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Tennis : la longue marche de l'empereur Medvedev, nouveau numéro un à l'ATP

Nouveau roi du tennis mondial depuis lundi, le Russe n'a pas toujours connu une trajectoire rectiligne pour en arriver là. Néanmoins, le joueur de 26 ans est celui qui peut tourner la page écrite par le trio Federer-Nadal-Djokovic. 

Article rédigé par franceinfo: sport, Julien Lamotte
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
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Daniil Medvedev, après le gain du deuxième set face à Rafael Nadal en finale de l'Open d'Australie, le 30 janvier 2022 à Melbourne.  (MICHAEL ERREY / AFP)

On le savait depuis jeudi, après la défaite de Novak Djokovic en quart de finale du tournoi de Dubaï. Il n'empêche : cela fait tout de même bizarre, lundi 28 février, de voir un nouveau nom en tête du classement ATP. Depuis 18 ans, on avait perdu l'habitude. Daniil Medvedev devient donc le nouveau patron du tennis mondial. S'il le doit en partie à la mise en retrait forcée de son prédécesseur, le Russe n'a rien d'un numéro un au rabais. 

Les clameurs se font attendre

Lente et chaloupée, l'ascension de l'empereur Medvedev se poursuit inexorablement depuis plusieurs mois. Elle s'était amorcée en août avec la victoire du Russe sur Novak Djokovic en finale de l'US Open. Elle s'est confirmée avec sa place de finaliste contre Rafael Nadal à Melbourne, au terme d'une rencontre inoubliable. Elle s'est donc conclue avec l'affaissement de Djokovic à Dubaï quand, dans le même temps, son successeur était sorti à Acapulco par un certain Nadal. Cette passation de pouvoirs met donc fin à l'hégémonie du trio Federer-Nadal-Djokovic. Hormis la brève incursion du putschiste Andy Murray en 2016, leur règne durait depuis février 2004. 

L'arrivée d'une nouvelle tête couronnée au sommet de la hiérarchie devrait ravir ceux qui s'étaient lassés de l'OPA du trio sur ce sport. Or, les clameurs se font attendre. La situation politique mondiale, qui implique le pays de naissance de Medvedev, n'aide sûrement pas. Mais même avant cela, la personnalité du nouveau roi ne semblait pas faire partie de celles qui entraînent un plébiscite populaire. Il faut dire que Daniil Medvedev ne fait rien pour s'attacher les faveurs. Le public est contre lui ? Il s'en nourrit. Il estime que le père de Stefanos Tsitsipas fait du coaching pendant leur demi-finale, lors du dernier Open d'Australie ? Il hurle sur l'arbitre, oubliant par la même occasion le plus élémentaire des respects.

La possibilité Daniil 

Daniil Medvedev est ainsi. Brut de décoffrage. Plaire ou non ne le préoccupe pas. Il a déjà bien assez à faire avec ses propres démons pour s'occuper du qu'en-dira-t-on. Il plairait sans doute à Michel Houellebecq. Comme les héros de l'auteur de La Possibilité d'une île, le Russe possède cette nonchalance désabusée et ce sens de la provocation qui lui permettent d'affronter l'adversité.

Pour autant, ce caractère explosif a longtemps ralenti l'envol de la fusée russe. Comme son compatriote Marat Safin avant lui, Medvedev s'est trop souvent laissé submerger par ses émotions, par sa frustration.

Le problème du tsar n'a jamais été d'ordre tennistique. Hormis une volée digne de ce nom, le joueur de 26 ans a tout pour lui, malgré un physique de grand échalas dégingandé parfois trompeur. "La profondeur des coups de Daniil me rappelle Novak Djokovic" expliquait Patrick Mouratoglou, entraîneur de Serena Williams, pendant la finale de Melbourne. Comme le Serbe, il possède cette élasticité qui lui permet de couvrir tous les recoins du terrain, et une régularité écœurante à l'échange. Si l'on veut grossir le trait, Medvedev, c'est Djokovic avec une première balle à 210 km/h. Effrayant pour la concurrence non ? 

Terre battue et gazon, des territoires à conquérir

A la différence de Djokovic qui bataille depuis plus d'une décennie avec Nadal et Federer, on voit mal, à l'heure actuelle, qui peut s'opposer au nouveau tsar parmi les joueurs de la nouvelle génération. Tsitsipas et Zverev, ses deux rivaux les plus proches et les plus réguliers, sont pour le moment un ton en dessous. Reste Djokovic, évidemment. Mais la présence du Serbe sur les prochains tournois du Grand Chelem demeure incertaine en raison de son refus d'être vacciné contre le Covid-19.

Si les hommes font défaut, peut-être les terrains hostiles s'opposeront à un bail de longue durée ? Jusqu'à présent, la terre battue et le gazon se sont ainsi régulièrement dérobés sous les pieds du Moscovite. A force de travail, certes, rien ne semble impossible.

Un instinct de tueur à améliorer

Toutefois il y a un autre aspect que le nouveau numéro un mondial doit améliorer s'il veut régner sur le long terme : l'instinct de tueur, autre marque de fabrique le trio Federer-Nadal-Djokovic. Après son échec en Australie, Medvedev comptabilise maintenant 13 tournois gagnés mais aussi dix défaites en finale, un ratio indigne d'un futur géant du jeu, mais que, là encore, il peut gommer avec le temps. Après tout, Ivan Lendl, en tête du classement ATP pendant 270 semaines tout au long de sa carrière, avait bien perdu ses quatre premières finales de Grand Chelem. 

Reste à savoir comment le Russe va aborder les tournois dans sa nouvelle peau de leader. De sa faculté à gérer la pression et ce statut dépendra l'avenir de Medvedev. Parfois, le Russe semble encore au bord de l'implosion, victime d'une tempête interne sous un crâne. Comme il l'a dit lui-même, en visant certains perturbateurs parmi le public de Bercy l'an dernier, "c'est plus facile d'apprécier la vie quand vous n'avez pas de cerveau". Une phrase que n'aurait pas reniée Houellebecq. 

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