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Toi aussi, apprends à détester Federer et/ou Nadal

Le Suisse et l'Espagnol sont les deux tennismen les plus populaires du monde. Mais alors que le premier est adulé côté joueurs comme spectateurs, le second ne fait pas la même unanimité.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Rafaël Nadal en Gollum et Roger Federer en Hobbit. Les anti-Nadal ont encore frappé, avec cette parodie d'une affiche du "Seigneur des anneaux". (DR )

Les deux icônes du tennis masculin, au rendez-vous de Roland-Garros 2012, déchaînent les passions et s'affrontent hors du terrain à coups de millions de fans sur Facebook. Mais l'affection pour Roger Federer entraîne souvent un vif rejet de de Rafaël Nadal et inversement. Les deux camps se renvoient leurs casseroles respectives : bienvenue dans le côté obscur du tennis mondial.

• Roger Federer, monsieur Parfait, trop parfait

Pour détester Roger Federer, il faut vraiment le vouloir. Le Suisse a été élu joueur préféré neuf fois de suite par des amateurs de tennis... et huit fois par des joueurs. Rien de compromettant dans son comportement sur le court : de temps en temps, il brise une de ses raquettes, mais tous les tennismen le font. Rien non plus dans son passé : il n'a pas eu d'enfance de bad boy à taguer les murs de Bâle et il s'est marié à son amie d'enfance sans louper un tournoi. Les seules choses qui pourraient jouer contre lui : les coupes de cheveux de ses années lycée et le poster de Pamela Anderson placardé dans sa chambre d'ado. Assez maigres comme dossiers à charge. 

Pourtant, il faut bien qu'il y ait une faille. Que trouver à lui reprocher ? Son arrogance supposée ? Son insolente maîtrise de trois langues ? Le journal australien Sunday Morning Herald (lien en anglais) a laborieusement cherché des arguments contre le Suisse, dont celui-ci : "Roger Federer est moyennement beau. Si ce n'était pas une superstar, on ne se retournerait pas sur lui", estime la femme de l'auteur de l'article. 

Paradoxalement, c'est son côté "monsieur Parfait" qui constitue sans doute son plus gros défaut et irrite au plus haut point ses détracteurs. Le tennisman américain Andy Roddick a parfaitement résumé la situation : "J'adorerais te détester, Roger, mais tu es trop sympa pour ça." Seul... Nelson Mandela devance le Suisse dans un sondage (lien en anglais) sur les personnalités les plus respectées de la planète.

Même quand il change de polo, comme à l'US Open 2009, Roger Federer est toujours classe. Enfin presque. (TIMOTHY A. CLARY / AFP)

Face à cette unanimité, il fallait bien que quelqu'un se dévoue. "Je déteste le fait que personne d'autre que moi déteste Roger Federer, écrit le blogueur Lounging Pass (en anglais)Et aussi parce que les médias l'ont proclamé Meilleur Joueur De Tous Les Temps, même avant qu'il ne dépasse le record de 14 titres du Grand Chelem de Pete Sampras."  Mais, à force de le regarder jouer, Lounging Pass a changé d'avis : "Désormais, je l'apprécie. (...) Il est une sorte de robot devenu romantique."

Ce que lui reprochent surtout les fans de Rafael Nadal tient dans cette analyse d'un internaute postée sur un forum dédié à l'équipe anglaise de foot de Stoke City : "Federer, c'est l'équivalent de l'équipe d'Arsenal au tennis. Tous les puristes le préfèrent à Nadal, même si l'Espagnol est objectivement meilleur. Mais Nadal est plus agressif, plus clivant, donc les gens qui veulent voir des points d'anthologie plutôt qu'une performance d'ensemble plus consistante ne l'aiment pas." Comme bien souvent en sport, c'est quand on commence à perdre qu'on devient populaire. Roger Federer a beaucoup plus de fans maintenant qu'il ne gagne plus trois tournois du Grand Chelem sur quatre, comme l'équipe Arsenal est universellement louée pour son beau jeu maintenant qu'elle est devenue un outsider du championnat d'Angleterre.

"J'aimerais bien qu'on se souvienne de moi comme d'un type sympa", a confessé le Suisse à l'Open d'Australie 2009. C'est bien parti pour, n'en déplaise à certains.

• Rafael Nadal, trop fort pour être vrai

Objectivement, Rafael Nadal est devenu plus fort que Roger Federer sur le court. Il a atteint sa plénitude plus jeune, domine le Suisse sur à peu près toutes les surfaces, a une meilleure condition physique et donc pourrait bien battre son record de victoires en Grand Chelem.

Le gros problème de Nadal, c'est qu'il est arrivé après Federer : "Pour qu'il y ait un héros, il faut qu'il y ait un méchant, et Nadal s'est vu attribuer ce rôle", analyse le Sydney Morning Herald (en anglais). Il est pratiquement perçu comme un usurpateur par les fans de Federer, beaucoup moins ouverts que ceux de Nadal. Il n'est pas rare que les amateurs de l'Espagnol apprécient le Suisse, quand l'inverse est beaucoup moins vrai. Les fans de Federer vouent une passion entière, "totalitaire" écrit le Bleacher Report (en anglais), à leur champion. Il n'y a qu'à voir ce montage pro-Federer façon Seigneur des anneaux où Nadal se voit attribuer le rôle de Gollum...

Federer en Aragorn dans une parodie du "Seigneur des anneaux", alors que Nadal hérite du rôle de Gollum. Les rôles sont renversés dans la parodie de "Star Wars", où Nadal devient le Luke Skywalker du tennis. (DR)

Et puis Nadal manque de classe. Sur le court, il a des TOC (alignement de bouteilles d'eau près de son siège, ajustement de son slip entre chaque point...). Le simple fait qu'il mordille systématiquement tous les trophées qu'il remporte suffit à lui mettre à dos des passionnés de la petite balle jaune. Contrairement à Federer, il agace même chez les joueurs. Comme Jo-Wilfried Tsonga, à l'Open d'Australie 2008 : "Quand on le voit faire ses trucs, on a presque envie qu'il tombe et se blesse..."

Et son bras gauche herculéen ne laisse pas indifférent dans un sport de gringalets. Guy Forget avait estimé : "Nous n'avons pas besoin de bras de maçons dans le tennis." De fait, sur les forums spécialisés, certains s'interrogent sur ses capacités physiques hors normes.

Rafael Nadal se change lors de la demi-finale de Roland-Garros 2011 contre Andy Murray. (JACQUES DEMARTHON / AFP)

Sans parler de son jeu, jugé répétitif. Un blog des Inrockuptiblesdans une longue diatribe contre l'Espagnol, l'accuse d'être le fossoyeur de son sport : "Regarder Nadal, c’est comme regarder 'Mad Men' : il ne se passe rien et, très vite, on s’emmerde."

Nadal, plus jeune que Federer, ne s'est pas encore posé la question de la trace qu'il laissera dans l'histoire du tennis. On pourra se souvenir de son armoire à trophées pleine à craquer ou de son fair-play... que le blog Balle de Break voit comme une arme de com' totalement dépourvue de sincérité. Pourtant, l'Espagnol s'est même excusé d'avoir gagné devant un Federer en larmes à Roland-Garros en 2008. Quoi que fasse Nadal, il sera toujours le bad guy.

Moralité : le tennis est un sport où les sentiments se cristallisent sur les joueurs bien au-delà de leur jeu. Ainsi, on trouve sur Yahoo! Answers un sujet de discussion "je souhaite que Nadal soit battu à l'US Open car il n'aime pas les chiens" (en anglais). Si. 

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