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Embouteillages dans l'Everest : "Il y a des gens pas très scrupuleux qui font du business maximum"

Marc Batard, alpiniste qui a effectué la première ascension de l'Everest en solitaire et sans oxygène en moins de 24 heures, a réagi sur franceinfo alors que huit alpinistes sont morts cette saison sur l'Everest.

Article rédigé par franceinfo
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Des alpinistes effectuant l'ascension du mont Everest, le 29 avril 2018. (PHUNJO LAMA / AFP)

Quatre alpinistes sont morts sur l'Everest, ont annoncé vendredi 24 mai des organisateurs d'expéditions, portant à huit le nombre de morts cette saison sur le toit du monde dont la fréquentation croissante crée de dangereux embouteillages en "zone de la mort".

"Il y a des gens pas très scrupuleux qui font du business maximum là-dessus", a réagi sur franceinfo Marc Batard, alpiniste qui a effectué la première ascension de l'Everest en solitaire et sans oxygène en moins de 24 heures, en septembre 1988. "Un certain nombre de montagnes sont très attirantes" reconnaît Marc Batard. Mais il dénonce "des agences qui prennent n'importe qui en leur faisant croire qu'ils vont arriver au sommet de l'Everest". L'ancien alpiniste salue également Elisabeth Revol, qui est arrivée vendredi au sommet de l'Everest sans oxygène. "Je suis admiratif", dit Marc Batard qui partira en 2022 à la conquête de l'Everest, à l'âge de 70 ans.

franceinfo : L'alpiniste Elisabeth Revol est parvenue vendredi au sommet de l'Everest sans oxygène. Quel est votre sentiment ?

Je suis admiratif. Enfin une alpiniste française réussit l'Everest sans oxygène. On a beaucoup trop parlé des alpinistes qui font l'Everest avec oxygène, ce qui est complétement différent. Pour donner une image au grand public, si on mettait au Tour de France des cyclistes et des mobylettes, le premier qui arrive a gagné. Ceux qui utilisent des bouteilles d'oxygène, suivant le débit d'oxygène qu'ils mettent dans leur bouteille, cela correspond à faire un sommet de 6 000 ou 7 000 mètres. A ces altitudes, il y a une souffrance physique qui se rapproche de ce qui peut se passer dans le corps d'un athlète qui fait le 100 mètres, sauf que sur l'Everest, cela dure des heures et des heures. Le souffle, on ne le perd pas. Cela se passe plus dans les muscles, dans le corps en général, et avec le mental aussi bien sûr.

On voit en haut de l'Everest des embouteillages, des alpinistes qui se touchent. Quatre alpinistes sont morts ces derniers jours, huit sont morts depuis le début de la saison. C'est une usine à grimpeurs ?

Oui c'est un peu désolant. C'est un peu comme le Mont-Blanc. Il y a un certain nombre de montagnes qui sont très attirantes pour un certain nombre de gens qui veulent afficher à leur palmarès un sommet prestigieux, comme le Mont-Blanc, l'Aconcagua ou le Kilimandjaro et l'Everest. Il y a des gens pas très scrupuleux qui font du business maximum là-dessus. Il y a un petit peu d'abus dans l'excès de business sur l'Everest. Il y a des agences très sérieuses qui font des très belles choses, mais il y a des agences qui prennent n'importe qui en leur faisant croire qu'ils vont arriver au sommet de l'Everest.

Le gouvernement népalais est en cause ?

Oui. Le ministère du Tourisme est en partie en cause. Il y a malheureusement beaucoup de gens qui sont soudoyés par des agences qui ramassent beaucoup d'argent. Je ne généralise pas, mais malheureusement, il y a deux ou trois grosses agences sur Katmandou qui dirigent les manettes, même au niveau du ministère du Tourisme. Ce n'est pas forcément les gens fortunés les responsables. Ils ont en face d'eux des agences qui prennent leur fric en leur faisant croire qu'ils vont y arriver. Il y en a qui n'ont aucune chance, il y en a qui y arrivent quand même et qui malheureusement meurent d'épuisement.

En 2022, vous aurez 70 ans et vous voulez reconquérir l'Everest sans assistance respiratoire ?

C'est une belle histoire, en partie grâce à mon ami brésilien qui est très sportif et Emmanuel Petit, le parrain de ce projet avec Nicolas Hulot. J'ai pris depuis deux ans l'envie de refaire l'Everest à 70 ans mais sans oxygène. Je me fais accompagner par un ami sherpa qui a fait 13 fois l'Everest et Muhammad Ali Sadpara qui a fait le Makalu ce matin et le Lhotse avant-hier. Donc j'ai une cordée très solide pour me permettre de refaire l'Everest dans les meilleures conditions. Nous allons partir au mois d'août. Je ne cours pas après les records. Mais je serai le plus âgé. Le plus âgé qui a fait l'Everest sans oxygène c'est un Italien de Courmayeur qui l'a fait à 55 ans.

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