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Open d'Australie - Lucas Pouille, les raisons d'une renaissance

Pour la première fois en demi-finale d'un tournoi du Grand Chelem, Lucas Pouille revit. Après une année décevante et frustrante, commencée au 18e rang mondial, montée au 10e mais finie au 32e, conclue par une séparation avec son entraîneur Emmanuel Planque, il a tout changé. Amélie Mauresmo et Loïc Courteau pour entraîneurs, une préparatrice mentale, et une remise en cause personnelle. Retour sur un come-back.
Article rédigé par Thierry Tazé-Bernard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
  (DAVID GRAY / AFP)

L'ascension traumatisante

Comprendre le présent, c'est analyser le passé. Le 5 janvier 2015, Lucas Pouille est 133e joueur mondial à 20 ans. Deux ans après, il est 15e à l'ATP. Fin 2017, il offre le 5e point décisif à la France en finale de Coupe Davis, celui d'un 10e Saladier d'Argent, seize ans après le dernier sacre. Une ascension linéaire, constante, parsemée de paliers. Sa sortie des qualifications au Masters 1000 à Bercy en 2014 en battant un Top 20 et un Top 30 avant de tomber en 8e contre Federer, ses victoires contre des Top 10 comme Ferrer, Gasquet ou Goffin et surtout Nadal à l'US Open pour deux quarts de finale en Grand Chelem en 2016 (Wimbledon, US Open), une préparation hivernale avec les meilleurs à Dubaï dès 2015, le recours à un préparateur physique personnel...

Tout cela, il a fallu l'ingurgiter, le digérer. Avec un statut qui a évolué à vitesse grand v. En 2017 et 2018, le Nordiste accumule les désillusions: un seul 8e de finale en Grand Chelm (US Open 2017), et seulement deux Masters 1000 où il dépasse le 2e tour (demie à Monte-Carlo et 8e à Bercy en 2017) en 16 tournois. Trop peu pour un candidat au Top 10. Cette pression, cette attente ont sans doute eu raison de son tennis. Aujourd'hui, il avoue: "Il y a un peu plus de maturité d'accepter que si je fais le maximum, on ne pourra pas me le reprocher", dit-il dans L'Equipe. "J'ai eu des pensées parasites en décembre en me disant: si tu commences l'année et que ce n'est pas bon, tu vas encore te faire..."

Le renouveau par la séparation

Pendant six ans, Lucas Pouille a lié son destin à Emmanuel Planque. Ancien coach de Michaël Llodra, de Fabrice Santoro ou de Guillaume Ruffin, ce technicien reconnu a mis sur orbite cet espoir du tennis français. De son titre de champion de France juniors, jusqu'à l'entrée dans le Top 10. Avant un "été meurtrier", fait d'une succession de défaites (4 au 1er tour, 4 au 2e en 10 tournois). Le 8 novembre, l'annonce de leur séparation est faite. "J'étais tellement énervé et frustré que j'allais au conflit avec Manu. Je ne cherchais même pas à comprendre et à avancer. Il fallait prendre un nouveau départ pour ouvrir les yeux. (...) Il m'a donné 1000%, et le problème ne venait pas de lui mais de moi, l'an dernier. On était arrivés à un point où je n'arrivais plus à écouter et à accepter", explique Pouille dans cet entretien.

Comme il le reconnaît, le joueur a voulu prendre les choses en mains. "On ne m'a jamais imposé les choses, mais on me les mettait sous le nez. Il fallait que ça vienne de moi." Emmanuel Planque lui avait ainsi proposé, avant Roland-Garros 2015, de collaborer avec Yannick Noah: "Il y a cette dimension émotionnelle dont on ne parle pas beaucoup dans la formation du jeune joueur", nous expliquait Emmanuel Planque en 2015. "Yannick en a tout de suite parlé, parlé de la peur. Avoir un ancien grand joueur qui lui parle de ce qu’il vit au quotidien, ça donne encore plus de sens à ce que je dis."

C'est aussi lui qui a proposé de collaborer avec Tommy Haas, la saison passée. C'est lui qui avait mis des mots sur les maux de son poulain: "Auparavant, il avait de l’ambition mais voulait la satisfaire immédiatement. Là, il a compris que ça passait par les entraînements, la capacité à répéter les efforts, réussir à avoir davantage de constance", disait-il à l'époque. "Lucas est en construction, c’est un joueur en formation, c’est un processus qui prend du sens petit à petit."

Aujourd'hui, Lucas Pouille s'est adjoint les services d'Amélie Mauresmo et Loïc Courteau, d'une préparatrice mentale, d'un préparateur physique. Une structure renouvelée, avec un nouveau discours, et au bout du compte, un débloquage, psychologique et tennistique. 

Un nouvel état d'esprit

Après avoir dirigé l'équipe de France de Fed Cup pour la mener en finale, après avoir conduit Andy Murray jusqu'au retour en finale de Grand Chelem suite à sa blessure et son opération du dos, Amélie Mauresmo est venue au chevet de Pouille. Avec Loïc Courteau, son coach quand elle était joueuse (entre 2002 et 2006) et également coach de l'équipe de France de Fed Cup et de Coupe Davis, elle forme un duo complémentaire. De l'exigence, de l'expérience et de la bonne humeur, ils ont transformé son quotidien. "La distance que j'arrive à avoir avec la compétition, c'est eux qui me l'amènent et qui arrivent à me garder calme et relâché", dit-il dans L'Equipe. Mais en les choisissant, Lucas Pouille avait déjà pris son destin en mains. 

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