Retraite de Rafael Nadal : la finale de Wimbledon 2008 contre Roger Federer, le match qui a fait de l'Espagnol une légende
Laissant un palmarès immense et une trace indélébile dans les mémoires, Rafael Nadal a mis fin, jeudi 10 octobre, à une carrière parmi les plus extraordinaires du tennis et même tous sports confondus. Champion indissociable de sa domination sur terre battue, l'Espagnol aura pourtant su se faire une place parmi les géants non pas à Roland-Garros, mais de l'autre côté de la Manche.
Le 6 juillet 2008, son succès en finale de Wimbledon contre Roger Federer a signé son adhésion au cercle des légendes de son art. Pour rentrer un peu plus dans la lumière, Rafael Nadal a su sortir de l'obscurité au cours d'une rencontre qui restera à jamais comme "le match dans le noir". A cette époque, Rafael Nadal est déjà un grand. Il vient de corriger le même Federer en finale de Roland-Garros (6-1, 6-3, 6-0) pour son quatrième sacre consécutif porte d'Auteuil.
Un bras de fer qui penche enfin de l'autre côté
Cette fois, une atmosphère de rébellion flotte sur le All England Club. Car si, sur ocre, il semble acquis qu'on ne peut faire mordre la poussière à Nadal, les vertes prairies de Wimbledon étaient alors la propriété quasi exclusive du Suisse, vainqueur des cinq dernières éditions.
Comme une évidence, les deux hommes se retrouvent en finale. Le plus dur reste alors à faire pour Nadal : mettre fin aux 65 victoires de rang sur gazon de Roger Federer et l'empêcher d'égaler le record de Björn Borg de six titres consécutifs à Wimbledon. Le premier point donne le ton. L'habituelle mise en route est un premier round, un vrai, conclu par le Taureau de Manacor. Rafa distribue les passings comme des uppercuts et remporte le premier set (6-4). Le premier tremblement. Federer, d'ordinaire imperturbable, laisse paraître des signes d'agacement. Le challenger se fait agresseur, alors que le maître des lieux a perdu la clé.
La deuxième manche file, Federer encaissant les cinq derniers jeux, sa raclée de Roland lui triturait l'esprit plus qu'il ne voulait bien se l'admettre. "Mon problème, c'est que j'avais perdu d'une manière horrible un mois plus tôt", avouera-t-il dans le documentaire "Strokes of Genius", consacré à la rivalité entre les deux hommes.
Vient alors le signe divin. Le ciel se couvre au-dessus du court. A 5-4, c'est le déluge. S'en suit 1h20 d'entracte, largement assez pour gamberger. "Il avait perdu deux sets, mais j'étais plus nerveux que lui", se remémore Nadal dans son autobiographie, Rafa, parue en 2011. Au retour des vestiaires, le troisième, et possible dernier, set se joue au tie break. Federer sert le plomb, puis se lâche enfin dans l'échange pour revenir à deux manches à une.
Le quatrième set est ensuite un concentré rare de la palette technique de deux des plus grands joueurs de tous les temps. Nadal servant en premier, Federer est dos au mur et doit répondre, six fois. Ce qu'il fait, sans concéder la moindre balle de break. Le jeu décisif est époustouflant. Nadal mène 5-2, à deux points du trophée. Mais il est pris de ce qu'il nommera "la peur de gagner". Comme s'il était redevenu soudainement humain, fébrile, même, sur son service. A 7-7, Nadal assène un passing dingue en bout de course pour s'offrir une deuxième balle de match. Mais elle est effacée par un passing de revers venu d'une autre planète signé Federer. Le Suisse recolle à deux sets partout, 302 points joués, 151 partout. Presque trop beau pour être vrai.
Un dénouement aux chandelles
Combien se seraient alors écroulés, persuadés d'avoir raté le train qui attendait pourtant à quai ? Certainement pas Rafa. Il lui faudra être patient, la faute aux nouveaux caprices de la météo et à une deuxième pause, à 2-2, cette fois d'une demi-heure. Le jeu d'attente vire à la course contre-la-montre. Les jeux défilent, sans qu'un des joueurs ne se détache en dépit des conditions de plus en plus difficiles. 3-3, 5-5, 7-7…
A 21h15, un horaire bien tardif pour une finale de Grand Chelem, on n'y voit plus rien en tribunes. La nuit londonienne est quasiment tombée sur un Centre Court qui ne dispose pas encore d'éclairage. L'arbitre, le Français Pascal Maria a déjà tranché : contraint par l'obscurité, il arrêtera le jeu à 8-8, un crève-cœur. Il n'en aura pas le besoin. Un coup droit dans le filet, un autre derrière la ligne de fond de court et Federer offre le break. Nadal peut enfin relâcher l'effort sur une ultime faute directe adverse. Sous le crépitement éblouissant des flashs, l'Espagnol l'emporte dans un décor irréel. 6-4, 6-4, 6-7, 6-7, 9-7, et 4h48 de jeu plus tard, un nouveau monarque est né.
Ce match par son niveau sensationnel et sa dramaturgie restera unique en son genre. Parce qu'aucun autre ne se jouera plus jamais de la sorte, puisqu'il fut le dernier sans toit au-dessus du court central. Parce que Nadal, le roi de la terre, qui bat Federer, le roi du gazon, dans son jardin, c'est toute la planète tennis qui se retrouve sans dessus-dessous. Parce que cette victoire signifiait aussi une passation de pouvoir et le début d'un règne pour l'Espagnol, n°1 mondial pour la première fois de sa carrière après 237 semaines de règne ininterrompu de Roger Federer.
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