Roland-Garros 2023 : "A part la naissance de mes enfants, c'était le plus beau jour de ma vie", retrace Yannick Noah, 40 ans après son sacre
Invité sur le court Philippe-Chatrier pour fêter les 40 ans de son sacre à Roland-Garros, Yannick Noah a donné un concert inédit, samedi 27 mai. L'ex-tennisman est ensuite passé en conférence de presse au cours de laquelle il s'est épanché, sans fard, sur les émotions que lui procurent la commémoration du meilleur moment de sa carrière. Il n'a pas hésité non plus à livrer des avis tranchés à propos de l'évolution du tennis, déplorant notamment le manque de proximité des joueurs avec le public.
Quelle place occupe le 5 juin 1983 dans votre esprit et votre coeur ?
Yannick Noah : A part la naissance de mes enfants, c'est le plus beau jour de ma vie. Je suis plein de gratitude d'avoir le plus beau jour de ma vie filmé. J'ai le film. Assez étonnamment, avec le temps, je m'aperçois qu'à chaque fois que je vois ces images ça me procure une émotion très forte. Je suis certain que dans 30 ou 40 ans, quand je vais me casser la pipe [mourir] ce seront des images qu'on va montrer en ouverture du journal. C'est sûr qu'on va parler de ça. Ce jour-là a compté pour quasiment tous les gens de ma génération en France. Tous ces gens se souviennent du lieu où ils étaient ce jour-là. Il y a aussi tous ces gens qui prétendent avoir raté leurs examens parce que c'était début juin et qu'ils avaient préféré me soutenir plutôt que bosser.
Le fait de rejouer avec Mats Wilander, cette fois de la musique, 40 ans après votre victoire à Roland-Garros, ça vous fait quoi ?
Pour nous, les lumières du tennis se sont éteintes depuis 30 ans. Quand ça s'éteint, ce qui reste c'est l'amitié. C'est mon ami depuis longtemps. On a déjà fait plein de concerts. Notre blagounette entre nous, c'est que les gens le connaissent ici parce qu'il a perdu contre moi, alors qu'il a gagné le tournoi trois fois. Lors d'une exhibition pour l'association des Enfants de la terre il y a quelques années, Marc Maury l'avait présenté de la sorte : "Et maintenant, le finaliste de Roland-Garros 1983" alors qu'il a gagné sept tournois du Grand Chelem. C'est bien qu'on ait gardé cette passion de la musique. C'est le mec le plus humble et cool de l'histoire. C'est quand même le seul mec de l'histoire à avoir refait jouer une balle de match en finale alors qu'il avait 17-18 ans. Moi je l'aurais piquée.
Comment regardez-vous l'évolution du tennis, entre la photographie d'il y a 40 ans et aujourd'hui ?
Le tennis a évolué comme la société. La médiatisation, déjà, a changé. Je crois qu'au début des années 1980 elle ne faisait que commencer. Le matériel aussi a changé beaucoup de choses dans le jeu, rien qu'avec les balles. En tant que spectateur, ce qui me bouleverse le plus et ce qu'on aurait pu éviter c'est la mise en place de ce code de conduite. J'ai le sentiment qu'il y a moins de proximité avec les joueurs, même s'ils ont des millions de followers. Je ne pense pas que ça vienne d'un manque de personnalité. C'est surtout qu'on leur coupe le sifflet quand ils jouent. Après, quand je regarde des matchs, je suis halluciné par le niveau des meilleurs et même des moins connus. Qu'ils soient 50, 60 ou 100e mondiaux, ça joue vraiment bien au tennis.
On a beaucoup parlé de santé mentale dans le tennis ces derniers temps. Beaucoup de joueurs et de joueuses ont évoqué leur burn-out. Comment interprétez-vous ce phénomène qui va croissant ?
Pour moi, ça n'a jamais été exceptionnel. Beaucoup de joueurs ont connu des gros épisodes de dépression. Moi ça avait été spectaculaire, pas loin d'ici. Tu rêves de jouer mais il y a d'autres choses autour d'un joueur de tennis. Elles sont peut-être invisibles. Mais même sans être joueur de tennis, une personne sur cinq souffre de troubles mentaux. Quand tu ajoutes à ça la pression... Moi j'avais eu le sentiment de m'être un peu fait défoncer la gueule alors que je n'allais déjà pas très bien. Après ça, ça a été encore pire. Il y a une espèce d'incompréhension et de solitude. J'ai trouvé la solution du moment, qui était de vivre ailleurs. C'est presque normal [que les joueurs soient sujets à de la dépression].
C'est beaucoup de pression, des médias, des agents, des résultats, sur des individus parfois très jeunes et pas forcément préparés à tout ça. Tu peux t'entraîner, gagner des matchs et un jour te retrouver à représenter des choses très lourdes. Ce n'est pas nouveau. En France, dans ma génération, ça avait été dur. Je me rappelle de Marie-José Perec, qui était mon amie, on ne lui a pas fait de cadeaux, même si on la célèbre aujourd'hui comme l'une des meilleures de tous les temps.
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