Le mauvais film du Tour de France
Wiggins-Froome-Nibali. Le tiercé du Tour de France n'a pas bougé depuis une semaine. Aucun leader n'a attaqué en montagne. Récit d'un film dont on a trop vite su la fin.
Le Tour de France, on le regarde d'abord pour les paysages, révèle une étude. Mais on ne crache pas sur un bon scénario, des acteurs charismatiques, quelques effets spéciaux et un ou deux seconds rôles qui sortent du lot sans cabotiner. Sans faire le critique sourcilleux des Cahiers du Cinéma, on a le droit d'avoir piqué du nez devant le film du Tour 2012.
Acteurs : les Men In Black ont tué la course
D'habitude, la lutte au sommet du classement général concerne entre trois et cinq coureurs. Cette année, on a bien eu trois coureurs intéressés par le maillot jaune, mais de lutte il n'y a point eu. Ceux qui occupent les premières places du classement général sont ceux qui ont su résister au train d'enfer mené par l'équipe Sky, toute de noir vêtue, dans la montagne. Cette équipe de stars, uniquement tournée vers la victoire de son leader, Bradley Wiggins, sur les Champs-Elysées, a écœuré la concurrence. Du coup, le premier non-Sky, Vincenzo Nibali, 3e au général, n'a porté que des escarmouches. Le seul intérêt de la troisième semaine a été la bataille pour le maillot à pois, entre Thomas Voeckler et Fredrik Kessiakoff. On a connu plus excitant. Pour la bagarre entre cadors, repassez en 2013.
Seconds rôles : Chuck Norris vs le Gorille
En dehors de la collection de victoires des Français, le Tour de France a été marqué par la bataille des sprinters entre André "le Gorille" Greipel, les plus grosses cuisses du peloton, et Peter "Chuck Norris" Sagan, qui ont fini à trois victoires chacun. Le bolide britannique Mark Cavendish, qui avait l'habitude de truster les victoires d'étape, en a été pour ses frais : son équipe, la Sky, a préféré se concentrer sur le classement général, et l'a laissé livré à lui-même lors des sprints.
Meilleurs espoirs : la jeunesse au pouvoir
Les vieux briscards ayant décidé de s'observer plutôt que d'attaquer durant toute la durée du Tour, ce sont les jeunes qui ont su tirer leurs épingles du jeu cette année. Le benjamin de l'épreuve Thibaut Pinot (22 ans) - qui ne devait même pas faire partie du casting - s'est imposé en patron lors de la 8e étape de la Grande Boucle. Quant à Peter Sagan, pour sa première participation au Tour, il rentre en Slovaquie avec trois victoires d'étapes à son palmarès et le meillot vert. Pas mal pour un novice. Pour finir, Pierre Rolland s'impose comme l'année dernière en montagne lors de la 11e étape et finit dans le top 10. De bon augure pour les années à venir ?
Scénario : un mauvais film contemplatif afghan
Comme chaque année, la direction du Tour de France propose, et les coureurs disposent. Si les acteurs de la course n'ont pas refusé la difficulté, le tracé des étapes est critiqué pour avoir favorisé un Tour frileux. Le trop grand nombre de contre-la-montre (près de 100 km au total, contre 40 l'an passé), trop peu d'arrivée au sommet (deux, lors des 11e et 17e étapes, contre quatre en 2011), ont favorisé les gestionnaires plutôt que les solistes brillants. "On est revenu aux Tours soporifiques de Miguel Indurain et Lance Armstrong: détruire l’opposition dans le premier grand chrono, puis gérer en montagne avec une équipe surpuissante", analyse le blog spécialisé La Flamme Rouge. Seul l'épisode du jet de clous sur la route a rendu la course imprévisible.
Producteurs : "Je suis timide, mais je me soigne"
Combien d'équipes n'a-t-on absolument pas vu dans ce Tour de France? Combien sont venues sans véritables ambition? AG2R, Cofidis, Euskaltel, Saur Sojasun et Astana ont essayé, BMC, Vacansoleil, Omega Pharma-Quick Step, Greenedge ont pâti de la méforme de leurs leaders et on se demande toujours ce qu'Argos Shimano, Lampre, Saxo Bank ou Katusha venaient faire sur le Tour.
Effets spéciaux : Tout sauf du carton-pâte
On a quand même eu notre lot de surprises sur ce Tour de France. Le genou de Thomas Voeckler a failli le pousser à l'abandon en première semaine avant qu'il remporte deux victoires d'étapes.
Comme d'habitude, les leaders fantômes n'ont pas failli à leur réputation. A l'image du premier d'entre eux, le Russe Denis Menchov, qui a rapidement disparu de la circulation (15e) alors qu'il était annoncé parmi les candidats au podium. Rayon dopage, pas de grosse affaire à signaler. Les deux coureurs pris la main dans le sac (Rémi di Gregorio et Fränk Schleck) n'avaient pas joué un grand rôle pendant la course.
Moralité : le Tour 2012 ne restera pas dans les annales comme une course d'anthologie. Mais on regardera avec plaisir le Tour 2013, avec (peut-être) une grande bagarre Contador/Andy Schleck/Wiggins/Froome. L'espoir fait vivre.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.