Wimbledon 2024 : service fulgurant, attaquant solide, gros mental... Comment Giovanni Mpetshi Perricard a mis tout le monde d'accord

Le tennisman, qui fête ses 21 ans ce lundi, fait une entrée fracassante dans la cour des grands à Wimbledon et jouera son premier huitième de finale de Grand Chelem contre Lorenzo Musetti.
Article rédigé par Sasha Beckermann
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Giovanni Mpetshi Perricard le 6 juillet 2024 à Wimbledon (Londres). (MAXPPP)

La rançon de la gloire. "C’est la première fois qu’il y a autant de monde pour moi", s'amusait Giovanni Mpetshi Perricard, 20 ans, après sa victoire en cinq sets sur Sebastian Korda, tête de série numéro 20, au premier tour de Wimbledon. La presse française et la presse étrangère se sont précipitées dans cette petite salle numéro 5 du centre de presse du tournoi britannique, après la victoire du Français contre l'Américain. Comme si un vent commençait à se lever, une petite voix qui nous soufflait que nous avions peut-être eu raison de placer des espoirs en ce jeune Lyonnais qui a remporté son premier ATP 250, chez lui, il y a seulement quelques semaines.

La petite voix s’est intensifiée après le deuxième tour et la démonstration de Giovanni Mpetshi Perricard face au Japonais Yoshihito Nishioka. Trois sets, 1h11 de jeu, 27 aces. Les certitudes sont arrivées après le troisième tour, quand "GMP" s’est offert le Finlandais Emil Ruusuvuori en quatre sets samedi 6 juillet (4-6, 6-2, 7-6 [7-5], 6-4) pour se hisser en huitièmes de finale, alors qu’il avait commencé le tournoi avec le statut de lucky loser.

"Tant mieux, balaie-t-il lorsque le sujet de sa médiatisation est évoqué. Mais je ne suis pas concentré là-dessus. Je fais juste mon job sur le court. Je sers bien, les gens sont vite impressionnés. Moi, je fais mon boulot d'envoyer des parpaings dans tous les sens. Eux, ça les éclate, tout le monde est content !", ajoute-t-il en riant. Du haut de ses 21 ans, Giovanni Mpetshi Perricard affiche une maturité impressionnante et surtout beaucoup de spontanéité.

Un gros travail sur le mental

Sur un court de tennis aussi, le jeune joueur affiche une sérénité déconcertante. Dans son rallye face à Sebastian Korda, il n’a jamais semblé douter, même lorsqu’il ne parvenait pas à trouver la faille. Face à Yoshihito Nishioka, il n’a pas réagi quand, écœuré de ne rien pouvoir retourner, son adversaire a commencé à montrer de sérieux signes d’agacement, bien au contraire : "Il a vraiment extériorisé le fait d'être saoulé. Ça m'a permis d'avoir encore plus confiance. Certains le cachent un peu plus. Le fait qu'il l'ait montré, ça m'a aidé. Je me suis dit : 'Il faut faire le rouleau compresseur, il faut lui marcher dessus.' Et quand il a baissé la tête, j'ai gardé le cap."

Giovanni Mpetshi Perricard ne cache pas que l'aspect mental est important pour lui. La psychologie de son adversaire, mais aussi la sienne. Et pourtant, cette image de force tranquille qui se dégage n’est pas innée. "Il y a beaucoup de travail derrière. Mentalement, ce n'est pas évident. Je suis quelqu'un d'assez timide, de très réservé. J'ai dû bosser là-dessus avec des gens pour m'aider", détaille-t-il.

Celui qui en parle le mieux, c’est Arthur Fils, son meilleur ami. Ils se connaissent depuis qu’ils ont "8 ou 9 ans". Les deux joueurs, tous les deux qualifiés pour les huitièmes, ont passé un an ensemble au pôle France de Poitiers. "On se voit tous les jours, on dîne ensemble presque tous les soirs, on est partis en vacances ensemble plein de fois... On est très proches", confiait le Français à Wimbledon. "Il m’a appris à retourner", s’amusait-il en évoquant le service presque infaillible de son ami. Et il ne voit presque pas de limites au talent de celui qu’il considère comme un frère : "Je pense que ça va être l’un des meilleurs joueurs au monde, très prochainement."

105 aces en trois matchs

De tous ses coups, c'est son service qui a impressionné le plus. Giovanni Mpetshi Perricard a aligné 105 aces en trois matchs. Mais ne lui parlez surtout pas de ressemblance avec un certain John Isner, ou Juan Martin Del Potro, le Français, s’inspire çà et là, mais il tient à se différencier des autres : "Je ne vais pas copier un serveur. J’ai mon style, ma routine avant chaque service. Je ne prends pas la balle montante, je ne lance pas la balle à trois mètres de haut. J'ai toujours eu le service de Giovanni Mpetshi, c'est le mien. Je ne regarde pas comment les autres servent."

Maxime Janvier au troisième tour des qualifications, Sebastian Korda au premier tour du tournoi, puis Yoshihito Nishioka… Tous en ont fait les frais. "C'est irréel ! La puissance, la continuité... Tu as l'impression qu'il peut servir 40 heures comme ça, à 250 km/h, première, deuxième... Franchement, c'est impressionnant. Et insupportable", lâchait à L'Equipe le premier, malgré sa victoire.

Le second n’a pas eu la même chance. Totalement dépité après sa défaite, l’Américain désespérait : "Quel grand serveur… Je le connaissais un peu, mais je ne pensais pas que c'était aussi bon que ça. À un moment, il avait 80% de premières balles, pour une seule double faute. Il n'y avait pas grand-chose à faire, juste deviner où la balle allait arriver. C'est l'une des défaites les plus tristes de ma carrière.

"J'espère qu'on va se jouer dans des matchs de fou, dans des endroits de malade."

Arthur Fils

en conférence de presse à Wimbledon

Lucas Pouille n’a pas tari d’éloges sur le jeune prodige : "Il ne met pas que des aces. Il sauve aussi des balles de break dans le jeu. C’est aussi pour ça qu’il a un super avenir. On parle beaucoup des grands, ils servent, ils servent, mais du fond du court ils sont un peu moins bons. Giovanni est capable de tenir la balle du fond. Il se déplace extrêmement bien pour sa taille." Du haut de ses 2,03 m, le fils de l'ancien footballeur congolais Ghislain Mpetshi-Kalongo a montré qu’il avait déjà une belle palette de coups à son arc.

"Il y a ce gabarit, il y a cette qualité de service certes, mais c’est un joueur qu’on ne peut pas laisser jouer du fond du court, analyse Arnaud Clément, consultant pour franceinfo: sport. Il a un très bon coup droit. Il a beaucoup de qualités, il est en progression énorme. Il fait partie de ceux qui ont un impact dans leur jeu qui est vraiment extrêmement déstabilisant." 

Et pas uniquement du fond du court. Face à Emil Ruusuvuori, le Lyonnais a remporté 80% des points joués au filet (37/46). "Si ce n'était que les aces, ça serait difficile d'arriver en huitièmes, analysait-il après sa victoire au troisième tour samedi. Je trouve que je volleye plutôt bien. Ça m'a bien aidé aujourd'hui et même contre Korda. J'ai énormément progressé dans ce secteur." L'italien Lorenzo Musetti va donc se trouver lundi face à énorme défi, pour empêcher Giovanni Mpetshi Perricard d'être le premier lucky loser à atteindre les quarts de finale à Wimbledon.

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