. C’est le cas du Jurassien Xavier Thévenard, triple vainqueur de l’UTMB, qui veut maintenant mettre en pratique son engagement écologique : il ne veut plus prendre l’avion pour aller courir à l’autre bout de la planète. Il est actuellement à Chamonix où il boucle sa première grosse séance d’entraînement de l’année.

franceinfo : Toutes les courses ont été annulées cette saison, notamment les plus importantes. Comment vivez-vous cette situation ?

Xavier Thévenard : C’est une situation particulière car on est habitué à mettre 2-3 dossards dans l’année. Après, on relativise, il y a des choses plus graves. L’ultra-trail, c’est un sport de passionnés. Quoiqu’il en soit, avant de penser à la performance et à la compétition, on ne fait pas ça par hasard. Il faut que ça vienne des tripes.

Ce qui nous fait vibrer, c’est l’environnement, la montagne, la nature et l’activité physique. La compétition ne vient là que pour ajouter du piment. 

Xavier Thévenard

à franceinfo

Il n’y a pas de courses aujourd’hui mais on peut trouver d’autres idées, d’autres projets à réaliser et s’amuser autrement.

Cette année, vous vouliez passer professionnel, ne faire que du trail. On peut dire que vous jouez de malchance ?

J’ai décidé cette année de me consacrer uniquement à ma pratique du trail et manque de bol, il n’y a pas de compétitions. Ça sera pour l’année prochaine. Tout ce qui est pris n’est plus à prendre. Je vais continuer à m’entraîner, à aller dehors. Ce ne sont pas des séances pour rien. Ce sont des expériences qui font grandir. Je prends soin de moi, je vois mes proches, c’est ça qui est le plus important.

Pendant le confinement, que vous avez passé chez vous dans le Doubs, vous avez poussé très loin vos réflexions sur l’écologie.  

Ces questions existentielles, je me les pose assez souvent. Le confinement pose un peu plus les choses et j’ai lu plus que d’habitude. Mes convictions écologiques ne sont pas arrivées du jour au lendemain. J’ai envie que le monde aille plutôt dans le bon sens. On est tous plein de paradoxes et je ne veux pas être un donneur de leçons car je suis moi-même loin d’être irréprochable. Mais ce n’est pas concevable de se dire que je vais faire 15 000 kilomètres en avion pour aller courir à l’autre bout de la planète, faire un trail de 170 kilomètres et revenir. À l’heure actuelle, ce n’est plus trop logique. Du coup, je n’irai plus aux États-Unis puisque je dis que je ne prendrai plus de long-courriers. Je me permets de dire ça aussi parce que je suis en phase avec mes partenaires. Après, on est tous différents. Je vois mal un coureur sélectionné aux Jeux olympiques dire à son partenaire financier : je ne vais pas aux JO parce qu’il faut prendre l’avion et ce n’est pas dans mes convictions. Je comprends que ce soit un peu délicat.

En prenant cette décision, vous faites une croix sur des courses prestigieuses loin à l’étranger ?

Les courses phare en Europe, c’est Chamonix, c’est l’UTMB. Et en plus, on a plein de belles courses dans les Alpes ou à proximité que je n’ai encore jamais faites. Donc d’abord, faire celles-ci. Je n’ai pas besoin d’aller à l’autre bout du monde pour courir. Je m’éclate très bien ici. Mes besoins ne sont pas superficiels : j’ai besoin d’une paire de baskets, de me nourrir, j’ai besoin d’être dans la nature. Et si j’ai tout ça, c’est royal.

Est-ce que vous pensez que c’est le bon moment aujourd’hui pour le monde du sport de réfléchir à ce genre de problématiques ?

C’est aussi aux sportifs et aux athlètes de donner leur point de vue et d’afficher leurs convictions. Il faut se regrouper, ce qu’on essaye de faire dans le trail pour justement arriver à limiter nos déplacements. Il faut faire en sorte qu’il n’y ait qu’une seule course au même moment et qu’on ne soit pas éparpillés sur l’ensemble du globe. À la base, le problème est systémique. Ça ne devrait pas être aux athlètes de prendre les choses en main et de dire : comment fait-on bouger les choses, comment fait-on pour limiter nos déplacements et pour réduire notre impact carbone ? Ça devrait être à nos dirigeants de trouver des solutions.  

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