Retraite de Rafael Nadal : dimanche 5 juin 2005, le jour où le jeune "Rafa" a remporté son premier Roland-Garros

L'Espagnol a annoncé prendre sa retraite sportive, jeudi, après des mois à lutter contre un corps douloureux. L'occasion de revenir sur sa première victoire à Roland-Garros, en 2005, dès sa première participation.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6 min
Rafael Nadal croque la coupe des Mousquetaires, après sa première victoire à Roland-Garros, à Paris, le 5 juin 2005, face à l'Argentin Mariano Puerta. (LIONEL CIRONNEAU / SIPA)

Une page d'histoire du tennis mondial se referme. Ancien numéro un mondial et vainqueur de 22 titres du Grand Chelem, Rafael Nadal a annoncé jeudi 10 octobre ranger ses raquettes pour de bon. La fin d'une ère qui a marqué à jamais les esprits et les annales du tennis mondial. Une période dominée par un roi qui a connu son avènement le dimanche 5 juin 2005, avec son premier titre du Grand Chelem à Roland-Garros. 

Ce jour-là, Rafael Nadal soulève la coupe des Mousquetaires pour la première fois, après avoir battu l'Argentin Mariano Puerta, 37e du classement ATP, en quatre sets 6-7 (6/8), 6-3, 6-1, 7-5. Avec son pantacourt blanc, son débardeur vert, son bandana noué sur ses cheveux longs, son visage juvénile ou encore ses muscles, certes dessinés, mais bien moins imposants qu'aujourd'hui, l'Ibère écrit la première page d'un long roman à Paris.

Première fois à Paris, première finale

Pour sa première participation à ce tournoi, le Majorquin, alors 5e mondial, est annoncé comme le grand favori. Vainqueur notamment des tournois sur terre battue de Monte-Carlo, Barcelone et Rome quelques semaines plus tôt, l'Espagnol est très attendu. A l’époque, le nom de Rafael Nadal est sur toutes les lèvres, tant il est présenté comme le nouveau prodige. 

Rafael Nadal, alors âgé de 19 ans, lors de la finale de Roland-Garros face à Mariano Puerta, le 5 juin 2005. (JACK GUEZ / AFP)

Une attente qu'il gère parfaitement. Deux jours après avoir fêté ses 19 ans, Rafael Nadal apparaît déjà imperméable à la pression. Pour une première sur l'ocre parisienne, il arrive en finale en ayant perdu seulement deux sets sur la quinzaine, contre le Français Sébastien Grosjean en huitièmes de finale puis contre Roger Federer, alors numéro un mondial, en demies. Cette victoire face au Suisse (6-3, 4-6, 6-4, 6-3) accroît encore les attentes.

"Lors de cette finale, c'est vrai que j'attendais beaucoup de lui, se souvient Lionel Chamoulaud, ancien journaliste de France Télévisions, qui a commenté la finale avec l'ancien joueur Guy Forget. Dernièrement, nous avions eu plusieurs finales sans le numéro un mondial, avec des vainqueurs surprise et loin des grands duels de l'US Open et de Wimbledon."

"En voyant Nadal, je me suis dit qu'on tenait le nouveau Björn Borg [six fois vainqueur de Roland-Garros]."

Lionel Chamoulaud, commentateur de la finale pour France Télévisions

à franceinfo: sport

Pendant 3h30, Rafael Nadal et Mariano Puerta se livrent un âpre combat, au cours d'une finale intense et haletante. Le match commence fort. Si l'Argentin pilonne son adversaire, le faisant courir de gauche à droite, tout en appuyant chaque frappe un peu plus, il défie un mur.

En face, Rafael Nadal est présent sur chaque balle et retourne absolument tout, parfois du bout de la raquette. Même après plus de trois heures de jeu, sa vivacité est intacte. Il apparaît comme insubmersible. "Quand il est rentré sur le court, il était très concentré, on sentait sa détermination, se souvient Marc Maury, speaker à Roland-Garros depuis 2004. Il a tout de suite mis une pression sur l'adversaire. On sent tout de suite qu'il prend l'ascendant. Il a rapidement compris que les matchs commençaient parfois à se gagner dans le vestiaire."

