Bianca Andreescu, nouvelle comète ou future reine du circuit féminin ?
"Même si quelqu'un me l'avait dit il y a deux semaines, je ne l'aurais pas cru". En se qualifiant pour la finale de l'US Open jeudi, Bianca Andreescu a avoué en conférence de presse s'être surprise elle-même. Bis repetita samedi soir quand, au terme d'1h40 de lutte, elle s'est allongée sur le court Arthur Ashe, victorieuse face à la reine Serena Williams pour sa première finale en Grand Chelem. Excusez du peu. Un an plus tôt, la Canadienne était 208e joueuse mondiale et ne comptait aucune participation au tableau de l'US Open...
Sa précocité intrigue autant que la fulgurance de son ascension. Andreescu est devenue la troisième joueuse la plus jeune de l'ère Open à se qualifier en finale à Flushing Meadows après Pam Shriver (1978) et Venus Williams (1997). Deux jours plus tard, elle est devenue la plus jeune joueuse sacrée en Grand Chelem depuis Svetlana Kuznetsova (US Open 2004). Elle succède à Maria Sharapova, dernière joueuse titrée en Grand Chelem avant ses 20 ans (US Open 2006). La jeune canadienne n'était même pas née quand Serena Williams remportait son premier titre en Grand Chelem (US Open 1999). Quand la jeunesse donne le vertige...
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Son éclosion intervient au plein milieu d'une époque ouverte, à la hiérarchie confuse. La brèche est ouverte depuis la fin du règne sans partage de "Serena" en septembre 2016 (186 semaines de règne inaltérable au classement WTA). Les 15 derniers tournois du Grand Chelem ont couronné neuf joueuses différentes (Osaka, Wozniacki, Kerber, S. Williams, Halep, Barty, Ostapenko, Muguruza, Stephens) et la valse des numéros 1 mondiales ne s'arrête plus. Elles sont 8 à s'être assises sur le trône depuis début 2017 et la couronne a changé de tête à 14 reprises.
Le mauvais exemple Ostapenko
Si Bianca Andreescu est déjà promise aux cimes, l'expérience récente a révélé que les destins tracés n'existaient plus. Prenons l'exemple de Jelena Ostapenko. Sacrée à Roland-Garros à tout juste 20 ans en 2017, la Lettonne peine depuis à se faire une place dans la hiérarchie mondiale. Elle est aujourd'hui 77e joueuse mondiale. Même la trajectoire de Naomi Osaka interroge. La Japonaise a beau être toujours numéro 1 mondiale, son règne vacille depuis de son titre à l'Open d'Australie en janvier. En plus d'un faible pourcentage de victoires (62.5%) et d'une accumulation de pépins physiques, elle a avoué en juin que le statut de n°1 représentait "beaucoup plus de stress et de pression" qu'elle ne le pensait.
Au-delà la difficulté de transformer son statut d'étoile montante en celui de terreur du circuit, Andreescu va devoir jouer des coudes au milieu d'autres promesses comme Marketa Vondrousova, finaliste à Roland-Garros à 19 ans, ou l'autre pépite des Internationaux de France, Amanda Anisimova, demi-finaliste à 18 ans. Et ne parlons pas de Cori Gauff, 8e de finaliste à Wimbledon à seulement 15 ans. Au milieu de toutes ces promesses, dont certaines déjà ébranlées, à quoi se destine Bianca Andreescu ?
La Canadienne a en tout cas presque tout pour briller, et briller partout : la créativité, la puissance, l'approche mentale. Son jeu tout en variations en a déjà écœuré plus d'une. Sa régularité détonne. En battant Serena Williams samedi, elle a enchaîné une 13e victoire consécutive (à cheval avec son titre à Toronto contre la même Serena). En 2019, Andreescu a remporté 4 titres, meilleur total du circuit WTA, devant Ashleigh Barty et Karolina Pliskova (3). Déjà 15e joueuse mondiale, elle devrait faire son entrée dans le Top 5 WTA.
Un physique fragile
Celle qui rivalisait "avec Félix Auger Aliassime quand elle avait 11 ou 12 ans" d'après les mots d'André Labelle, sa formatrice à Toronto, a aussi été coachée par Nathalie Tauziat. L'ex-joueuse française racontait à L'Equipe en août : "À treize-quatorze ans, elle ne rechignait pas pour aller sur le court. Elle a connu comme tous les jeunes des petits passages à vide. Il fallait par moments la secouer un peu mais c'est un peu la particularité des créateurs, Je l'obligeais à faire des exercices à long terme, ce qu'elle n'aimait pas. Pour avoir une bonne longueur de balle, on est obligé de faire des exercices répétitifs. Au bout d'un moment, ça la barbait mais elle l'a accepté car elle progressait."
Ce qui pourrait la rattraper et l'handicaper tient plus de son physique. Bianca Andreescu est particulièrement sujette aux blessures. Cette année sa folle ascension a été perturbée par un coup d'arrêt. Elle n'a joué que deux matches entre le 25 mars et le 7 août. Mais la Canadienne d'origine roumaine ne vit pas les blessures comme une tragédie. En 2016, victime d'une fracture de fatigue au pied droit à l'Open d'Australie juniors, elle a entamé sa rééducation en chaise roulante de bureau sans dossier, ce qui lui a permis de corriger son service notamment. "On a travaillé ma main et mon toucher pendant un mois, ça m'aide aujourd'hui dans mon jeu", a-t-elle confirmé récemment. Sa blessure à l'épaule à Miami ? Une expérience qui lui a permis de "mieux connaître son corps", selon ses propres mots.
Bianca Andreescu a pour l'instant mis tout en oeuvre pour accomplir ce qu'elle a clairement énoncé : "devenir numéro 1 mondiale, gagner beaucoup de Grands Chelems, [s]'améliorer jour après jour en tant que joueuse et personne, devenir une inspiration, apporter [s]a pierre au tennis féminin, pas seulement au tennis, au sport féminin en général sur des sujets comme l'égalité des hommes et des femmes". La première ligne est écrite, reste à trouver la suite.
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