Deux grands combats et un chef-d'oeuvre, les Federer-Nadal qui ont fait Wimbledon
• 10 juillet 2006 – Finale – Victoire de Roger Federer (6-0, 7-6, 6-7, 6-3)
Au moment d’affronter Rafael Nadal pour la première fois de sa carrière à Wimbledon, Roger Federer a déjà fait du Centre Court londonien son jardin. Triple tenant du titre, il est le grandissime favori à sa propre succession, mais ne saurait se montrer trop prudent face à un adversaire qui vient de le battre cinq fois consécutivement. Impuissant en finale de Roland-Garros un mois plus tôt, le Bâlois commence à faire un certain complexe d’infériorité contre le Majorquin, et n’aborde pas sa 4e finale au All England Club très sereinement.
Pourtant c’est bien lui qui débute cette finale sur les chapeaux de roue, en infligeant une bulle à son adversaire d’entrée (6-0). Méconnaissable et surtout crispé, Rafael Nadal paraît alors bien loin de ses standings habituels, et traverse "le premier set en spectateur du récital du maître", peut-on lire dans l’Equipe du lendemain. Mais cette gifle a le mérite de titiller l’orgueil de l’Espagnol, qui profite d’une baisse de régime du Suisse dans le deuxième set pour le faire douter.
L'égal d'Agassi et Lendl
"Redescendu de son nuage, Federer est contrait de faire face à un adversaire aussi déterminé que lui, et pas moins adroit. Il souffre pour retourner le service du gaucher, qui se montre tout aussi agressif que lui" poursuit l’Equipe. Bousculé, le Bâlois s’en sort finalement dans le tie-break de la deuxième manche, alors que Nadal venait de manquer l’occasion de recoller au score sur son service à 5-4, en commettant 4 grosses fautes. Le tournant du match, sans aucun doute.
La Taureau de Manacor pense bien reprendre l’ascendant dans sa tentative de putsch en s’adjugeant la troisième manche au jeu décisif – premier set concédé par Federer depuis le début du tournoi – mais est vite rattrapé par l’insolente réussite du Suisse, tout puissant dans son jardin. Dominé dans les longs échanges, le tenant du titre trouve toujours le moyen de s’en sortir, et sort un incroyable retour de coup droit à 30-15 (2-1) dans le quatrième set pour faire le break. Désabusé, Nadal ne reviendra plus. Il s’incline 6-3 et laisse les clés du All England Club à son propriétaire, 4 fois sacré.
Roger Federer reste donc le Roi du Centre Court, et égale les Connors, Agassi ou autre Lendl en décrochant son huitième tournoi du Grand Chelem, à 25 ans seulement. "Federer est un joueur incroyable. C'est une surface difficile pour moi, mais j'ai joué à mon meilleur niveau. J'ai progressé et c'est pour ça que je suis très content. J'espère que si je joue, à nouveau dans le futur, une finale ça ne sera pas contre quelqu'un comme Federer", se consolera Rafael Nadal après sa défaite.
• 9 juillet 2007 – Finale – Victoire de Roger Federer (7-6, 4-6, 7-6, 2-6, 6-2)
Un an après leur premier duel dans le temple du tennis, Roger Federer et Rafael Nadal se préparent de nouveau à croiser le fer en finale. Comme en 2006, ils se retrouvent sur le pré vert après s’être disputé le titre à Monte-Carlo, et à Roland-Garros, pour deux victoires faciles du Majorquin. Seule éclaircie dans ses duels récents face au champion incontesté de l’ocre, le Suisse a surclassé Nadal en finale de l’ATP 500 d’Hambourg, quelques semaines plus tôt.
Les deux hommes dominent outrageusement le circuit depuis plusieurs mois (ils sont respectivement numéro un et deux mondiaux), et n’ont pas vraiment eu à forcer pour valider leur rendez-vous programmé en finale de Wimbledon. Nadal a bien été bousculé par Mikhail Youzhny en huitièmes, mais a ensuite étrillé Tomas Berdych en quarts avant de bénéficier de l’abandon de Novak Djokovic en demi-finale. De son côté, Roger Federer a passé les obstacles Haas, Ferrero et Gasquet sans encombre. Une formalité.
Peut-être plus emprunté physiquement, le Majorquin a d’abord du mal à entrer dans sa finale, et concède un break immédiat avant de recoller à cinq jeux partout. Poussé dans un tie-break suffoquant, le Bâlois parvient à faire la différence "sur deux erreurs en coup droit du Majorquin", écrit Eurosport, "Après avoir sauvé trois, puis quatre balles de set, Nadal s’incline sur la cinquième. Federer saute de joie après un tie-break à suspense. La logique est respectée" peut-on lire. Voilà qui donne le ton de la rencontre, mais le finaliste malheureux de la précédente édition n’a pas dit son dernier mot, bien au contraire.
Si proche, si loin
Bien décidé à jouer sa chance jusqu’au bout, Rafa hausse le niveau dans le deuxième acte. "Il enflamme le gazon. Qu’il soit sur ses jambes ou par terre, tous ses passings font mouche. Le coche Federer déraille et le Suisse s’incline 6-4 sur un passing de revers qui claque". Un partout balle au centre. La rencontre s’emballe et les deux joueurs offrent au public du Centre Court un spectacle monumental. "Le match devient même brutal" écrira un journaliste d’Eurosport.
