Coupe Davis - Les 5 causes d'une nouvelle déception française
La terre-battue
Cela fait très longtemps que les joueurs français ne sont plus des terriens. Jo-Wilfried Tsonga, Gilles Simon, Richard Gasquet, Julien Benneteau, Michael Llodra, Jérémy Chardy ont tous connu leurs meilleurs résultats sur des surfaces rapides. Seul Gaël Monfils, avec une demi-finale à Roland-Garros, présente, en Grand Chelem, une certaine constance sur cette surface. Et ce n'est pas un hasard. Cela fait très longtemps que les clubs dans l'Hexagone ont privilégié le dur au détriment de la terre, pour des raisons de coûts (entretien, saleté...) et aussi de météo, la France étant plus sujette à la pluie que l'Amérique du Sud ou l'Espagne. Du coup, on construit plus de courts extérieurs en dur, pouvant être jouables rapidement après une averse plutôt qu'une terre qui met des heures à sécher. Dans les Ligues, berceau des futurs champions, c'est pareil. Et la terre-battue, chasse-gardée des Sud-Américains et des Espagnols, réclame un jeu de jambes particulier, une condition physique monstrueuse, une endurance encore plus importante. Ce n'est pas le fort des joueurs français, qui passent tous régulièrement par la case "blessure". Ce n'est pas un hasard si les hommes d'Arnaud Clément ont été éliminés sur cette surface ce week-end, un an après que Guy Forget et ces mêmes joueurs aient choisi la terre pour recevoir les Etats-Unis à Monte-Carlo, pour une défaite identique.
Les Argentins
Comme l'an dernier avec John Isner sur son nuage, les joueurs argentins ont su hisser leur niveau à la hauteur de l'événement. Bien sûr, la terre-battue est leur jardin, et le soutien du public a pu jouer, notamment lors du double ou du 5e match décisif. Carlos Berlocq a disputé deux matches énormes, que ce soit contre Tsonga ou contre Simon. Horacio Zeballos a totalement pris feu lors du double, permettant à David Nalbandian de retrouver sa main magique et quelques-uns des coups qui ont fait de lui un 3e joueur mondial. Juan Monaco a sans doute réalisé l'un de ses meilleurs matches cette saison contre Gilles Simon vendredi. A l'opposé, hormis Jo-Wilfried Tsonga, surtout dimanche contre Monaco, aucun Français ne s'est sublimé, aucun d'eux n'a juste joué à son niveau sur la durée d'une partie.
Gilles Simon
La Coupe Davis, c'est une compétition à part. Parce qu'elle se joue en équipe, et qu'on y représente son pays. Certains y trouvent une source de motivation supplémentaire, et sont totalement transfigurés. Ce week-end, Berlocq et Zeballos l'ont montré. Dans le passé, parmi les joueurs français, Henri Leconte, Nicolas Escudé ou même Arnaud Clément se sont transcendés pour sortir des matches d'anthologie, et ramener des victoires inespérées. Gilles Simon ne fait pas partie de cette catégorie. Pour son neuvième match "qui compte", il a enregistré une 8e défaite. Sa seule victoire, c'est contre l'Autrichien Koubek, au 1er tour en 2011. Contre Juan Monaco, après la perte du 1er set (7-5), il n'a pas défendu ses chances, touché au dos. Contre Berlocq, il a fait le break au début des trois premières manches, mais a été incapable de conserver cet avantage. Souvent attentiste, il n'a jamais réussi à lâcher son bras, sauf pour sauver cinq balles de match avant de commettre la faute sur la sixième. Revenu de 5-2 à 5-4 sur son service, il avait encore l'occasion de faire pencher la balance. Il n'y est pas parvenu. Comme la paire de double samedi, il avait le match à sa portée. Il lui a échappé. Il n'était pas au niveau qui fait de lui le 13e joueur du monde. La Coupe Davis semble le tétaniser, et à 28 ans, il y a peu de chances que cela change.
Le double
A une époque, le double français était une valeur sûre. Leconte-Noah, Forget-Leconte (paire invaincue en 11 matches), les Santoro, Pioline, Raoux, Llodra, Clément, tous ont participé de faire du samedi un jour d'espoir pour l'équipe de France. Mais cela n'est plus le cas. Depuis la retraite d'Arnaud Clément, Michael Llodra demeure le pilier, mais se voit adjoint Jo-Wilfried Tsonga, avec qui il est devenu vice-champion olympique à Londres, ou Julien Benneteau. Des duos performants sur surface rapide, mais qui le sont beaucoup moins sur terre-battue. Sur les 8 défaites en 27 doubles de la carrière en Coupe Davis de Llodra, 6 ont été concédées sur terre-battue, pour 6 victoires sur cette surface. A 32 ans, il est devenu un peu moins "foufou" sur le terrain, et sa carrière en simple a pris plus d'importance. Du coup, le Parisien a perdu un peu en "punch" en double. Or, c'est son rôle, lui qui est le plus offensif, le plus adroit à la volée de tous. Sans cela, le double tricolore devient beaucoup plus commun, et a plus de mal à gagner les points importants, ceux qui font pencher la balance du bon côté. C'est ce qui a manqué à Buenos Aires.
L'homogénéïté
Devenu N.1 français, Jo-Wilfried Tsonga est surtout devenu l'atout majeur de l'équipe de France. Mais un peu le seul. Malgré la présence de quatre joueurs parmi les 25 meilleurs joueurs du monde (Tsonga, Monfils, Simon, Gasquet), ils n'ont jamais été au top en même temps. En finale à Belgrade, Tsonga était blessé. Les autres fois, les uns ou les autres étaient blessés,revenaient de blessure, ou étaient en méforme. Ce week-end, Richard Gasquet, énorme durant la tournée américaine, s'est fait porter pâle alors qu'il représentait certainement le plus de garanties sur terre. Du coup, la France n'a jamais pu compter sur deux joueurs de simple en capacité de ramener la victoire vendredi et dimanche lors des rencontres très serrées. Malgré le talent et l'investissement du Manceau, il ne peut pas gagner à lui tout seul. Roger Federer, même quand il a disputé l'épreuve, n'a jamais pu le faire. Si tous les joueurs se trouvaient en forme au même moment, si le tirage au sort leur permettait d'éviter des déplacements périlleux (chez Nadal ou chez Djokovic), si tous parvenaient à se transcender pour réaliser la meilleure performance de leur vie dans cette épreuve, alors l'équipe de France pourrait soulever le Saladier d'Argent. Mais cela fait beaucoup de si.
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