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US Open : Battu par Novak Djokovic, Monfils avançait sa "différence" qui peut rimer avec nonchalance

Gaël Monfils est revenu sur sa drôle de demi-finale de l’US Open contre Novak Djokovic. Son comportement, critiquable et critiqué, a surpris mais le Français s’est défendu en assurant qu’il fallait changer quelque chose sous peine de se faire écrabouiller par le numéro 1 mondial.
Article rédigé par franceinfo
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Le joueur français Gaël Monfils durant sa demie contre Novak Djokovic à l'US Open 2016 (CHRIS TROTMAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

Gaël Monfils a du talent. C’est indéniable. Tous les observateurs le disent. John McEnroe le premier. L’Américain, avant l’US Open, assurait que le Français, avec tout ce qu’il a dans sa raquette, aurait dû gagner "4 ou 5 Majeurs". Mais à 30 ans, Gaël Monfils n’a toujours pas disputé une seule finale de Grand Chelem et vendredi il a laissé filer une nouvelle occasion d’en atteindre une. Balayé pendant deux sets par Novak Djokovic, Monfils a été alors l’ombre du joueur qu’il peut être : bagarreur, bombardier, sprinteur. Des qualités que Monfils possèdent en temps normal, mais qui pendant une heure ont disparu de la surface du court Arthur Ashe. Son entame de match ne l’a pas aidé. Une double-faute, un retour de Djokovic l’ont mis "dos au mur". Sa panne de première balle (52% au premier set) et l’habituelle qualité de retour de 'Djoko' ont fait le reste. Mené 5-0, il fallait changer quelque chose. "Je change de tactique, parce que quand je joue normalement, je me fais écraser", a résumé "la Monf’".

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Horripilant

Talentueux, Monfils l’est, on l’a dit. Fantasque, il l’est aussi. Capable de coups de génie incroyables, ou de sautes de concentration exaspérantes, le Français peut agacer. C’est le sentiment qu’ont ressenti les spectateurs et téléspectateurs durant la rencontre quand Monfils s’est mis à reculer, à slicer, à attendre nonchalamment le service de son adversaire. Commentateur pour ESPN et aux premières loges, John McEnroe n’en a pas raté une miette et ne s’est pas gêné pour dire ce qu’il en pensait. L’ancien joueur a accusé le 12e joueur mondial (qui rentrera dans le Top 10 après l’US Open, ndlr) d’être non-professionnel. Ses commentaires, écoutés par les spectateurs grâce aux oreillettes qui leurs étaient distribuées, ont fait réagir. Des sifflets et des hués destinés au Français sont descendus des tribunes, lui qui est, d’habitude, encouragé et acclamé pour sa capacité à faire le show. "Ça fait partie du jeu. Les gens espéraient une bataille plus âpre", a résumé Monfils après la rencontre.

Ce curieux et parfois triste spectacle, Monfils l’a proposé parce qu’il n’avait pas d’autres solutions. Pas par envie. C’était sa défense face aux critiques. Djokovic était trop fort. "Aujourd'hui, il (Djokovic, ndlr) jouait mieux que moi", a-t-il avoué. Tout simplement. Une habitude qui est désormais une sale rengaine puisque c’est la 13e défaite du Français en autant de confrontations face au Serbe. Pour éviter une nouvelle humiliation, il a fait des choses qui ne lui ressemblaient pas. Ou alors trop, c’est au choix. "Je suis passé par un jeu académique, puis un jeu moins académique et enfin un gros combat à la fin et il avait réponse à tout. Il était plus fort que moi. J'ai tenté pas mal de choses, service-volée, essayer de bomber la balle, essayer de jouer rapidement, venir beaucoup au filet, j'ai tenté pratiquement tout. Il a un jeu qui me gêne et qui n'est pas facile à dompter. Avant le début du match, je savais que si ça se passait très mal, je pouvais jouer de manière différente, pendant quelques jeux, quelques points pour essayer de le déstabiliser, l'attirer au filet, ne pas lui donner de rythme".

Le pire ? Cela a fonctionné

En déjouant de la sorte, il a installé le doute dans la machine serbe. Cette mécanique, si bien huilée qui marchait sur Monfils, s’est grippée et le Français a sorti la tête de l’eau. "J'ai connu plusieurs phases durant cette rencontre, je dois le reconnaître", a déclaré le numéro 1 mondial. "J'ai eu des phases où (Monfils) m'a énervé, des phases où il m'a amusé par ce qu'il tentait de faire et des phases où je me suis exaspéré moi-même en le laissant déranger mon jeu et mon rythme", a-t-il poursuivi. C’est comme ça que Monfils a pu empocher le troisième set. Parce qu’à force de ralentir le rythme, de jouer parfois en marchant, de donner l’impression de s’en ficher, il a fait sortir son adversaire de la rencontre. Et lorsqu’il s’est remis en mode "sérieux", il l’a bousculé, fait vaciller. Une tactique payante donc… et programmée. Monfils savait que cette façon de jouer "allait être temporaire pour me sentir mieux et, lui, le faire sortir de son bon début de match". "Quand je joue un peu différemment, il n'y a pas match, mais je gagne des jeux", a-t-il poursuivi. Pour survivre dans cette partie, il a dû donner l’impression de s’autodétruire, pour mieux rebondir.

Trop de pression ?

Mais alors pourquoi ? Pourquoi a-t-il fallu attendre deux sets et cinq petits jeux inscrits pour voir Monfils se réveiller ? Pourquoi en passer par-là ? "Je suis désolé d'être différent, je suis différent", s’est-il excusé. Cette victoire, cette première finale de Majeur, Monfils la voulait sûrement plus que tout. Sans doute trop pour aborder cette rencontre face au numéro 1 mondial, sa bête noire, dans les conditions idéales, nécessaires pour l’exploit. "J'ai regardé une grande partie du match et je pense que Gaël était tout simplement nerveux", a expliqué Stan Wawrinka, spectateur averti. "Chacun réagit de façon différente, il lui a fallu un certain temps pour évacuer sa nervosité, c'est son style, il a voulu évacuer la pression", a insisté le futur adversaire de Djokovic en finale. "Je le connais depuis longtemps, je n'ai pas pris ce qu'il a fait comme une attaque personnelle, il a juste essayé des choses", l’a défendu Djokovic. Son comportement n’était pas du ‘foutage de gueule’, "il aime les grands rendez-vous, il aime jouer au tennis et cela se voit", a insisté le Serbe.

Des paroles réconfortantes pour un Monfils presque plus atteint par les critiques que par la défaite. "Et si être différent, c'est être non-professionnel, c'est dur, quand on arrive en demi-finales d'un Grand Chelem. Pourquoi on me traite de non-professionnel en fait ? Si d'être dans les 10 meilleurs du monde, c'est être non-professionnel ? Si de s'entraîner tous les jours, c'est être non-professionnel? Si de prendre du plaisir sur le terrain même si on se fait malmener, c'est être non-professionnel? Parce que je souris, que j'essaye de faire d'autres choses, et que je suis légèrement différent, pourquoi je serais non-professionnel ?". Un monologue en forme de plaidoyer pour son droit à la différence. John McEnroe, ce joueur qui pouvait ‘dégoupiller’ durant une rencontre et capable de colères mémorables, devrait être d’accord.

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