Interview Paris 2024 : "Toute personne a le droit d'accéder aux documents administratifs", un avocat fiscaliste rappelle que les montants des marchés des JO peuvent être demandés

Contrairement à ce qu'a affirmé mercredi sur franceinfo Tony Estanguet, président de Paris 2024, il est tout à fait possible d'obtenir les montants des marchés conclus avec la société GL Events, présidée par Olivier Ginon, proche d'Emmanuel Macron. Éclairage de Jean Dupoux, avocat fiscaliste.
Article rédigé par Nicolas Piquet
Radio France
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Tony Estanguet (à gauche), président de Paris 2024, et Olivier Ginon (à droite), président de GL Events. Illustration. (Fabrice COFFRINI / Ludovic MARIN / AFP)

Organiser les Jeux olympiques et paralympiques coûte cher. Pour construire la majorité des installations temporaires, Paris 2024 s'est tourné, en majorité, vers la société spécialisée dans l'événementiel GL Events, présidée par Olivier Ginon, un proche d'Emmanuel Macron. Interrogé sur franceinfo, mercredi 28 août, sur les montants des contrats signés entre les deux entreprises (Paris 2024 étant abondé de fonds publics), après des accusations de manque de transparence par le journal Le Canard Enchaîné, Tony Estanguet n'a pas souhaité donner cette information. "On a une transparence totale vis-à-vis de nos organismes de contrôle", affirme-t-il, "en revanche, publiquement, c'est le droit des affaires. On s'engage avec nos partenaires, que ce soit pour les partenariats ou pour les prestations, à ne jamais communiquer les montants qui sont signés dans les contrats".

S'il est vrai que le président de Paris 2024 n'est pas obligé de divulguer en direct à la radio les montants des appels d'offres des JO, reste que ceux-ci ne sont pas forcément confidentiels et peuvent être demandés à l'administration publique, selon Jean Dupoux, avocat au barreau de Paris, spécialiste en droit fiscal, passé par le secrétariat général de la Commission centrale des marchés.

franceinfo : Tony Estanguet a-t-il raison en affirmant avoir le droit de ne pas divulguer les montants des appels d’offres ?

Jean Dupoux : Je ne sais pas sur quoi il peut se fonder, dans la mesure où le droit à l'information est prévu par le Code des relations entre le public et l'administration. Toute personne a le droit d'accéder aux documents administratifs, sous réserve, bien entendu, de quelques exceptions qui peuvent être liées à la protection de la vie privée, au secret commercial ou encore à la sécurité publique ou au secret-défense. Tout citoyen, sans qu'il doive justifier d'un intérêt particulier, peut demander d'accéder à ces documents. Les règles du Code du marché public ne s'adressent pas simplement au domaine de la collectivité territoriale, mais également aux sociétés dans lesquelles l'État ou la collectivité publique est partie prenante.

Alors comment faire pour se procurer ces documents ?

Vous pouvez d'abord écrire à Paris 2024 en demandant de communiquer les documents. Ensuite, s'ils ne vous les donnent pas, c'est un recours qui se fait tout simplement auprès de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), sur le site, par mail, ou avec une lettre. La CADA dispose de deux mois pour rendre ensuite un avis favorable ou défavorable, mais cet avis n'est pas contraignant pour l'administration ou pour la société concernée. Si la CADA donne un avis qui est favorable à la communication des éléments et qu'il y a toujours un refus de la société, un recours contentieux peut alors être engagé devant le tribunal administratif. Si l'administration ne respecte pas la décision du tribunal, elle peut être condamnée à verser des dommages et intérêts au demandeur. Ce qui est important, c'est de savoir très précisément ce qu'on va demander. Cela peut être les rapports de la Cour des comptes sur les marchés concernés, les documents contractuels eux-mêmes, les bordereaux de prix, les annexes... Il peut exister plusieurs centaines de pages de documents et on ne peut pas demander simplement d'avoir tout d'un coup.

Il est donc possible d'accéder à n'importe quelle information ?

Pour refuser de transmettre un document, il faut invoquer une raison, notamment dans le cas des exceptions [citées précédemment]. On ne va pas non plus avoir une transparence totale sur l'ensemble des éléments du marché. Vous n'aurez pas les rémunérations des individus individuellement versées qui relèvent de la confidentialité des données personnelles. Celles-ci peuvent donc être exclues ou entièrement anonymisées. En tout cas, si on n'en fait pas la demande, c'est certain que ce ne sera pas divulgué. Il y a ce vieux proverbe qui dit : "Si vous voulez aller au paradis, il faut d'abord mourir." C'est du bon sens !

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