Roger Federer, dernier rêve évanoui à Wimbledon ?
"Je sais que je suis toujours là." Avant sa 25e finale de Grand Chelem, Roger Federer affichait une confiance légitime. Sur un terrain devenu son jardin pendant cinq années consécutives (2003 à 2007), le Suisse avait repris ses galons de patron durant presque toute la quinzaine. Avec un tableau vidée de toute opposition majeure avant les quarts de finale (Lorenzi, Müller, Giraldo et Robredo), il a pu mettre son jeu en place, emmagasiner de la confiance, vérifier qu'il avait toujours le pied bien vert. En quarts, il a su dominer Stan Wawrinka en perdant son premier set du tournoi, avant de se défaire d'un Raonic toujours aphone lorsqu'il l'affronte. Tout était donc parfait à l'heure de la finale. Le physique était là, la confiance aussi, la tactique en place. Mais au terme d'une rencontre extraordinaire, au cours de laquelle il a sauvé une balle de match au 4e set, l'ancien N.1 mondial est tombé sur Novak Djokovic.
Durant quatorze jours, l'ancien N.1 mondial a vécu un rêve. Cela a été insuffisant pour aboutir à un 18e sacre en Grand Chelem, qui aurait fait de lui le plus "vieux" vainqueur à Wimbledon en détrônant Arthur Ashe (31 ans en 1975). Cela s'est révélé insuffisant pour devenir le plus grand vainqueur de ce tournoi, avec une victoire de plus que William Renshaw et Pete Sampras. Les trois hommes sont toujours sur la même ligne avec 7 consécrations, son compteur personnel est toujours bloqué à 17 Grands Chelems. Tout ceci pourrait ne plus jamais évoluer. Voici pourquoi cette finale était peut-être son ultime occasion de franchir un nouveau cap.
Le gazon reste son jardin
Le gazon est clairement devenu la surface sur laquelle il a le plus de chances de s'imposer. Ce n'est pas un hasard s'il a remporté son premier Grand Chelem ici. Ce n'est pas un hasard s'il s'est imposé à sept reprises sur les courts du All England Club en 16 participations. Ce n'est pas un hasard s'il a remporté 7 titres à Halles en 12 participations. Ce n'est pas un hasard, enfin, s'il ne compte que 18 défaites sur gazon en 103 matches dans sa carrière. Des échanges plus courts, son service plus dévastateur, et son jeu offensif plus présent, Roger Federer sait profiter de ses atouts encore mieux qu'ailleurs. Il a en plus ajouté Stefan Edberg dans son coin, ancien maître des lieux, ancienne référence du jeu offensif à tous crins. Avec le Suédois, il a, depuis plusieurs mois, renoué avec un jeu flamboyant, avec une confiance accrue, avec des résultats plus probants. Mais il manque encore quelque chose.
Un tableau idéal
Novak Djokovic avait un vrai parcours du combattant, à l'opposé du sien. Lorenzi, Müller, Giraldo et Robredo (N.23) ne représentaient pas des rivaux très dangereux sur cette surface, et Roger Federer a su les écarter prestement, sans passer plus de 1h34 sur le court à chaque fois. Stan Wawrinka, son ami, se trouvait pour la première fois de sa carrière en quarts de finale ici, et n'a pu lui prendre qu'un set au terme d'un match néanmoins serré en quarts. Face à Milos Raonic en demi-finale, il avait l'avantage de n'avoir jamais perdu contre lui lors de leurs quatre précédents duels, et le Canadien n'a pas fait mieux, après avoir souvent livré bataille dans ses matches précédents (Kubot, Nishikori, Kyrgios). Avec un classement mondial moins protecteur que par le passé, le Suisse ne sera pas à pareille fête très souvent en Grand Chelem. Il avait en plus l'avantage, comme le veut la tradition, de bénéficier du libre choix des organisateurs pour les têtes de série. Arriver en très bonne condition physique, encore plus à bientôt 33 ans, c'est une des clés de ses succès. Pas la seule.
Un âge avancé
Il a débuté sa moisson de tournois du Grand Chelem alors qu'il avait 21 ans, à Wimbledon. Il en a désormais 32, et le 8 août 33. Si son jeu est beaucoup moins traumatisant que celui d'un Rafale Nadal, s'il est un modèle de préparation physique et d'hygiène de vie, Roger Federer sait que le poids des années pèse, de plus en plus. Embêté l'an dernier par des problèmes de dos, l'année 2014 est beaucoup plus clémente pour son corps. "Face à quelqu'un comme Novak au top de sa forme à 27 ans, c'est sympa de voir à quel point je suis proche. Cela me prouve que si je suis en forme physique, beaucoup de choses sont possibles", se réjouissait-il après son revers en finale. Pour l'instant, cela ne l'a pas ramené au sommet d'un Grand Chelem. Il a néanmoins déjà gagné deux tournois (Halle et Dubaï), soit un de plus qu'en 2013, mais un de moins qu'en 2002, dernière année avant son avènement. Son objectif est clair: aller jusqu'aux Jeux Olympiques de Rio en 2016.
Une concurrence affamée
Il y a Rafael Nadal, son rival historique, il y a Novak Djokovic, le nouveau N.1 mondial, il y a Andy Murray, celui qui l'a privé du titre olympique individuel rêvé en 2012. Mais le Big Four n'est plus seul au monde. Stan Wawrinka s'est mêlé au jeu en gagnant un Grand Chelem (Australie) et un Masters 1000 (à Monte-Carlo). Avec Tomas Berdych, Juan Martin Del Potro (quand il sera de retour de blessure) et David Ferrer, ils sont capables de faire tomber les quatre "ténors" à tout moment. Et il faut ajouter la nouvelle génération, incarnée par Grigor Dimitrov (tombeur de Murray à Wimbledon et gros adversaire de Djokovic en demies), Ernests Gulbis (tombeur de Federer à Roland-Garros), Kei Nishikori, Milos Raonic sans oublier la belle révélation londonienne Nick Kyrgios, dont le talent à seulement 19 augure de beaux lendemains. Et tous ces joueurs sont extrêmement à l'aise sur dur (où se jouent l'Open d'Australie et l'US Open), alors que Roland-Garros ne semble plus accessible au Suisse. Son talent est toujours là, mais il est moins craint par ses adversaires. La dureté et la longueur d'un Grand Chelem sont des obstacles supplémentaires sur la route du plus grand joueur de l'Histoire.
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