US Open : la bulle sanitaire était-elle la bonne solution ?
Si vous demandez à Kristina Mladenovic ou Benoît Paire de noter l’organisation de l’US Open 2020, ils mettront certainement une bulle à la bulle. Les deux Français sont les héros malheureux, et les principales victimes, de cette organisation inédite. Mais, à circonstances exceptionnelles, il fallait bien des mesures exceptionnelles. Devant la menace de propagation de la Covid-19, l’USTA, la fédération américaine de tennis, avait donc opté pour la manière forte en imposant le huis clos et une bulle sanitaire qui se voulait impénétrable. A l’heure du bilan, il faut reconnaître qu’aussi contraignante fut-elle, la méthode a plutôt bien fonctionné.
Les chiffres, tout d’abord. Ils donnent forcément raison aux organisateurs puisqu’un seul cas a été recensé. Et encore. D’abord testé positif juste avant le début du tournoi, sous l’égide du centre de contrôle des maladies (CDC) et des autorités sanitaires de l’État, Benoît Paire a présenté un résultat négatif trois jours plus tard. Mais le mal était fait, et le ver s’introduisait dans la (grosse) pomme à New York. Les heures qui ont suivi ont révélé la vulnérabilité du système, prisonnier de son propre cadre.
Placé à l’isolement dans sa chambre d’hôtel, l’Avignonnais a n’a pas caché sa colère sur Instagram, où il a écrit : « Je vais bien pour l’instant je n’ai pas de symptôme… J’hésite à raconter ce qu’il se passe réellement dans cette FAKE BUBBLE (fausse bulle) ».
Le problème c’est que cette mise à l’écart forcée du numéro 2 français a créé une réaction en chaîne qui a également touché les compatriotes qu’il a fréquentés à son arrivée à New York. Les fameux cas contacts.
De sévères, les mesures de protection sont passées à drastiques. Sept joueurs, dont les tests étaient négatifs, ont ainsi signé un nouveau protocole encore plus contraignant pour pouvoir jouer le tournoi : en isolement total, ils ont alors été confinés dans leur chambre, avec l’interdiction d’y recevoir quiconque, ils n’ont plus eu accès aux parties communes de l’hôtel et les tests au coronavirus sont devenus pour eux quotidiens. Sur les lieux de la compétition, ce n’était guère mieux puisque l’accès aux vestiaires et à la salle à manger leur étaient également interdits. Ce sont ces conditions qui ont fait craquer Kristina Mladenovic, traitée, selon elle, « comme une criminelle »
Ce qui peut également choquer, c’est la différence de traitement dont ont été victimes les joueurs et les joueuses. Là où Mladenovic a été interdite de disputer son double pour avoir été en contact avec Paire, Adrian Mannarino, lui a pu participer. Mais dans quelles conditions ! Le Français s'est d’abord vu signifier dans un premier temps que, contrairement aux autorités sanitaires de la Ville de New York qui l'autorisaient à disputer ses matchs depuis qu'il avait accepté le nouveau protocole, les autorités de l'Etat de New York voulaient le maintenir en quarantaine.
Finalement, la Fédération américaine a obtenu in extremis le feu vert et Mannarino a pu affronter Zverev. Mais ces atermoiements ont fait grincer des dents parmi les joueurs, dont celles de Novak Djokovic qui est lui-même monté au créneau pour signifier qu’il n’avait « pas apprécié le traitement réservé au joueur français ».
Dans un monde idéal, tout le monde aurait fait comme le Serbe et aurait payé à ses frais une maison privée aux abords du stade pour éviter cette « prison dorée ». Mais la réalité est bien sûr toute autre et il a fallu s’adapter. Certains Français ont réussi à le faire avec un certain humour. « Je suis passé d’un "inconnu en Grand Chelem" à "j’ai l’impression d’être Roger (Federer)" » déclarait ainsi Grégoire Barrère en début de quinzaine, faisant allusion au fait qu’il bénéficiait d’une protection rapprochée. « J’ai ma voiture particulière, des gardes du corps pour aller m’entraîner… »
Reste que, derrière l’expérience plus ou moins bien vécue, il y a les contraintes logistiques nées d’un tel enfermement dans la bulle. Les cas contacts ont ainsi été priés d’observer une période de quarantaine qui les a retardés dans leur préparation pour le retour en Europe où les tournois sur terre battue les attendent en vue de Roland-Garros. « Pour la suite de la saison ce n’est pas une bonne nouvelle », regrettait ainsi Richard Gasquet.
Roland Garros, justement, a pu suivre de près, l’évolution du tournoi américain. Il fait croire que le système de bulle n’a pas entièrement convaincu les organisateurs français puisque ces derniers ont opté pour une approche plus souple, sans imposer de huis clos, en misant sur le principe de responsabilité plutôt qu’en imposant de force des contraintes et en scindant le site en trois espaces spécifiques et non concomitants. L'histoire et l'épreuve du temps diront si la solution "à la française", moins liberticide, était la meilleure.
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