Roland-Garros 2021 : Stefanos Tsitsipas se surpasse contre Alexander Zverev et se qualifie pour sa première finale
Stefanos Tsitsipas a puisé dans ses réserves pour renverser Alexander Zverev vendredi et se qualifier pour sa première finale de Grand Chelem.
On attendait un duel de cogneurs sous le cagnard, on n'a pas été déçu. Mais il y a eu aussi des renversements de situation, de la dramaturgie, de la finesse même, parfois. Plus complet et meilleur tacticien qu'Alexander Zverev, battu en cinq manches (6-3, 6-3, 4-6, 4-6, 6-2), le Grec, au visage de modèle de la Renaissance, a déployé toute sa panoplie d'artiste pour aller décrocher la première finale de sa jeune carrière en Grand Chelem. Et accessoirement prouver qu'on peut briller sur la terre battue en pratiquant un jeu tourné vers l'avant. Il ne s'agira pas de renier ces principes, dimanche, contre le vainqueur de Nadal-Djokovic.
"Je me sens privilégié d'être en demi-finale mais mon ego me dit que j'en veux plus". L'ego de Stefanos Tsitsipas n'est pas surdimensionné, il est juste lucide. Le Grec, tête de série numéro 5 du tournoi, savait que son talent pouvait l'emmener loin. Il a simplement mis en pratique les promesses entrevues depuis des années. Celles d'un surdoué, amené, un jour ou l'autre, à prendre la relève des trois Dieux de l'Olympe. Déjà, il en a la nationalité. C'est un bon début. Mais on n'accède pas au sommet avec un simple passeport et une gueule d'ange. Il faut aussi un sacré cran. Longtemps impérial, l'Apollon a failli se brûler les ailes face à un Zverev métamorphosé.
Premier service de Zverev du match. Gagnant. 218 km/h. Boum. Mais ce n'est qu'un trompe l'oeil. Deux doubles fautes suivent et l'Allemand perd d'entrée son engagement. Jamais, au cours de ce premier set, il n'aura l'occasion de le reprendre. Trop nerveux, trop imprécis, il subit les variations d'un malin Tsitsipas. Sans tenter l'impossible, sans se jeter dans la gueule du loup, le Grec n'hésite pas à casser le rythme métronomique de l'Allemand. Il coupe, il fait des ronds, il accélère de temps en temps... Cela suffit à dérégler la pourtant réputée mécanique allemande. En 37 minutes, la tête de série numéro 5 boucle l'affaire d'une première manche où la malice l'a emporté sur la puissance.
Mais il en faut plus pour fissurer le monolithe Zverev. Ce dernier, sans dévier de sa trajectoire, continue de coller à la ligne quand Tsitsipas s'en éloigne dangereusement. Dans cette partie de gagne-terrain, Alexander Le Grand semble reparti pour une campagne victorieuse. Il ravit l'engagement des troupes adverses d'entrée de seconde manche mais sa soif de conquête est vite stoppée. Le Grec a placé un cheval de Troie dans la défense allemande, il recolle au score et, dans la foulée, rebreake un Zverev pétrifié et transformé en pierre comme s'il avait vu Méduse. Avec 18% de points gagnés derrière sa seconde balle au service, il ne pouvait pas espérer de miracle de toute façon.
À deux sets à rien contre lui, la cote de l'Allemand est au plus bas. Mais pas son moral. Lui qui avait tendance à lâcher prise quand les affaires périclitaient, sait désormais garder la tête froide. Et l'inconvénient, quand on pratique un jeu comme celui de Tsitsipas, un jeu qui tient sur un fil, c'est que, parfois, on perd ce dernier. C'est ce qui arrive au Grec en début de 3e set. Peut-être trop grisé, il décentre quelques frappes, commet quelques erreurs de précipitation... Rien de grave ? Au contraire, le loup Zverev s'est engouffré dans la bergerie. Cette fois, pour de bon. L'allemand balance des frappes lourdes comme des enclumes et fait descendre Tsitsipas de son nuage (6-4 en 46 minutes).
Zverev éveillé
Parfois froid comme un iceberg, Zverev n'a longtemps laissé paraître que la partie émergée de son jeu, multipliant les fautes directes et les hésitations. Mais le plus dangereux restait sous la surface... Cette fois, il ne lâche plus sa proie, s'appuyant sur une première qui descend rarement sous les 200 km/h. Ce 4e set atteint des sommets de jeu car Tsitsipas n'a pas baissé de rythme. C'est juste que celui de Zverev, qui colle comme jamais à la balle, est trop rapide pour lui. Le géant (1,98m) se permet même quelques coups en toucher pour prouver à tous qu'il n'est pas qu'une machine à aligner les parpaings. Saoulé de coups, Tsitsipas se débat mais il ressemble vaguement à Sylvester Stallone quand il affronte ce terrible Russe dans Rocky IV...
Tout près du K.O, Tsitsipas l'est en début de dernière manche. Zverev lui marche littéralement dessus et se procure d'entrée trois balles de break. Avec l'énergie du désespoir il les sauve pourtant. C'est, comme dans tout bon film hollywoodien, le tournant du match. Remis en selle le temps d'un battement de cils, le Grec se relance à corps perdu dans la bataille. Mais, de bataille, il n'y en aura presque plus. Inexplicablement, Alexander Zverev, si sûr de lui et si solide quelques instants auparavant, a disparu de la circulation.
Hellène et les garçons
Propulsé par un coup droit retrouvé, Tsitsipas se rue alors vers l'avant. Cette fois, il est bien déterminé à ne pas laisser revenir Zverev. Ce dernier sauve bien deux balles de match à 5-2 en sa défaveur mais, sur le jeu suivant, un dernier ace du Grec envoie son auteur en finale de Roland-Garros. Tsitsipas, qui restait sur trois demies sur ses trois derniers Grands Chelems, passe enfin à l'echelon supérieur. C'est plus que mérité.
Dans le sitcom de la NextGen, Tsitsipas est souvent présenté comme le plus doué de tous. L'Hellène a surtout prouvé vendredi qu'il avait également le mental pour mettre au pas tous ses jeunes rivaux. Maintenant, il va surtout s'attaquer à un vieux loup, dimanche. Ce sera Nadal ou Djokovic. L'appétit vient en mangeant...
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