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Super Ligue : de l'annonce du projet aux premiers retraits, retour sur trois jours qui ont fait trembler le football mondial

La planète football est passée par toutes les émotions en l'espace de quelques jours.
Article rédigé par Jean-Baptiste Lautier
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
  (DAVID CLIFF / ANADOLU AGENCY)

De l'annonce du lancement de la Super Ligue dimanche aux premières volte-face des clubs fondateurs mercredi 21 avril, retour sur trois jours de tempête dans le football européen.

• Le tsunami du lancement de la Super Ligue

La terre a tremblé dans la nuit du dimanche 18 avril au lundi 19. Alors que l’UEFA devait valider quelques heures plus tard son nouveau format de la Ligue des champions, le lancement d’une Super Ligue européenne est officialisé. Un site officiel est même créé et l'information est relayée à l’unisson par l’ensemble de douze clubs fondateurs que sont : Manchester United, Liverpool, Arsenal, Chelsea, Manchester City, Tottenham, FC Barcelone, Real Madrid, l'Atletico Madrid, la Juventus, l'AC Milan et l'Inter Milan. A 17h19, pressentant l'officialisation imminente du projet de Super Ligue, l'UEFA dégaine un communiqué préventif menaçant d'exclure de toute compétition nationale et internationale les clubs qui participeraient à une ligue privée, ainsi que leurs joueurs.

Les douze sécessionnistes aspirent à des revenus bien supérieurs à ceux de l’actuelle Ligue des champions et réguliers en supprimant l'aléa sportif d'une non qualification au terme d'une saison ratée dans son championnat domestique. Une situation qu'Arsenal, Tottenham, MU ou le Milan AC ont notamment connu ces dernières années.

Au lendemain du lancement, JP Morgan, plus importante banque américaine, annonce qu’elle finance le projet. Pas moins de 3,5 milliards d'euros sont d'ores et déjà promis aux clubs fondateurs, les marchés financiers se frottent les mains. L'action de la Juventus Turin clôt en forte hausse lundi en fin d'après-midi (+17%) tandis que celle de Manchester United progresse nettement à New York.

Cette Super Ligue européenne entre les plus prestigieux clubs européens, véritable serpent de mer, était réclamée depuis plusieurs années notamment par Florentino Pérez, président du Real Madrid, qui est l’un des instigateurs de cette compétition. Autre meneur, Andrea Agnelli, patron de la Juventus Turin, avait tout d’abord pris le soin de quitter l’association européenne des clubs (ECA) pour devenir vice-président de ce nouveau projet.

• Une vague de contestations

Dès l’annonce du lancement de cette Super Ligue, les réactions hostiles se font jour à tous les échelons. Gouvernements, instances du football, fédérations, ligues, clubs, joueurs et fans sont au diapason contre cette attaque du football universel et populaire fondée sur la méritocratie. Le président de la République en personne, Emmanuel Macron, félicite les clubs français de ne pas avoir adhéré au projet, déclarant dimanche soir qu’il appuierait les instances “pour protéger l’intégrité des compétitions fédérales qu’elles soient nationales ou européennes.”

D’autres chefs d’états et de gouvernements dont le premier ministre britannique, Boris Johnson, montent également au front. Par le biais d’un de ses commissaires, l’Union Européenne déclare : “Nous devons défendre un modèle européen de sport fondé sur des valeurs, sur la diversité et l'inclusion." La FFF et la LFP dénoncent elles les “rêves hégémoniques d’une oligarchie.” Javier Tebas, le président de la Liga, désigne de son côté des "gourous de la Super Ligue Power Point, qui sortent de l’obscurité du bar à 5h du matin, enivrés d’égoïsme et de manque de solidarité."

La vague de réactions vient également de certains clubs qui auraient pourtant pu prétendre à intégrer cette Super Ligue. Jean-Michel Aulas, patron de l’OL, avait indiqué qu’elle mettait “en avant les vertus de l'argent contre l'esprit de fair-play, alors que nous devons être plus solidaires." D’une même voix le Bayern Munich et le Borussia Dortmund, les principaux rivaux d’Outre-Rhin, rejettent ce projet en apportant leur soutien à l’UEFA : “Les clubs veulent mettre en œuvre la réforme prévue de la Ligue des champions.”