 

Toujours dans le plus grand respect de ses adversaires, Nadal fera de cette stratégie sa marque de fabrique. "Il a toujours beaucoup impressionné ses adversaires. Rafael Nadal est un joueur qui ne lâche jamais, qui est dur au mal. Et à aucun moment, on sent qu'il va baisser d'intensité ou de rythme", analyse encore la voix de Roland-Garros.

"Cette finale, il ne peut pas la perdre"

Après un set plutôt timide remporté par l'Argentin, Rafael Nadal extériorise davantage à partir du deuxième set, qu'il gagne. "Rafa" laisse s'échapper ses premiers cris de rage, ses premiers "vamos" et même des petits sauts enfantins lors du gain de points déterminants. Ses rituels aussi sont déjà installés : réajustement des chaussettes, de son pantacourt, ou encore de ses bouteilles, posées au millimètre près devant son banc... Son arme fatale est, elle aussi, déjà parfaitement en place : son lift et cette "balle qui vrille comme un frelon sous amphétamines avant de rebondir comme si elle avait perdu la raison", analysera le journal Libération au lendemain de sa victoire. 

A mesure que les jeux déroulent et que la victoire se rapproche, Rafael Nadal apparaît de plus en plus à l'aise "chez lui", sur le court Philippe-Chatrier. Ses "vamos" se font plus fréquents. Comme les encouragements du public, plutôt silencieux en début de rencontre. Plus le match gagne en intensité, plus "Rafa" se dévoile au public et communique avec lui. "Il a pris confiance au fur et à mesure du match, confirme Marc Maury. Il perd le premier set, puis il gagne le deuxième, pas si facilement, avant de dominer dans le troisième. Il est plus à l'aise et réalise des points époustouflants. On se dit que cette finale, il ne peut pas la perdre, qu'elle est pour lui."

"La victoire d'un génie de la terre"

Une seule balle de match suffira à Rafael Nadal pour l'emporter. Quand Mariano Puerta commet son ultime faute, Nadal s'écroule dans sa course vers l'avant, sur le dos, bras et jambes en croix. "On l'attendait, il l'a fait (...). C'est la victoire d'un génie de la terre", salue Lionel Chamoulaud en direct sur France 2. Après avoir salué l'arbitre et son adversaire, qui dira de lui qu'il est le "meilleur joueur du monde sur terre actuellement", Nadal retourne sur le court, lève les bras au ciel puis pose un genou à terre, poings serrés vers son visage, tête baissée.

Dans la foulée, il court saluer le roi d'Espagne, Juan Carlos Ier, puis enjambe la tribune présidentielle pour retrouver sa famille dans le box des joueurs. Comme un enfant que l'on félicite, il passe de bras en bras, avec quelques savonnages de crâne au passage, la bouille tout sourire, parfois gênée. 

L'Espagnol Rafael Nadal s'écroule au sol après avoir remporté le match face à l'Argentin Mariano Puerta, à Roland-Garros, le 5 juin 2005. (ALEXANDER KLEIN / AFP)

Lors de la cérémonie des trophées, remis par Zinédine Zidane, champion du monde 1998 et star du Real Madrid, le club de cœur du Majorquin, Rafael Nadal soulève la coupe des Mousquetaires, l'embrasse timidement, mais ne la quitte plus des yeux. "C'est un rêve depuis toujours. En Espagne, tous les joueurs veulent gagner Roland-Garros", confiera Nadal après son match. Il remporte ainsi son premier tournoi du Grand Chelem dès sa première participation. Un exploit réussi pour la dernière fois en 1982 par le Suédois Mats Wilander, déjà à Roland-Garros.

"Il est un monument de Paris. Il va inspirer une génération de jeunes joueurs à n'en pas douter", s'avançait alors Guy Forget, aux commentaires avec Lionel Chamoulaud. "On avait saisi qu'il était là pour longtemps", se remémore ce dernier. "Sincèrement, lors de cette victoire, on ne se dit pas qu'il va en gagner 14, mais quelques-unes, oui, assurément", confirme Marc Maury. Au lendemain de sa victoire, Rafael Nadal est surnommé par la presse française "roi de la terre battue", ou encore "l'extra-terrien" par Libération, pour qui le sacre était "inéluctable". Le début d'un long règne qui a aujourd'hui définitivement pris fin.

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