Suspension: le mot qui fait peur à la Russie
"Ce que j'ai vécu en 1984, ainsi que bon nombre d'autres athlètes, ne doit pas se reproduire." Sergey Bubka, l'ancien tsar de la perche mondiale sous le couleurs notamment de l'URSS, en appelle au passé pour ne pas voir le futur assombri pour bon nombre de Russes. "La Russie est contre le boycott. La Russie est contre les interférences politiques dans le sport. Cela veut dire que la Russie est un partenaire fiable du mouvement olympique international", renchérit Vitaly Mutko, le ministre des Sports russe. En clair, si les athlètes sont suspendus, la Russie ne boycottera pas les Jeux de Rio dans les autres sports.
Au lendemain du discours de Vladimir Poutine, qui annonçait : "Nous devons tout faire en Russie pour nous débarrasser de ce problème" et "il faut effectuer notre propre enquête", chacun essaye d'apporter une pierre de plus à l'édifice pour éteindre l'incendie qui pourrait coûter les prochains Jeux Olympiques à Rio aux athlètes du pays. "Si quelqu'un viole les règles en vigueur dans le domaine antidopage, la responsabilité doit être individuelle", a déclaré M. Poutine. "Les athlètes qui n'ont jamais touché au dopage ne doivent pas pâtir pour ceux qui enfreignent quelque chose". C'est le même credo que développe Sergey Bubka: "Tous ceux qui sont impliqués, officiels, managers ou entraîneurs, doivent payer le prix. Mais les athlètes normaux, ceux qui n'ont rien à voir avec l'affaire, ne doivent pas manquer une seule compétition", a-t-il dit à l'Association mondiale des journalistes professionnels (AIPS). On a la responsabilité de protéger les athlètes propres de toute forme d'exclusion de masse, on ne peut pas les punir". Et cette voix est d'importance, puisque Bubka est actuel vice-président de l'IAAF, vaincu en août dernier pour la présidence par Sebastian Coe.
L'IAAF "obligée" de sanctionner
Pour convaincre les dirigeants de l'IAAF de ne pas sanctionner tous les athlètes russes, les autorités russes donnent des gages. Vitaly Mutko a annoncé que le pays était prêt "à nommer un spécialiste étranger à la tête du laboratoire antidopage de Moscou", dont le directeur a "démissionné" mercredi. "Nous sommes prêts à informer la fédération internationale de toutes les avancées, des investigations et et des décisions", a-t-il ajouté. Même le lanceur d'alerte russe, Andrey Baranov, a dit au journal britannique The Guardian: "C'est injuste de se concentrer uniquement sur la Russie. Il devrait y avoir la même enquête sur des pays comme le Kenya et l'Ethiopie".
Le changement de ton est flagrant depuis 24h. Là où le Kremlin disait que les accusations de l'AMA "infondées" lundi dans la foulée des révélations du rapport, là où le même Vitaly Mutko niait tout dopage, au début de l'affaire en août, et prétendait même que "quelqu'un cherche à ruiner l'athlétisme en diffusant de tels films", suite au reportage de la chaîne ARD, les autorités russes ont mis de l'eau dans leur vin.
L'IAAF va-t-elle suivre purement et simplement les recommandations de la commission indépendante de l'AMA, en excluant les athlètes russes de toutes compétitions ? Selon toute logique, elle devrait le faire, peut-être de manière provisoire en conditionnant la levée des sanctions aux mesures prises par la Russie pour punir les coupables et éviter de nouveaux scandales. Car la Fédération internationale ne peut se permettre d'être laxiste, elle qui a été aussi sérieusement épinglée par le rapport après avoir couvert de nombreux cas positifs contre des pots de vin. Pour Sebastian Coe, le nouveau président de l'IAAF, qui a reçu le soutien de Thomas Bach, président du CIO qui a parlé de "confiance" en lui pour "nettoyer" l'institution, le moment est crucial.
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