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Roland-Garros : l'ampoule, cette blessure qui empêche les tennismen de briller

A priori moins grave qu'une entorse ou une tendinite, cette blessure très courante, surtout durant la quinzaine à la porte d'Auteuil, est parfois tout aussi handicapante.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Le pied de Maria Sharapova, lors d'un quart de finale de l'Open d'Australie face à Anna Chakvetadze, le 24 janvier 2007. (MARK BAKER/AP/SIPA / AP)

Souvent sanguinolente, parfois mal placée, toujours handicapante. L'ampoule est la "maladie" professionnelle du tennisman, en s'attaquant à ses deux outils de travail : les mains et les pieds. Une inflammation décuplée par la chaleur, les glissades sur terre battue et la durée des matchs, souvent plus longs à Roland-Garros que dans les autres tournois du Grand Chelem. L'occasion pour franceinfo d'apporter ses lumières sur les ampoules, qui risquent cette année encore de faire parler d'elles. 

Préparer ses pieds "à partir à la guerre"

"La meilleure façon de savoir si la compagne d'un tennisman l'aime, c'est de lui montrer ses pieds. Si elle reste..., sourit l'ex-joueur américain Justin Gimelstob dans le New York TimesParce qu'ils sont franchement affreux. Pourquoi croyez-vous qu'ils les cachent sous des chaussettes ?" Cuits à l'étouffée dans des chaussures de sport plusieurs heures par jour, ils sont petit à petit ravagés par les ampoules. "Aux pieds, elles constituent la blessure la plus fréquente sur le circuit", confirme Kathleen Stroia, en charge des questions médicales à la WTA.

Pour l'éviter, les meilleurs pros ont leur truc : Roger Federer se fait méticuleusement bander les pieds avant chaque rencontre, puis enfile deux paires de chaussettes. "Pourquoi deux ?", lui a demandé Jim Courier sur un court de l'Open d'Australie. "Mes filles me posent aussi la question, a répondu le Suisse. Parce que je trouve ça plus confortable." Cela permet aussi de minimiser le frottement du pied sur la chaussure. C'est sans doute pour ça que l'ex-joueur australien Lleyton Hewitt, pas du genre frileux, enfilait trois paires avant de fouler le court. Peut-être ont-ils aussi en tête le sort du fils du président américain, Calvin Coolidge, mort d'une ampoule au pied qui s'est infectée alors qu'il disputait une partie de tennis sans chaussettes sur le court de la Maison Blanche...

Andy Murray grimace lors de l'intervention d'un soigneur pour une ampoule, en finale de l'Open d'Australie, le 21 janvier 2013. (MATTHEW ASHTON / CORBIS SPORT)

Si c'était si simple, tous les joueurs porteraient trois couches de chaussettes (surtout pas en coton, qui retient l'eau) et des chaussures une pointure plus grande. Mais dans la fournaise de l'Open d'Australie ou de l'US Open, quand la finale se dispute par 35 °C bien tassés, difficile de supporter un harnachement de skieur. Demandez à Andy Murray, qui a enchaîné les deux tournois, en septembre 2012 puis en janvier 2013. "A l'US Open, j'ai fini le match avec deux ongles de pied noirs." Que le Guardian comparera à "la couverture d'un magazine scientifique sur les épidémies ravageant le vignoble."

Cinq mois plus tard, son pied bandé – car perclus d'ampoules – doit être insensibilisé à l'aide d'un spray réfrigérant. "Environ 90% des joueurs qui ont disputé le tournoi jouent avec des ampoules", remarque l'Ecossais, interrogé sur la douleur. Les pieds d'un joueur actuel sont sans doute mieux lotis que ceux d'un tennisman vintage : Nike et la WTA ont ainsi réalisé la mesure détaillée en 2009 des pieds de toutes les joueuses du circuit et partagé les données auprès des équipementiers. N'empêche : Andre Agassi avait coutume de dire qu'il "préparait ses pieds à partir à la guerre" avant chaque match.

L'ampoule à la main, c'est pas le pied

Les mains sont également mises à rude épreuve. Surtout pour les joueurs qui suent beaucoup, comme Richard Gasquet. Le Français refait ainsi le grip du manche de sa raquette à chaque changement de côté. Pire, Rafael Nadal – gâté aussi niveau sudation, au point de s'essuyer entre chaque point – se fait bander la main, selon un rituel solidement établi. D'abord la main gauche, toujours, la première phalange de l'index, la dernière du majeur et de l'auriculaire, la seconde de l'annulaire, détaille ABC. Parfois à la main droite, comme lors de la finale de l'US Open 2011 (perdue contre Novak Djokovic). 

Même avec la main sanguinolente, les joueurs peuvent serrer les dents. Mais leur performance s'en ressent forcément. Björn Borg avait laissé filer la finale de l'US Open 1978 à cause d'une ampoule au pouce, vestige d'un combat contre Vitas Gerulaitis en demi-finale. Comme le raconte le reporter du Chicago Tribune, "il a grimacé en serrant la main de son adversaire au début du match". Ce qui augurait du score, 6-2, 6-2, 6-2 pour Jimmy Connors. Son coach a laissé entendre que le joueur avait fait une injection antidouleur avant la rencontre, ce qui a eu pour effet d'anéantir ses sensations. "Il laissait échapper sa raquette sur des revers", raconte Lennart Bergelin. 

La main gauche du tennisman Rafael Nadal, lors de son quart de finale de l'Open d'Australie contre Grigor Dimitrov, le 22 janvier 2014 à Melbourne.  (QUINN ROONEY / GETTY IMAGES)

Qui a oublié la main crevassée de Rafael Nadal lors des derniers tours de l'Open d'Australie ? Avec une énorme ampoule au milieu de la paume de la main, où il est impossible de faire tenir un pansement. La fédération espagnole avait dépêché deux médecins de l'autre côté de la Terre munis d'un mystérieux appareil pour accélérer sa récupération, raconte Marca. Baptisé "Indiba", l'engin utilise les fréquences radio pour accélérer la régénération des cellules et drainer la zone blessée. 

Même des cadors comme Serena Williams chopent des rougeurs comme des bleus. L'élégante n°1 mondiale arborait des doigts recouverts de bijoux pendant Roland-Garros 2013, dont une énorme bague sertie de diamants, qui a martyrisé son auriculaire pendant la quinzaine. Ampoule ou pas, la joueuse s'est fait appliquer une pommade et a continué son match. Interrogée sur ce que la télévision américaine a aussitôt baptisé la "bling blister" (l'ampoule bling-bling) dans l'émission de David Letterman, Williams a répondu, crânement : "Une fille doit toujours porter des diamants." Sacré coup de pub pour la marque.

En parlant de pub, vous ne serez pas surpris d'apprendre que la joueuse danoise Caroline Wozniacki est l'égérie de la marque de pansements spécialisés Compeed, ou que Rafael Nadal fait de la retape pour leurs concurrents, Mueller...

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