Squash - Mélissa Alvès : "Tout le monde tenait la raquette avec la fille qui était sur le terrain"
Vous jouez le match décisif de la finale contre l’Angleterre ce dimanche. Vous êtes 46e mondiale, votre adversaire 13e. Dans quel état d'esprit étiez vous au moment d'aborder votre match ?
Mélissa Alvès : "Je savais que j’avais la capacité, et la confiance de mon équipe. J'avais battu la 12e mondiale aux championnats du monde. Pour moi ce n'était pas un rêve. Je me disais : si j'y arrive, c'est que j'aurai joué mon meilleur match. Par contre mon niveau jeu, c'était un peu un rêve. Vous savez, un de ces jours où vous avez l’impression que ne rien ne peut vous arriver, que vous êtes sur un nuage. A aucun moment je n’ai eu peur de perdre. Je sentais que je ne pouvais pas perdre. "
Les Anglaises avaient gagné 40 des 41 dernières éditions des Championnats d'Europe. Comment fait-on quand on est face à une équipe aussi dominatrice, quelle approche mentale ?
MA : "Chaque année on y a cru, même quand on se faisait battre à plate couture. On se disait que ce n'était pas grave. Qu'on allait recommencer l'année suivante. Cette année, l'accent a été mis sur un gros esprit d’équipe. On s’encourageait énormément, on a décidé d’y aller en bloc. La fille qui est sur le terrain c’est un peu tout le monde qui tient la raquette. Les Anglaises c’est moins dans leur tempérament, elles sont techniquement supérieures, et mieux classées que nous. S’il y avait des cartes à jouer c'était à ce niveau-là. C'est comme quand les équipes jouent à domicile en foot par exemple, c'est le public qui fait la différence. Là, c'est l'équipe qui a essayé d'influer sur le résultat."
Quatre jours après, comment vous sentez-vous en tant que Championne d'Europe ?
MA : "C'est une immense fierté. Ce n'est pas tant d'être championne d'Europe que de l'être en battant les Anglaises. C’est un pays que, de toute ma carrière, je n'avais jamais réussi à battre. Là on a repris l'entraînement quotidien mais on y est encore... Au début, on est juste content d’avoir gagné un championnat. C’est après qu’on se rend compte, quand on voit les mots des présidents, des coachs, de la famille etc. C’est le lendemain surtout qu’on se rend compte."
"Au-delà du Top 50, on ne vit pas du squash"
Vous avez 25 ans. Vous êtes professionnelle depuis cette année. Combien gagne une joueuse de squash ?
MA : "Le gagnant d’un tournoi gagne entre 1000 et 50 000 euros, des plus petits aux plus gros tournois. Après c’est réparti. Aux championnats du monde j’ai passé deux tours, j’ai pris un plus gros cachet que ce que je gagne d’habitude. Là en moyenne j’en suis à 2 500 euros par mois. Les top players c’est beaucoup plus. Il y a une ligue professionnelle de squash qui travaille pour nous. Pour un sport non-olympique on n’est pas à plaindre. Au-delà du Top 50 on ne vit pas du squash. On perd de l’argent. Les voyages coûtent plus cher que ce qu’on gagne. C’est très compliqué. Après, c’est à moi de gérer ma carrière, d’avoir de bons résultats régulièrement. On cherche surtout à pouvoir vivre de notre sport."
Vous avez quitté la France à l'âge de 16 ans pour les Etats-Unis. Le squash, c’est mieux aux Etats-Unis ?
MA : "Non, c’était juste plus facile de faire de ses études en même temps. Chaque université a dix cours de squash. Je pouvais m’entraîner bien et faire mes études, pour penser à l’après-carrière. J’ai fait un master Economie et marketing. Le sport études est plus limité en France. Aux Etats-Unis je pouvais tout faire en parallèle de ma carrière de sportive. Et j’ai eu la chance de jouer pour la ligue universitaire américaine, ça m’a appris plein de choses. "
Le squash ne fera pas partie des nouveaux sports aux JO 2024, au contraire du breakdance, de l'escalade, du surf et du skateboard. Qu’est-ce que ça vous a fait ?
MA : "On y a beaucoup cru. Et puis au final on se fait passer devant par d’autres sports. C’est un peu dur mais comme je vous l’ai dit pour un sport non olympique on se débrouille bien. Le squash est trop peu médiatisé. C’est un sport magnifique, c’est un sport physique, on a de grands champions français, c’est toutes les valeurs du sport que j’aime. Avec les vidéos maintenant, on voit très bien les actions. C'est un sport mieux médiatisé dans d’autres pays, par exemple en Egypte. Mais en France, pas du tout."
Vous êtes jeune. Est-ce un objectif pour vous pour, que le squash devienne olympique en 2028 ?
Oui forcément, mais je vous avoue qu’on désespère un peu là. Ça fait depuis 2008 qu’on essaye vraiment de rentrer donc ça fait plusieurs fois qu’on se fait recaler. On se fait passer devant par des sports qu’on n’avait pas envisagés. On a l’impression qu’on se bat un peu pour rien. Ça repousse de quatre ans à chaque fois. Mais pour les générations futures bien sûr j’espère que le squash sera sport olympique.
Quand vous dites que vous êtes squasheuse professionnelle à vos proches ou à des gens que vous rencontrez pour la première fois, quelle est leur réaction et qu’est-c que vous leur répondez ?
Déjà généralement on nous dit « c’est quoi le squash ? » Souvent ils savent ce que c’est mais pas très bien. Ils ne comprennent pas comment je gagne ma vie. Alors je leur dis : c’est comme le tennis, le système est le même. De la même manière qu’on fait Roland Garros, on fait le British Open pour nous. Le système de prize money est le même. Et de même, quand on est jeune comme moi, on est à la recherche de sponsors, en permanence. Après plus on a de résultats, plus on trouve de sponsors, et plus on gagne de prize money. C'est un cercle vertueux, ou vicieux. Là depuis les championnats du Monde, c'est plutôt le cercle vertueux pour moi.
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