Open d'Australie : choix de surface, tableaux moins relevés... Comment les joueurs classés hors du top 200 gèrent leur saison pour se qualifier en Grand Chelem

La course aux points est le nerf de la guerre pour les joueurs et les joueuses classés au-delà de la 220e place mondiale, afin de décrocher leur billet dans les tournois du Grand Chelem.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Le Français Constant Lestienne sert contre l'Espagnol Alejandro Davidovich Fokina lors du premier tour de l'Open d'Australie, à Melbourne, le 15 janvier 2024. (Anthony WALLACE / AFP)

À chaque saison, le même marronnier. Comment obtenir assez de points pour pouvoir prétendre aux tournois du Grand Chelem, objectif ultime des joueurs et joueuses du circuit ? Que ce soit pour intégrer le tableau principal ou les qualifications, chacun possède sa stratégie. S'il faut être membre du Top 100 pour entrer dans le tableau final d'un Majeur, il ne faut pas être moins bien classé que le 230e rang mondial (environ) pour espérer intégrer les qualifications.

L'enjeu est de taille. Intégrer un Grand Chelem est une opération payante, qu'importe le parcours. D'abord financièrement, où une défaite au premier tour d'un Majeur rapporte bien plus qu'un titre en Challenger. En 2025, le perdant au premier tour de l'Open d'Australie touchera 132 000 dollars australiens (soit 79 729 euros). Pour les qualifications, les joueurs et joueuses percevront respectivement 35 000 $ (21 140 €), 49 000 $ (29 596 €), 72 000 $ (43 489 €) pour une défaite au premier, deuxième et troisième tour. Des montants qui permettent de souffler pour la saison. A titre de comparaison, le Challenger de Bali (Indonésie, début janvier 2025) offrait à son gagnant une dotation de 30 000 dollars soit environ 28 830 euros. Les points glanés sont aussi bien plus intéressants. Pour un Grand Chelem, un joueur peut amasser jusqu'à 2 000 points, quand un Challenger (2e division des tournois) peut rapporter au mieux 175 points et un Futur (3e division des tournois) 25 points.

Actuel 177e mondial, Constant Lestienne sait depuis plusieurs semaines qu'il a obtenu son billet pour les qualifications du Majeur australien. Pour autant, il a décidé d'aller jouer au Japon en novembre, sur les Challengers à Kobe (dans le centre du pays) et à Yokohama (au sud de Tokyo), pour "grappiller des points afin de terminer l'année dans le top 200", alors qu'une majorité de joueurs français ont choisi de rester en Europe. Une stratégie payante puisqu'il pointait à la 196e place fin octobre. Il a préféré le Japon à l'Europe pour "changer un peu d'air, voir de nouvelles têtes, découvrir ce pays que je ne connaissais pas", mais aussi pour "la surface, très rapide, qui convient bien à mon jeu." 

La tactique de la chasse aux points

Outre la surface, l'adversité présente sur chaque tournoi est aussi un critère pour ces chercheurs de points. "Il y a des tournois où les classements sont plus faibles, et où il y a donc plus de points à aller chercher, explique Titouan Droguet, 185e joueur mondial. Par exemple, au Japon, les listes étaient un peu moins fortes qu'en Europe, où ça joue souvent très fort." Un choix stratégique qui permet de multiplier ses chances de victoires et donc de gain de points ATP et WTA.

"Sur les tournois qui nécessitent des longs voyages, où l'on sait que peu de joueurs et joueuses ont envie d'aller, et qui sont quand même assez galères [d'accès], on sait qu'ils sont moins relevés et qu'il est plus facile de marquer des points, confirme Alice Tubello, 222e à la WTA. Oui, c'est une stratégie de partir loin."

"Il y a une part tactique dans cette chasse aux points en fin d'année. Il faut bien organiser sa programmation, admet à son tour Constant Lestienne. Cela va aussi dépendre de comment je joue et de comment je me sens. Si la confiance est là, je vais davantage aller sur un ATP, et si j'ai besoin de me remotiver, je vais peut-être plus aller sur un Challenger."

"Certains joueurs partent aussi sur les Futures [catégories au-dessous] car ils sont à quelques places de l'Open d'Australie et misent uniquement là-dessus pour se qualifier."

Constant Lestienne, 177e joueur mondial

à franceinfo: sport

Parfois, la stratégie prend d'autres allures, avec des épreuves où ils ont brillé afin de conserver, a minima, les points gagnés l'an passé. "Certains joueurs rejouent les tournois qu'ils ont gagnés l'année d'avant, parce qu'ils le connaissent et sont en confiance. D'autres vont miser sur les compétitions où ils sont tête de série, car ils sont un peu plus protégés", souligne encore Alice Tubello.

Contraintes financières et de classement

Si les joueurs et les joueuses déterminent le plus souvent leur programmation, certaines contraintes pèsent parfois sur leurs choix. Opérée d'une blessure à l'épaule en juin 2023, Alice Tubello avait peu d'alternatives à son retour sur le circuit en 2024. "J'étais retombée à la 720e place mondiale, qui ne reflétait pas mon jeu. J'ai dû aller au Burundi sur des tournois 25 000 $, les seuls où je pouvais rentrer avec mon classement. En Europe, sur les 750, je ne rentrais même pas en qualification", se souvient la joueuse, qui enchaînera un titre puis une finale sur les deux tournois auxquels elle a participé.

Derrière, deux tournois (25 000 $) en Colombie (demi-finale à Anapoima et titre à Sopo) lui ont permis de gagner suffisamment de points pour décrocher son billet pour les qualifications de Roland-Garros.

Si Alice Tubello a atteint son objectif en se qualifiant à Paris, elle a toutefois "engagé pas mal de frais pour partir là-bas". Les choix de programmation doivent être cohérents avec l'objectif du joueur mais surtout avec son budget, qui comprend les dépenses liées au déplacement du joueur et de son équipe. Pour limiter les frais, les joueurs organisent des tournées dans les pays visités, afin de cumuler les tournois, pour, là encore, rentabiliser le déplacement.

"Chacun essaie d'être le plus stratégique possible, financièrement parlant", tranche Alice Tubello. En allant au Japon, Constant Lestienne assume d'ailleurs "l'effort financier" : "Le déplacement coûtait plus cher qu'ailleurs, avec le billet d'avion, mais c'était un investissement, appuie l'Amiénois. J'ai vraiment parié sur le fait que j'allais mieux jouer au Japon qu'en Europe." Avec une place confortée en qualification de l'Open d'Australie, Constant Lestienne a donc réussi son pari.

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.