• L'UEFA contre-attaque

Attaquée en son sein à travers sa plus prestigieuse compétition de clubs, l’UEFA s'oppose à la Super Ligue en dénonçant un projet “cynique (...) fondé sur l’intérêt particulier de quelques clubs.” Au lendemain de l’annonce qui a fait l’effet d’une bombe, l’instance européenne du football ne tremble pas en validant le nouveau format de la C1, comme prévu, lundi 19 avril. 

L’UEFA hausse même le ton en menaçant directement l’ensemble des clubs mais également des joueurs participant à la Super Ligue. “Les clubs concernés se verront interdire la participation dans toute autre compétition au niveau national, européen ou mondial, et leurs joueurs pourraient se voir refuser la possibilité de représenter leurs équipes nationales" avait-t-elle indiqué.  Un de ses membres exécutifs estime que Chelsea, Manchester City et le Real Madrid, demi-finalistes de la Ligue des champions, devaient “être exclus” de la compétition. 

•  La colère gronde chez les fans

Dès dimanche soir, de nombreux supporters partagent leur mécontentement sur les réseaux sociaux, qui s’est ensuite traduit dans les rues. Les grilles d'Anfield à Liverpool sont drapées de banderoles hostiles. Mardi 20 avril, Des manifestations ont lieu devant Stamford Bridge en marge du match de Premier League entre Brighton et Chelsea. L’emblématique gardien des Blues, Petr Cech, fait face à des manifestants particulièrement virulents en répondant, “nous savons, laissez-nous le temps”, qui laisse entendre que le club londonien pourrait quitter ce projet.

La présence des clubs de Premier League prend un peu plus de plomb dans l’aile quand Jordan Henderson, capitaine de Liverpool, demande que l’ensemble des capitaines de la ligue anglaise se réunissent en urgence au sujet de cette nouvelle compétition. Les Reds sont témoins du ressentiment généré par ce projet pendant leur échauffement face à Leeds. Les joueurs de Marcelo Bielsa arborent des tee-shirts avec inscrit "Méritez-la !" (votre place en Ligue des champions, ndlr) sur le devant et au dos "Le football est pour les supporters".

• Les clubs anglais se retirent les premiers

Alors que l’étau se resserre autour des différents acteurs, le tribunal de commerce de Madrid, où est établi le siège de la Super Ligue, rend une décision favorable aux clubs de cette nouvelle compétition, en interdisant l’UEFA et La FIFA d’imposer des sanctions aux joueurs impliqués dans l'attente d'une décision sur le fond du dossier. Cette première victoire dans les prétoires semble augurer d'un long bras de fer judiciaire entre deux camps apparemment irréconciliables.

Mais cet avis favorable ne suffit pas à cimenter le projet. Mardi 20 avril au soir, nombreuses rumeurs font état de possibles retraits de la part de plusieurs clubs anglais mais c’est finalement Manchester City qui est le premier à quitter le navire. “Manchester City Football Club peut confirmer qu'il a formellement lancé la procédure pour se retirer du groupe chargé de développer le projet de Super Ligue européenne.” 

Les cinq autres clubs de Premier League suivent. Tottenham, Manchester United, Chelsea, Arsenal et Liverpool quittent le navire quelques heures après avoir embarqué. La Super Ligue n'a pas encore coulé mais un retour au port s'impose déjà.

  • Effet domino sur les autres membres

Il n'aura pas fallu longtemps pour que les canots de sauvetage soient mis à l'eau. Mercredi 21 avril à midi, l'Atlético de Madrid et l'Inter Milan ont même sorti les rames pour s'éloigner des rives de la Super Ligue. Dans un communiqué respectif, les deux clubs ont annoncé la fin de leur participation à la Super Ligue. "Le FC  Internazionale Milano confirme que le club ne fait plus partie du projet Super Ligue", a expliqué le club dans un communiqué en rappelant toutefois que "l'Inter estime que le football, comme tout secteur d'activité, doit avoir intérêt à améliorer constamment ses compétitions, pour continuer à exciter les fans de tous âges à travers le monde, dans un cadre de durabilité financière".

Plus tôt dans la matinée, Andrea Agnelli, l'homme de la Juventus, avait déjà reconnu que sans les clubs anglais, le projet avait du plomb dans l'aile. "Cela ne pourra évidemment pas être possible", avait-il lâché à contrecœur. Une enterrement en grande pompe se prépare.

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