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Monotone, déshumanisé, moins chaleureux... En tennis, le remplacement des juges de ligne par des machines divise

L'Open d’Australie est le premier tournoi de Grand Chelem à expérimenter les matchs sans juge de ligne autour du court. La mesure est une petite révolution dans le monde du tennis.

Article rédigé par Fabrice Abgrall - Édité par Noémie Bonnin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Une caméra "hawk-eye", sur un court de tennis, lors de l'US Open, en septembre 2020. (JASON SZENES / EPA)

Est-ce le tennis de demain ? L'épidémie de Covid-19 provoque des modifications dans les tournois. Sur la gestion du public bien-sûr, mais aussi au niveau des personnes présentes sur les courts : jusqu’à la fin de la saison, l’ATP autorise tous les tournois à utiliser l’arbitrage électronique à la place des juges de ligne.

L'Open d’Australie est le premier Grand Chelem à l'expérimenter. Les juges de ligne sont remplacés par des caméras électroniques, équipées de capteurs. C'est une voix métallique, enregistrée, qui annonce la balle faute. Révolution, évolution, innovation ou aberration ? Les avis sont partagés. Novak Djokovic y est favorable, tout comme Adrian Mannarino : "Je préfère ne pas avoir de juge de ligne, et avoir des machines au bord du court, parce que ça empêche les joueurs de se plaindre. Si la machine dit faute, il y a faute, tu ne peux pas pester contre ça."

Un tennis sans âme

Mais d’autres joueurs dénoncent un tennis robotisé, sans âme ni émotion, privé de chaleur humaine. Alizé Cornet trouvait au départ l’expérience intéressante, avant de changer d’avis : "Au début, je trouvais ça super. Je m'étais dit que c'était de l'énergie en moins dépensée. On ne peut pas se battre avec la machine, donc il n'y a pas vraiment de doute, on peut passer au point suivant beaucoup plus rapidement. Mais au fur et à mesure des matchs, je trouve que ça déshumanise vachement le tennis. Moi ça m'est arrivé de parler avec des juges de ligne. Ils sont là, ce sont un peu nos collègues de travail."

"Il y a une petite part d'histoire qui est en train de s'en aller avec cette robotisation des choses. En fait on se sent un peu seule !"

Alizé Cornet

à franceinfo

Les arbitres de chaise eux-même sont déresponsabilisés, estime Pierre Hugues Herbert : "Cela fait partie des mesures qui rendent la vie sur le circuit un peu moins chaleureuse. C'est vrai qu'être arbitré par une machine, ça ne me plaît pas forcément, il n'y a plus du tout de questionnement, un côté un peu moins spectacle. Même pour l'arbitre, en soi, on a le sentiment qu'il ne fait presque plus que compter les points. Je ne suis pas forcément pour qu'il n'y ait plus de juges de ligne, ce sont des jobs en moins, c'était des gens passionnés, qui faisaient leur taf à fond."

Des sponsors trop présents ?

L'une des conséquences directes de cet arbitrage électronique, c’est que les joueurs ne font plus appel à l’arbitrage vidéo, qui faisait pourtant partie du spectacle. "Les gens et les joueurs aimaient bien, je pense, confie Gilles Simon. C'était un bon mix d'avoir un recours à la vidéo trois fois, il se passait quelque chose. Là c'est sûr qu'il ne se passe rien."

"Je trouve que ça rend le truc un peu monotone. Un côté automatique, tu as l'impression qu'il ne peut plus rien se passer."

Gilles Simon

à franceinfo

Avec un tennis arbitré désormais par des robots, les joueurs deviennent aussi un peu comme des machines : "Ce n'est pas franchement agréable, tu as l'impression que tu es pressé tout le temps", regrette Gilles Simon.

De dérives en excès, et parce qu’en sport il y a toujours un aspect mercantile, certains imaginent déjà que les voix métalliques chargées d’annoncer la balle faute soit remplacées par des voix qui, au lieu de dire "faute", crient la marque d’un sponsor. Les joueurs sont consternés, à l'image d'Alizé Cornet, qui a peine à croire à ce projet : "Non, je ne peux pas le croire ! Mon dieu, j'aurais fini ma carrière d'ici là, parce que franchement, je ne sais pas si je serais capable de bien le vivre. Ils vont se faire beaucoup de blé avec ça. Là on est sur des niveaux de business... Il faut garder l'âme du sport, quand même."

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