: Reportage "The Queue, c'est vraiment l'atmosphère de Wimbledon" : quand des milliers de spectateurs patientent des heures en quête de billets
"Enjoy to the party". A l'entrée du Wimbledon Park, parc situé juste en face du All England Lawn Tennis and Croquet Club (AELTC), les bénévoles du tournoi, appelés ici les honorary stewards, accueillent mardi 4 juillet les nombreux spectateurs en quête de billets. Comme chaque année, ils sont nombreux à participer à la célèbre "Queue", une longue file d'attente qui permet d'acheter un billet pour la journée sur les courts annexes mais aussi et surtout sur les principaux courts. 1 500 billets sont vendus pour le Center Court et les courts numéros 1 et 2 (soit 500 par court), ainsi que de nombreux "grounds passes" qui donnent accès à l'enceinte et aux plus petits terrains.
A 8 heures, ils sont déjà des milliers à patienter dans une ambiance calme et joviale. Certains sont arrivés au petit matin, quand d'autres ont préféré planter leur tente la veille afin de maximiser leur chance de décrocher des billets sur les grands courts. C'est le cas de David et de sa mère, Angela, installés dans le parc de Wimbledon depuis dimanche.
David est un habitué de la queue, il en est à sa huitième participation. Et à chaque fois, il a obtenu des places. Lundi, il a déjà pu aller sur le court numéro 1 et a assisté aux matchs d'Iga Swiatek et de Casper Ruud, qui a battu le Français, sorti des qualifications, Laurent Lokoli. "Iga Swiatek était absolument incroyable. Et je pense qu'elle peut gagner Wimbledon", se réjouit ce passionné qui voyait la Polonaise jouer pour la première fois.
Tara et George, couple de trentenaires, sont eux arrivés à 5h45 ce matin. Si George a déjà participé quelques fois à la queue, Tara découvre cette ambiance pour la première fois. "C'est très amusant et très bien organisé. Nous attendions un peu de pluie ce matin, mais pour le moment, nous passons à travers les gouttes. On croise les doigts", sourit-elle, assise dans l'herbe à côté de George, sur leur plaid aux couleurs du tournoi.
Un guide de bonne conduite
A leur arrivée dans la file d'attente, les honorary stewards leur ont donné une carte, datée et numérotée, qui indique leur position dans la file d'attente. Chacun des arrivants est ensuite placé dans une file, là aussi numérotée de 1 à 9, puis guidé par les bénévoles pour avancer en ligne. Tara et George ont les numéros 1 919 et 1 920. "J'espère que nous aurons des billets pour les courts annexes, mais si nous pouvons avoir des places pour le court numéro deux, ça serait incroyable. Car aujourd'hui, Dominic Thiem joue", ajoute George, fan de l'Autrichien et "de son revers à une main".
En plus de ce billet, les spectateurs reçoivent un guide de la file d'attente avec des informations pratiques, des recommandations ainsi qu'un code de bonne conduite : les futurs détenteurs de billets doivent respecter le voisinage, ne pas fumer au sein de la queue, ni jouer de la musique ou aux jeux de ballon après 22 heures. Les barbecues sont aussi interdits. Seules les tentes à deux places sont autorisées, et l'espace de stockage est très limité pour les bagages.
L'AELTC "se réserve le droit de refuser l'entrée à toute personne adoptant un comportement social déraisonnable ou qui cause une obstruction, un danger ou un désagrément", précise le code de conduite. Une fois dans la file, vous ne devez plus quitter votre position, sous peine de perdre votre place. "L'absence temporaire dans la file d'attente pour l'achat de rafraîchissements ou pour une pause toilettes ne doit pas dépasser 30 minutes", mentionne le document.
The queue, l'esprit de Wimbledon
Pour patienter les quelques heures que durent la queue, à chacun ses hobbies. "Nous, ce n'est pas très excitant, mais on regarde des idées pour la rénovation de la maison", rigole Tara. Pour Grory, Mihir et Holly, trois amis âgés de 25 à 28 ans qui participent à leur première queue, les options sont variées. "J'ai un ballon dans mon sac pour faire quelques parties", commence Mihir. "Et moi, j'ai une petite couverture pour faire une sieste", ajoute Holly, en montrant son équipement.
