Bercy, 25 bougies à entretenir
Bercy, quatre faits, quatre images...
L'histoire du tournoi de Paris-Bercy pourrait se résumer en quatre faits, quatre images. Le premier: le public indiscipliné venant à un simple spectacle. A ses débuts, l'épreuve a pâti de cette image, renforcée par le décalage d'ambiance entre cette enceinte et le très respectueux Roland-Garros, la référence française. Point d'orgue: les sifflets accompagnant l'échauffement de Henri Leconte contre John McEnroe en 1988, ou le bras d'honneur de Cédric Pioline envers le public en 1996. Le deuxième: des vainqueurs de prestige et de caractère. Boris Becker, premier vainqueur en 1986, et Marat Safin sont les seuls à avoir conquis trois fois le trophée parisien, Pete Sampras et André Agassi le soulevant à trois reprises pour donner encore plus de crédit à cette épreuve.
Le troisième: la désaffection. En 2006, c'est le summum avec 17 forfaits avant le début du tournoi et pas un seul membre du Top4 présent dans un tournoi boycotté après une saison marathon, avant le dernier rendez-vous majeur du Masters et sur une surface différente par rapport à ce dernier. La quatrième: les concerts, la modernité et le retour des meilleurs. En créant une première journée le dimanche avec des matches mais aussi des animations musicales (concert de David Guetta par exemple), puis en plaçant de la musique entre les rencontres, les organisateurs ont redonné de la chaleur à cette salle parfois ressentie comme froide, et en changeant la surface des courts, ils ont également trouvé grâce aux yeux des meilleurs joueurs du monde, à commencer par le N.1 mondial de l'époque, Roger Federer, de retour en 2007 après trois années d'absence.
"Un événement parisien"
Bien sûr, tout cela ne résume pas totalement l'aventure de Bercy depuis ses débuts voici 25 ans. Mais cela montre à quel point la partie n'a jamais été facile pour les organisateurs. Ancien Directeur technique national, ancien N.1 français et consultant France Télévisions, Patrice Dominguez est bien placé pour jeter un regard sur cette aventure: "C'est un tournoi qui a considérablement évolué, qui a gagné au fil des années ses galons car au départ ce n'était pas forcément évident de créer un deuxième événement à Paris en marge de Roland-Garros. C'est devenu le plus grand tournoi indoor, même si ce challenge a été menacé par Rotterdam, Shanghaï qui, quelque part est un tournoi qui a la possibilité d'être indoor, mais finalement, au palmarès, il y a de très grands noms du tennis. Même si Nadal et Federer n'ont pas gagné ce tournoi, on s'aperçoit que ce sont beaucoup des numéros 1 mondiaux qui l'ont emporté.
Le palmarès est très important pour un Masters 1000, même s'il y a eu des accrocs. Il y a eu des finales où les spectateurs sifflaient car la surface était trop rapide, les balles aussi. Ils ont su corriger le tir, ils ont su améliorer les choses. C'est devenu un événement parisien. A Paris, le tennis doit être associé à une notion de fête, cela doit être un tournoi avec ses particularités, ses singularités par rapport à Roland-Garros. Tout cela a contribué à faire de cette épreuve un grand événement." Mais la mondialisation a amené une concurrence encore plus acharnée, avec des pays dont l'investissement financier est parfois sans commune mesure avec les possibilités tricolores. Fleuron de la modernité à sa construction en 1984, le Palais Omnisports de Paris-Bercy est vieillissant et peu reluisant comparé à certaines enceintes plus récentes dans le monde. Le projet Bercy Arena 2015 doit y remédier. Loges, salons de prestige, nouveau hall d'accueil, nouvelle modularité en partant de l'existant, une capacité portée à 21 000 places (contre 17 000 actuellement), voilà ce qui est au programme. Et le tournoi de tennis en sera l'un des bénéficiaires.
Surface, date, Masters, autant de pièges à gérer
Néanmoins, ces travaux ne sont peuvent pas être la seule planche de salut pour l'organisation. Beaucoup d'autres éléments peuvent jouer en sa faveur ou en sa défaveur. D'abord, sa surface. En 2010, elle avait été nettement accélérée, pour apporter une vraie différence avec les autres tournois du circuit, et remettre à l'honneur les attaquants. Michael Llodra avait su en profiter en atteignant la demi-finale après avoir battu notamment Novak Djokovic. Cette année, elle a été de nouveau ralentie, après avoir été beaucoup critiquée, et aussi afin de se rapprocher de celle du Masters de Londres. Moins loin que Shanghaï (de 2005 à 2008), la capitale londonienne est un atout de plus pour attirer les meilleurs sans les pénaliser par un long voyage. Mais le contrat s'arrête en 2013. Et dès l'année prochaine, Londres se déroulera au lendemain de Bercy, et non une semaine après. Et avec des joueurs réclamant de plus en plus fort leur désir de voir leur saison raccourcie, la pression sera très forte. Surtout que pour rester Masters 1000, et donc avoir les meilleurs joueurs contraints fortement à venir, Paris-Bercy doit attirer plus de 100 000 spectateurs chaque année. C'est d'ailleurs pour cela qu'une double programmation a été créée en 2008, avec des billets vendus pour la journée et d'autres vendus pour la soirée. A l'origine de ce redressement: François Caujolle, dont la mission s'arrêtera à l'issue de cette édition. Sa succession sera également observée attentivement, et sera certainement lourde à assumer.
Pour Patrice Dominguez, la lutte est loin d'être finie pour Bercy: "Maintenant, la concurrence est telle dans le tennis que, le positionnement du tournoi dans le calendrier reste une difficulté majeure dans la mesure où certains des joueurs déjà qualifiés pour le Masters de Londres font l'impasse sur Paris, ou sont tentés de le faire, et le seront encore plus lorsqu'en 2012, le tournoi sera joué la semaine juste précédant le Masters. Et si celui-ci re-déménage en Asie ou ailleurs, cela compliquera considérablement les choses. Cela veut dire que c'est un tournoi qui devra faire ses preuves, devra continuer à lutter sous peine de disparaitre. La concurrence est énorme, le calendrier est démentiel, et je crois, pour l'avoir vécu dans les instances internationales au plus haut niveau, que tous les tournois sont menacés. Même un des quatre tournois du Grand Chelem, mais pas Roland-Garros, pas Wimbledon, pas l'US Open. Aujourd'hui, on n'est plus sûr de rien, on est dans un marché de concurrence avec des joueurs qui défendent leurs intérêts, leur santé."
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