Wimbledon, coeur de Murray
Cette rage une fois la balle de match passée, Andy Murray l'avait en lui depuis des années. Comme tout Britannique, depuis son arrivée sur le circuit professionnel en 2005, il entend chaque année la même rengaine: qui peut succéder à Fred Perry. Depuis 1936, le Royaume se cherche un successeur. Tous ses prédécesseurs se sont cassés les dents sur ce défi, y compris Tim Henman, gendre idéal au jeu taillé pour s'imposer sur gazon mais qui n'a jamais été plus loin qu'une demi-finale. Pendant longtemps, Andy Murray s'est placé dans leur droite ligne. Sa 1ère participation en 2005 se solde par une défaite au 3e tour alors qu'il est 312e mondial. L'année suivante, il va jusqu'en 8e de finale, puis en quarts en 2008. Les trois saisons suivantes, c'est en demies qu'il s'incline, contre Roddick puis deux fois contre Nadal. Et enfin, il y a cette année 2012.
2012, l'année charnière
Pour trouver la source du succès de l'Ecossais à Wimbledon hier, il faut remonter un an avant. Il faut revoir les larmes de ce grand gaillard alors âgé de 25 ans, qui vient d'être battu devant ses plus grands fans par Roger Federer en finale. Tous les espoirs qu'il avait fait naître s'évanouissaient. Pire encore, en s'inclinant pour la quatrième fois de sa carrière en finale d'un tournoi du Grand Chelem (US open 2008, Australie 2010 et 2011), il n'enlevait pas la pancarte qui lui colle à la peau, celle d'un des meilleurs joueurs du monde incapable de remporter un tournoi Majeur. Mais c'est justement dans ce revers, dans ce discours qu'il n'arrivait pas à faire au micro, étranglé par l'émotion et les larmes, qu'Andy Murray a bâti sa victoire.
Mais la rage, la déception n'étaient pas suffisants pour le faire avancer jusque-là. Il fallait encore une victoire. Et elle est venue très rapidement, un mois après, lors des Jeux Olympiques. Totalement concentré sur ce deuxième événement devant son public, sur cette deuxième occasion de s'imposer à Wimbledon, même hors Grand Chelem, l'Ecossais a fait face en prenant sa revanche en finale contre Roger Federer. Une médaille d'or olympique pour laquelle il avait travaillée durant un mois complet, et qui avait bien plus d'enseignements qu'un simple titre: "Il a battu le N.1 et le N.2 mondiaux, ce dernier de façon nette et convaincante malgré l'énorme pression qu'il avait. Cela veut dire qu'il a réglé un certain nombre de problèmes, notamment au niveau de son attitude qui a été positive, concentrée et agressive. C'est aussi le travail avec Ivan Lendl qui paye, et qui va le conforter dans cette voie positive plutôt que de faire le garçon capricieux", nous expliquait Patrice Dominguez, consultant France Télévisions. "C'est une étape de plus dans son processus de maîtrise des événements. Le fait qu'il ait gagné ce titre, dans le Temple du tennis, ne peut que l'aider dans sa quête d'un Grand Chelem."
Quelques semaines après, il convainc définitivement le grand public et surtout ses adversaires que le déclic s'est produit dans sa tête et dans son jeu, en remportant l'US Open aux dépens de Novak Djokovic. Ce titre du Grand Chelem qui lui échappait tout le temps était à lui. Il était enfin récompensé de tous ses efforts. Et s'il a été battu en Australie par le Serbe, il s'était prouvé à lui-même qu'il pouvait y parvenir. Avec dans son box Ivan Lendl, autre ancien vaincu idéal en Grand Chelem (4 défaites en finale avant de gagner à Roland-Garros en 1984), il a trouvé l'homme qui lui fallait pour ne pas désespérer. Et pour être prêt au moment important. En déclarant forfait à Roland-Garros en raison d'un problème au dos, Andy Murray a tout fait pour arriver en pleine forme à Wimbledon.
Au Queen's, il s'impose et emmagasine de la confiance. En s'imposant à Wimbledon juste après, il rejoint le cercle très fermé des joueurs ayant fait le doublé à Londres la même année: John McEnroe en 1981 et 1984, Jimmy Connors en 1982, Boris Becker en 1985, Pete Sampras en 1995 et 1999, Lleyton Hewitt en 2002 et Rafael Nadal en 2008. Deuxième mondial, il peut désormais briguer le strapontin de N.1. Un jeu en place et maîtrisé, un mental à la hauteur, une attitude qui a effacé tous ses aspects négatifs, Andy Murray est désormais dans la cour des grands.
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