"On a regardé le programme pour repérer les matchs intéressants. Et on écoute de la musique, beaucoup de musique. Sinon, on envoie des mails et on travaille", explique quant à lui Tim, accompagné de son fils Matthew. Arrivés un peu plus tard que prévu à cause du retard de leur train, vers 7h30, leur numéro n'est pas le plus favorable. "Nous sommes dans les 4 000. Je ne sais pas si nous aurons des tickets. La seule chose que je peux vous dire, c'est qu'il y a beaucoup de monde derrière nous", confie avec malice celui qui veut juste voir du tennis, peu importe les joueurs. Plus la queue avance, plus celle-ci serpente au milieu des stands de boissons, d'en-cas et d'activités proposées par les marques. Des hauts-parleurs diffusent le tube du chanteur britannique Harry Styles As it was, et des écrans passent des images du tournoi.
"Nous vivons à Londres, alors on s'est dit que c'était facile d'essayer de venir passer la journée. Il y a une très bonne ambiance et ça fait partie de l'esprit de Wimbledon. Il y a une atmosphère amicale, agréable et détendue", glisse Holly. Ce que confirme George : "The Queue, c'est vraiment l'atmosphère de Wimbledon. C'est important d'y participer au moins une fois. Il y a une ambiance de camaraderie et tout le monde est de bonne humeur. Les gens se mettent dans l'ambiance très tôt. Ce matin, quelques bouteilles de champagne ont déjà été ouvertes", s'amuse-t-il.
Pour David, participer à la queue est même un immanquable pour venir à Wimbledon. "Obtenir des places par la loterie (seul moyen d'obtenir des places en dehors de la queue, avec un formulaire à remplir avant le 31 décembre de l'année précédente), c'est un peu la fortune du pot. Si vous êtes tirés au sort, vous ne choisissez ni la date, ni le court. Et ce que j'aime ici, c'est venir camper, rencontrer des gens et patienter autour de jeux et autres amusements." Lors des deux premiers jours du tournoi, le prix des places oscille entre 27 livres britanniques (environ 31 euros) pour les "grounds tickets", 46 livres (environ 54 euros) pour les courts 2 et 3, ou encore 75 livres (environ 87 euros) pour le numéro 1 et 80 livres (environ 93 euros) pour le Center court. Au fil des jours, les prix augmentent progressivement, pour atteindre 255 livres (environ 298 euros) le dimanche de la finale masculine sur le court central.
Chaque jour, la plupart des spectateurs installés dans la queue, depuis le matin, ont la quasi-garantie d'accéder au stade. Hier, vers 13h, les organisateurs ont indiqué sur Twitter que le stade avait atteint sa "pleine capacité" et conseillait "aux personnes ayant l'intention de faire la queue aujourd'hui de ne pas se rendre à Wimbledon". "Si nous repartons sans billet, je ne reviendrai jamais", s'amuse Tim, avec son humour pince-sans-rire. "On ira simplement prendre un petit-déjeuner", glisse-t-il encore, souriant, à son fils.
David et Angela sont, eux, restés près leur tente ce matin, et tenteront leur chance demain. Aujourd'hui, ils prennent le temps de se reposer. "Hier, c'était très long et un peu compliqué à vrai dire. La sécurité a été renforcée cette année à l'entrée du stade et la file d'attente a été énormément retardée. Nous avons même failli rater le début de notre match", raconte Angela, déçue. Face aux mécontentements, les organisateurs ont corrigé ce petit cafouillage dès le lendemain.
Pour les trois amis Grory, Mihir et Holly, dont les tickets les positionnent vers le 2 000e rang, aucune inquiétude pour aujourd'hui. S'ils aimeraient évidemment un jour pouvoir assister à un match sur le Center court, l'objectif du jour est bien plus simple. "On espère juste avoir accès aux annexes, affirme Grory, pouvoir se promener dans les lieux et pouvoir s'asseoir sur la colline pour voir le match d'Andy Murray, tout en dégustant les fraises à la crème."
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