Comme à son habitude, l’Espagnol donne tout ce qu’il a dans ses coups, mais le maître des lieux a du répondant, et s’appuie sur une première balle dévastatrice. Le Suisse plie mais ne rompt pas, et impose une nouvelle fois sa loi dans le tie-break, remporté 7-3. Touché au genou, le taureau de Manacor est affaibli, mais sa volonté de tous les instants lui offre deux breaks précieux dans le quatrième set, qu’il pliera 6-2 après l’intervention du kiné. Le cinquième set est un modèle de réaction de Roger Federer, qui semble trouver un second souffle après son coup de moins bien. Nadal se contracte et concède le break à 4-2. Fatal. Le Suisse est lancé vers un cinquième titre et ne lâchera plus les rênes du match.
Il s’impose au terme d’un combat de 3h45 et rejoint Bjorn Borg dans la légende de Wimbledon, avec cinq titres. Le Bâlois conserve sa suprématie mais cette fois, "le coup est passé très près" écrit l’Equipe, "à tel point que désormais, on imagine plus facilement Nadal dominant Federer à Londres que le contraire à Roland-Garros (…) La surface est idéale pour mesurer l’écart de plus en plus infime qui sépare les deux styles" poursuit le journal. Le Majorquin est passé proche, très proche. Son heure de gloire au All England Club n’est plus très loin, elle ne saurait même tarder.
• 7 juillet 2008 – Finale – Victoire de Rafael Nadal (6-4, 6-4, 6-7, 6-7, 9-7)
Un chef-d'oeuvre, un récital, un monument. La troisième finale d’affilée entre Roger Federer et Rafael Nadal à Wimbledon – dernière rencontre en date entre les deux joueurs dans le tournoi – est considérée par beaucoup comme l’un des plus beaux matches de l’histoire du tennis. Une rencontre magique, hors du temps, conclue après 4h48 de jeu et trois interruptions, qui a forgé la légende de la rivalité entre le Suisse et l’Espagnol.
Alors qu’il vient d’humilier son rival en finale de Roland-Garros (6-1, 6-0, 6-3) pour ce qui reste comme la pire défaite de Roger Federer dans leurs confrontations, Rafael Nadal n’a jamais semblé aussi proche de pouvoir s’offrir un nouveau Grand Chelem (en 2008, il n’a pas encore gagné à Wimbledon, à l’US Open et à l’Open d’Australie). Intraitable tout au long de la quinzaine avec seulement 27 jeux concédés depuis les huitièmes de finale, le Majorquin garde un souvenir amer de sa précédente finale, où il n’était pas passé loin de faire tomber le maître.
Mais la tâche s’annonce compliquée face au numéro 1 mondial, qui n’a plus perdu sur gazon depuis 65 matches. Lui aussi très facile jusqu’en finale, Roger Federer vise un 6e titre consécutif à Londres, ce qui serait un exploit unique dans l’histoire du tennis. Sauf que contrairement à ses deux dernières finales sur le pré vert, ce n’est pas lui qui prend le meilleur départ dans ce match. Bien au contraire. Secoué dans tous les sens par un Nadal déterminé comme jamais, le Bâlois concède les deux premières manches assez vite 6-4, 6-4, et voit ses rêves de sextuplé s’envoler doucement, mais sûrement.
"Je joue le meilleur joueur de l'histoire"
Entre deux averses, le tenant du titre trouve néanmoins les ressources pour revenir dans ce match, en décrochant d’abord la troisième manche au tie-break 7-6. Nettement plus saignant après l’interruption, Federer semble retrouver de la confiance et des sensations, et pousse son adversaire dans un nouveau tie-break, où va se produire quelque chose d'à la fois fou et totalement inattendu. Nadal s'offre une première balle de match, sauvée par le Suisse, qui en concède une seconde quelques instants plus tard.
En voyant monter son adversaire au filet, tout le monde pense alors que le Majorquin va s'imposer, mais Roger Federer réussit là un passing de revers incroyable, celui-là même qu'il avait raté une bonne vingtaine de fois auparavant dans ce match. Le Suisse vient de sauver deux balles de premier sacre pour Nadal, et finit par s'imposer dans ce qui reste à ce jour comme l'un des plus beaux tie-break de l'histoire de leurs confrontations. "J’ai eu beaucoup de possibilités de finir ce match avant. Mais ce n’est pas facile pour moi de jouer à la même époque que le meilleur joueur de l’histoire" reconnaîtra d’ailleurs Nadal après le match.
A ce moment-là, Federer est revenu de nulle part. La dynamique semble s’être inversée, et le public du Centre Court s’éprend à rêver d’un come-back historique de son champion. "La dynamique du match favorise Roger Federer. Il vient de remonter deux sets, de sauver deux balles de match. À l'inverse, le Majorquin a, pour la première fois de sa carrière, éprouvé les effets du petit bras" écrit l’Equipe. Sauf que le Majorquin aussi a de la ressource, et parvient à contrer les enchaînements service slicé-coup droits dévastateurs de son adversaire. Les deux hommes se rendent coup pour coup et tiennent leur service. Aucun ne veut abdiquer dans la cinquième manque, et la nuit se fait menaçante. Le match pourrait être interrompu une nouvelle fois, et ne pas reprendre avant le lendemain, lundi.
Seulement voilà, le génie de l'ocre en a décidé autrement, et ne veut pas revenir le lendemain. Il tente le tout pour tout, prenant de gros risques dans son jeu, avant l'interruption. C’est finalement le Suisse qui craque le premier après quasiment 5 heures de combat. Rafael Nadal réussit un break crucial, et termine ce match à 9-7 dans la dernière manche. Comme un mois plus tôt sur la terre battue parisienne, il s’effondre sur le gazon du court central, les bras au ciel. Il vient de réussir un exploit monumental. Federer ne peut que s'incliner. "C'est impossible de décrire ce que je ressens maintenant, lâche le Majorquin, entre ses larmes de joie. C'est mon tournoi préféré, j'ai toujours rêvé de le gagner, mais je n'imaginais jamais que ce serait comme cela".
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